Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui saisis d’un projet de loi concernant la deuxième chambre de notre République, une haute assemblée dont la fonction même continue de faire débat. En effet, le Sénat, dans son essence, et surtout dans sa vocation d’assemblée représentative des collectivités territoriales, manque de légitimité. Parce qu’il a pour mission constitutionnelle de représenter ces collectivités, il est soumis à un régime électoral particulier, institué par l’article 24 de la Constitution : ses membres sont élus par un collège électoral, censé être l’émanation de ces collectivités et de leurs assemblées délibérantes, composé de représentants des communes, des départements et des régions.
Quelque 150 000 grands électeurs élisent donc les 348 sénateurs, supposés représenter la nation dans son ensemble. Dans notre optique, ce choix des constituants de 1958 n’est pas allé au bout de la logique. Le général de Gaulle avait bien proposé par référendum en 1969 une réforme visant à fusionner le Sénat avec le Conseil économique et social. Il avait saisi que, dans sa forme d’origine, le Sénat ne répondait qu’imparfaitement aux mécanismes du bicamérisme.
Le Sénat, censé représenter les territoires, ne le fait que partiellement, en raison d’un double inconvénient : le suffrage indirect et la place prépondérante des communes dans son collège électoral – près de 96 % des grands électeurs ! Cette composition n’a que peu varié, d’ailleurs, depuis la IIIe République. On ne peut que constater que les départements et les régions, qui ne représentent respectivement que 2,56 % et 1,19 % du collège ont un poids négligeable dans l’élection des sénateurs.
Or, comme le souligne le rapport de la commission de rénovation de la déontologie de la vie publique présidée par Lionel Jospin, « la surreprésentation écrasante des communes par rapport aux départements et aux régions ne se justifie plus dans le paysage institutionnel actuel, marqué par la place prise par les régions et les départements dans la mise en oeuvre des politiques publiques ». Pour mettre fin à ce que nous avons parfois appelé, au gré de notre histoire constitutionnelle, le Sénat conservateur, nous souscrivons à cette analyse.
Nous sommes, pour notre part, favorables à un Sénat des régions, élu au suffrage universel direct, à la proportionnelle, qui serait une véritable chambre haute des territoires. C’est d’ailleurs ce qu’a proposé notre excellent collègue François de Rugy, il y a quelques instants.
Ses membres seraient directement élus dans les régions et auraient donc pour mandat de représenter leur territoire et leurs habitants. Sur le modèle du Bundesrat, le poids des régions pourrait y être légèrement pondéré pour tempérer les écarts de population, sans toutefois dénaturer la véritable mission du Sénat : représenter les territoires.
Aux États-Unis, chaque État, quel que soit sa taille, est représenté par deux sénateurs. Ainsi le Wyoming, qui compte 536 000 habitants, est représenté par deux sénateurs, comme la Californie, qui en compte 37 millions. Nous ne sommes certes pas obligés d’aller jusqu’à ces extrémités…