Intervention de Richard Ferrand

Séance en hémicycle du 20 juin 2013 à 9h30
Déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 13 mai dernier, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement. Ce texte constitue la traduction concrète et rapide d’un engagement pris par le Président de la République en mars et réaffirmé le 16 juin dernier. Il doit permettre d’accroître le pouvoir d’achat des Français, en réorientant une partie de l’épargne salariale vers la consommation, et, par ce biais, d’alimenter la croissance.

Cette proposition de loi complète utilement les mesures que nous avons déjà mises en oeuvre pour redresser l’économie de notre pays et améliorer le quotidien des Français. En effet, face à la situation difficile que vivent nombre de nos concitoyens, nous nous sommes fortement mobilisés depuis un an, en adoptant des mesures telles que l’encadrement des loyers, la lutte contre les frais bancaires et la mise en oeuvre de nouveaux outils pour créer des emplois, tels que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, les contrats de génération et les emplois d’avenir.

Cette proposition de loi offre un dispositif simple, équilibré et avantageux pour les salariés. Elle prévoit, tout d’abord, que les salariés puissent débloquer les sommes acquises au titre de la participation et de l’intéressement, ce qui doit bénéficier aux salariés travaillant dans de grandes entreprises mais également dans de plus petites sociétés, où l’intéressement est plus présent que la participation.

Afin de préserver l’épargne salariale pour la retraite et de ne pas déstabiliser la trésorerie des entreprises solidaires, ont été exclues du dispositif les sommes investies dans des PERCO et des fonds solidaires.

Par ailleurs, le déblocage est limité à 20 000 euros par personne et doit intervenir pendant une période de six mois, sur simple demande du salarié ou après conclusion d’un accord collectif.

À cet égard, l’employeur est tenu d’informer les salariés de leur droit exceptionnel au déblocage dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi.

Enfin, le salarié conserve, à l’égard des sommes débloquées, des exonérations fiscales et sociales qui leur étaient attachées du fait de leur blocage.

En première lecture, en séance publique, à mon initiative, l’Assemblée nationale a apporté trois modifications à ce dispositif.

Notre assemblée a, tout d’abord, opéré un fléchage des fonds débloqués vers « l’achat d’un ou plusieurs biens ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de services », pour éviter les comportements d’optimisation et de transfert entre supports d’épargne. En effet, l’objectif de la mesure demeure le soutien à la consommation des ménages. Afin de garantir l’effectivité de ce fléchage, nous l’avons assorti d’un dispositif de précaution, consistant à demander au salarié de conserver les pièces justificatives attestant l’usage qu’il a fait des sommes perçues, qu’il devra présenter, le cas échéant, à l’administration fiscale.

Deux autres modifications ont été apportées au dispositif, aux fins de clarification : l’une portant sur les modalités de déblocage, l’autre instaurant une période de déblocage fixe, de date à date, du 1er juillet au 31 décembre 2013.

Enfin, à l’initiative du groupe UDI, l’Assemblée nationale a ajouté un article additionnel – l’article 1er bis – demandant au Gouvernement la remise au Parlement, dans un délai d’un an, d’un rapport dressant le bilan du déblocage exceptionnel, ce qui n’avait pas été fait lors des déblocages précédents. Il me semble nécessaire d’assurer le suivi et l’évaluation des lois que nous votons.

Par la suite, la commission des affaires sociales du Sénat a rejeté la proposition de loi. La Haute assemblée a donc examiné, en séance publique, le texte issu de nos travaux. Elle a adopté l’article 1er bis conforme, puis approuvé la suppression de l’article 2, qui comportait un gage levé par le Gouvernement. Elle a également apporté une modification à l’article 1er sur laquelle je souhaite m’arrêter un instant.Formellement, cette modification a été adoptée à l’initiative du Gouvernement, car le délai de dépôt des amendements était clos. En réalité, elle est issue d’une demande du groupe UDI, qui souhaitait restreindre l’utilisation des sommes débloquées au paiement de prestations de services ou de prestations non délocalisables. Cette limitation de l’objet posait d’évidents problèmes, comme l’a démontré le ministre Benoît Hamon : un salarié aurait ainsi pu débloquer des fonds pour financer la pose d’une cuisine sans pouvoir les utiliser, dans le même temps, pour l’achat d’un équipement électroménager.

À l’issue de ce débat, une rédaction assez étonnante et, pour tout dire, dénuée de sens et de portée, a été élaborée en guise de compromis. Elle consiste à maintenir le dispositif de fléchage des sommes que nous avons adopté en précisant que l’achat d’un bien doit intervenir « en particulier dans le secteur de l’automobile ».

Cette trouvaille intempestive du Sénat, sans améliorer texte, le dote d’un appendice inutile. En effet, cette modification me paraît dépourvue de toute portée normative. De plus, il n’est pas opportun de viser un secteur économique particulier. Le secteur de l’automobile connaît certes des difficultés, mais ce n’est malheureusement pas le seul. L’ajout en question n’apporte donc rien, ni au secteur visé ni à la qualité du texte.

Au-delà de ces regrettables broutilles, je tiens à rappeler l’importance de la mesure inscrite dans cette proposition de loi, qui peut constituer un levier de croissance et de relance de la consommation.

En effet, comme l’a rappelé la ministre, les dispositifs d’épargne salariale mettent en jeu des sommes considérables : l’encours global de l’épargne salariale représentait ainsi 90 milliards d’euros au 30 juin 2012. Ils concernent en outre de très nombreux salariés : en 2010, près de 8,8 millions de salariés, soit 57,3 % des salariés, ont bénéficié d’une mesure d’épargne salariale.

Dans le contexte économique difficile que connaît aujourd’hui la France, il m’apparaît donc nécessaire de mettre en oeuvre rapidement le dispositif de déblocage que nous avons adopté.

Or, si notre assemblée décidait de modifier le texte adopté par le Sénat, par exemple en supprimant la mention inutile du secteur automobile, cela priverait les salariés d’une entrée en vigueur de la mesure de déblocage au 1er juillet prochain.

En effet, devraient alors intervenir une deuxième lecture au Sénat, puis, si le Sénat rétablissait son texte, une commission mixte paritaire, qui, si elle échouait, entraînerait une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale puis au Sénat et, enfin, une lecture définitive à l’Assemblée nationale - beaucoup de bruit pour rien, en somme, ce que je vous propose d’éviter.

Au vu de l’ordre du jour très chargé de nos assemblées, il semblait difficile de mener l’ensemble du processus à son terme avant le 1er juillet.

Mes chers collègues, notre devoir est d’abord de penser aux salariés. Nous ne devons en aucun cas les pénaliser du fait d’un galimatias législatif. Il faudra impérativement veiller, lors de la mise en oeuvre, à ce que les sommes qui pourront être débloquées - et qui le seront - incluent réellement l’ensemble des sommes épargnées au titre de la participation et de l’intéressement, c’est-à-dire à la fois les sommes versées au titre de ces mécanismes d’épargne salariale et les abondements patronaux et salariés, car telle est bien l’intention du législateur.

C’est pourquoi, afin de respecter le calendrier prévu et de tenir l’engagement présidentiel, la commission des affaires sociales a adopté sans modification, le 4 juin dernier, le texte de la proposition de loi tel qu’il avait été voté par le Sénat. Je vous invite, mes chers collègues, à la suivre en ce sens.

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