Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son article 1er, la Constitution proclame que la République française est laïque, et qu'elle respecte toutes les croyances. Autrement dit, c'est bien parce qu'elle est laïque que la République respecte toutes les croyances. Le principe de laïcité est donc l'un des principes organisateurs majeurs de notre pays.
Cette laïcité à la française est le résultat d'une longue histoire qui n'a pas été simple. Si nous sommes, heureusement, aujourd'hui bien loin des affrontements du début du XXe siècle, certains développements récents de la pratique religieuse dans notre pays posent de nouvelles questions auxquelles il est de notre devoir de répondre. Il en va de la cohésion de notre société.
Nombre de nos concitoyens ont le sentiment, devant la multiplication des atteintes au principe de laïcité, d'un certain recul de notre unité nationale. Il faut le dire et le répéter : sans le respect du principe de laïcité, il ne peut y avoir dans notre pays de cohésion nationale. Sans le respect du principe de laïcité, il ne peut exister d'espace commun où les femmes et les hommes laissent de côté leurs différences pour se parler, se comprendre et, tout simplement, vivre ensemble.
Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs tout dit lorsqu'il a rapproché, dans sa décision du 19 novembre 2004, l'idée de laïcité de celle d'effectivité de la loi commune, interdisant à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes.
La laïcité n'est donc pas un facteur de division mais bien au contraire de rassemblement. Elle n'impose pas de reniement. Elle demande simplement aux uns et aux autres d'accepter de faire ces concessions qui sont indispensables à l'existence d'une vie harmonieuse en société.
Les inquiétudes de nos compatriotes ne doivent pas être ignorées. C'est la raison pour laquelle nous devons faire évoluer les conséquences que nous tirons du principe de laïcité au même rythme que la société, de façon à apporter des solutions adaptées à mesure que les problèmes se posent.
C'est ce que nous avons fait, collectivement, en 2004, en interdisant le port de signes religieux ostensibles à l'école. C'est également ce que nous avons fait en 2010 en interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public. Le Gouvernement et le Parlement de l'époque ont été systématiquement au rendez-vous des attentes des Français en exprimant leur attachement aux valeurs de la République et de la laïcité, en refusant de céder au repli sur soi et aux communautarismes.
Les récentes décisions de la Cour de cassation ont montré toute l'acuité du débat en nous incitant à prendre une nouvelle fois nos responsabilités en la matière. Par deux décisions du 19 mars 2013 –« Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis » et « Baby Loup » – la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé les limites de la liberté d'exprimer ses opinions religieuses dans le monde du travail.
Dans le premier arrêt, la haute juridiction étend l'obligation de neutralité à l'ensemble des personnes privées chargée d'une mission de service public. Dans le même temps, par le second arrêt, la Cour de cassation a jugé illégal le licenciement d'une salariée de la crèche associative Baby Loup, située dans les Yvelines, au motif qu'elle a refusé d'ôter son voile sur son lieu de travail. La haute juridiction a dit pour droit que, dès lors que cette association ne gérait pas un service public, une clause générale de laïcité et de neutralité prévue par ses statuts applicable à tous les salariés n'était pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché selon les deux critères établis en la matière par la jurisprudence.
C'est donc le caractère général et imprécis de la restriction à la libre expression d'opinions religieuses sur le lieu de travail que la Cour de cassation a en l'espèce sanctionné. Mais cette décision pose en vérité de réelles questions à toute la société française.
Cette décision de justice a en effet été prise dans un contexte où les demandes à caractère religieux sur le lieu de travail augmentent, comme en témoigne une très récente étude de l'Observatoire du fait religieux en entreprise. Si les représentants du MEDEF que nous avons entendus lors des auditions ont souligné que les difficultés demeuraient quantitativement encore peu nombreuses et qu'elles se réglaient, la plupart du temps, de manière pragmatique, ils ont également souligné que le législateur avait tout intérêt à encadrer ces phénomènes « à froid » avant qu'ils ne prennent de l'ampleur.
Face à quelques-uns qui voudraient très clairement défier nos lois pour imposer un autre modèle de société, la République doit offrir un front uni. C'est un combat que doivent mener tous les républicains. C'est l'objet de cette présente proposition de loi déposée par Christian Jacob, François Fillon, Jean-François Copé et de très nombreux députés du groupe UMP.
Les Français ne s'y trompent pas car ils se déclarent à une écrasante majorité opposés au port de signes religieux ostensibles par des femmes travaillant dans des lieux privés accueillant du public.
Le 02/07/2014 à 16:39, laïc a dit :
"C'est ce que nous avons fait, collectivement, en 2004, en interdisant le port de signes religieux ostensibles à l'école."
Rappelons que, selon la loi, l'école est obligatoire pour toutes et tous, et ce sans distinction de race, d'origine ou de religion (mais pas de nationalité, ainsi on a vu à certaines affaires très médiatisées comment des élèves sans papiers étaient renvoyés dans leur pays, sans se soucier s'ils pouvaient y être scolarisés ou non). Ainsi, autant l'Etat n'a le droit d'exclure un élève pour la couleur de sa peau, parce que cette couleur serait visible et rappellerait ainsi la race de l'élève, autant il ne lui est possible d'exclure un élève dont on pourrait deviner sa religion suite à la visibilité d'un signe extérieur de nature religieuse. C'est le principe de non discrimination, la race et la religion doivent être traités à égalité, c'est un principe constitutionnel, principe qui est enfreint par la loi du 15 mars 2004, qui empêche l'obligation scolaire d'enfants parce qu'ils arborent des signes religieux ostensibles, c'est-à-dire visibles.
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