Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le principe de l’exception culturelle est né il y a vingt ans, à l’occasion des accords du GATT. En reconnaissant ce principe, l’Europe défendait la vision que la culture n’est pas une marchandise comme les autres et affirmait son ambition d’encourager sa création et de protéger sa diversité.
Aujourd’hui, le bilan de l’exception culturelle est largement positif. Reflet de la pluralité de nos territoires, la diversité culturelle est vecteur de sens et de lien social entre les Européens et elle contribue à la croissance et à l’emploi. Pourtant, l’exception culturelle est aujourd’hui en danger.
Dans le cadre des futures négociations du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, la Commission européenne a refusé d’exclure explicitement les services audiovisuels de son mandat de négociation.
La libéralisation de l’audiovisuel et du cinéma n’est pas une avancée, c’est un renoncement. Un renoncement au modèle français d’économie de la création et au droit souverain des États de mettre en oeuvre des politiques de soutien à la culture. Un renoncement à tout ce qui a permis, depuis vingt ans, de soutenir la culture européenne.
Sans exception culturelle, le parc français de salles de cinéma ne serait pas le quatrième au monde, il n’y aurait pas de salles d’art et d’essai, il n’y aurait pas 600 nouveaux films sur nos écrans chaque année. Mais il ne s’agit pas de défendre une spécificité franco-française : c’est bien la diversité des expressions européennes qu’il s’agit de protéger.
La position de la Commission est d’autant plus dangereuse qu’elle hypothèque l’avenir du secteur : je veux parler des services audiovisuels délivrés par internet. La libéralisation de ces services interdirait toute modernisation de la régulation et du financement de la création. Elle permettrait aux géants du numérique américain d’échapper à toute obligation envers la création.
Le danger est bien là : sans exception culturelle, les services américains de contenus en ligne déferleront sans entrave sur le marché européen naissant. L’Europe risque alors de se transformer en un simple espace de consommation d’oeuvres produites et distribuées par des acteurs extracommunautaires. Moins d’offre, moins de choix : ce serait la fin de la diversité culturelle.
Il s’agit d’un enjeu de compétitivité industrielle et aussi d’un enjeu de civilisation. Aujourd’hui, le Gouvernement semble en avoir pris conscience puisqu’il a pris l’engagement d’utiliser le droit de veto français si la culture n’était pas écartée du mandat de négociation. Nous, députés, prenons acte de cet engagement du Premier ministre, cet après-midi, devant la représentation nationale.
Nous déplorons toutefois, avec notre collègue Pierre Lellouche, qu’il n’ait pu y avoir de débat sur le partenariat transatlantique au sein de l’Assemblée nationale. Nous regrettons aussi le temps où l’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy, réussissait à engager nos partenaires européens et à faire bouger la Commission sur des enjeux essentiels pour l’Europe, qu’il s’agisse de la crise financière ou de la crise internationale en Géorgie.
Aujourd’hui, force est de constater que la France est affaiblie au sein de l’Europe. François Hollande avait promis de renégocier le traité européen ; il ne l’a pas fait. Il avait promis un budget européen ambitieux ; ce dernier subit une baisse historique. La France doit retrouver son poids et son rôle d’impulsion pour faire avancer l’Europe sur ces questions qui engagent l’avenir.
Comme les artistes, créateurs et professionnels de la culture qui se sont engagés, comme les députés européens, qui ont majoritairement voté en ce sens, les députés de l’opposition, au-delà des clivages politiques, soutiendront le Gouvernement dans son combat pour l’exception culturelle à Bruxelles. Ils voteront donc cette résolution présentée par M. Bloche et Mme Auroi.
Néanmoins, on ne peut que constater que si le Gouvernement défend l’audiovisuel et les industries culturelles à Bruxelles, il mène une politique inverse en France, enchaînant les décisions néfastes à ces secteurs : coupe historique du budget de France Télévisions, projet de réaffectation des fréquences destinées à l’origine à la TNT vers les opérateurs de télécoms, abandon des créateurs face au piratage avec le projet de supprimer la HADOPI, ponction massive dans le compte de soutien affecté au Centre national du cinéma.
L’exception culturelle est en danger ; il faut la préserver. Mais le Gouvernement doit être cohérent et s’engager à soutenir la culture et la communication en Europe mais aussi en France. C’est à ce prix que ces secteurs pourront réellement se développer et la diversité culturelle, prospérer.