Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement déposé par le groupe socialiste.
Cette proposition de loi traduit en actes les propos du Président de la République lors de son interview télévisée du 29 mars dernier. Il s’était alors engagé à débloquer pendant une période précise la participation et l’intéressement des salariés afin de donner plus de pouvoir d’achat aux Français. Je ne vois pas d’effet d’annonce dans cette affaire. Si le Président de la République et le groupe socialiste proposent le déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement, c’est pour permettre aux salariés de disposer d’une épargne considérée comme indisponible. Car si aujourd’hui le salarié peut faire le choix de récupérer son intéressement ou sa participation dès qu’elle est versée, elle est bien entendu assujettie à l’impôt, et c’est de cet impôt que l’on souhaite les libérer.
Grâce à cette loi, ce sera le cas durant six mois. En effet, les salariés disposeront de cette période à compter de la publication de la loi, donc d’ici la fin de l’année, pour débloquer jusqu’à 20 000 euros nets de prélèvements sociaux. Les sommes ainsi débloquées, y compris les intérêts, bénéficieront aussi d’exonération d’impôt sur le revenu.
Les sommes en jeu sont considérables. L’encours global de l’épargne salariale représenterait entre 90 et 95 milliards d’euros au 30 juin 2012, et le nombre de bénéficiaires serait important. En effet, la part des sommes bloquées au sein de cet encours global concerne environ 4 millions de salariés français qui pourraient faire usage, selon leurs besoins, d’une partie de leur épargne salariale pour consommer.
Le pari de la majorité est que cet argent débloqué permettra aux salariés de réaliser les achats qu’ils repoussent aujourd’hui faute de moyens. Cette mesure est évidemment bienvenue en temps de crise. Il nous faut néanmoins rappeler que plusieurs dispositifs similaires ont déjà été mis en oeuvre et que leurs résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes. Ainsi, en 2008, des dispositions de même nature devaient permettre d’injecter dans l’économie de 12 milliards d’euros. Au final, c’est un tiers de cette somme qui a été débloqué.
Ce type de dispositif peut également créer des effets d’aubaine. Ainsi, l’épargne débloquée peut être déposée sur des placements plus rémunérateurs tels que le livret A et l’assurance-vie. C’est malheureusement ce qui a été observé en 2004. Nous espérons que l’encadrement de ce dispositif, prévu par la loi, permettra d’orienter réellement l’épargne vers l’achat de biens et de services.
De plus, ces mesures ont toujours, pour nous écologistes, un écho particulier. Si nous sommes conscients de l’aspiration de nos concitoyens à gagner du pouvoir d’achat, les dispositions ayant pour unique objectif de stimuler la croissance et la consommation interrogent toujours nos valeurs écologistes.
Cette croissance, nous disons depuis longtemps qu’elle ne reviendra pas, en tout cas pas à la hauteur de ce que nous avons connu. Il est non seulement illusoire d’aller la chercher " avec les dents ", comme on a pu le dire de manière volontariste, ou de l’attendre désespérément, mais il conviendrait de donner un contenu durable à cette consommation, et peut-être revoir les conditions de sortie de manière plus pérenne, j’y reviendrai en conclusion.
Néanmoins, nous savons que la crise touche aujourd’hui un grand nombre de Français. Selon l’INSEE, le pouvoir d’achat des ménages a chuté de 0,9 % en 2012. Mais il est trop facile d’en attribuer la responsabilité à l’équipe actuelle, tant on connaît les phénomènes d’inertie en matière économique. C’est évidemment le résultat de nombreuses années antérieures de difficultés économiques qui amènent aujourd’hui cette baisse.
La consommation a, quant à elle, baissé de 0,4 %. C’est la plus forte baisse depuis 1993, et la deuxième plus forte baisse depuis l’après-guerre. Ainsi, nous ne pouvons rester inertes, et nous ne pouvons dire non à une disposition qui doit redonner de l’air à tant de ménages.
Enfin, nous débattrons dans quelques jours du projet de loi relatif à la consommation. Bien entendu, il n’est pas sans lien avec le débat que nous avons aujourd’hui. Alors que nous allons adopter une mesure d’urgence en direction des ménages, le projet de loi à venir sur la consommation nous permet de réfléchir plus au fond au modèle économique que nous souhaitons, et qui nous permettra d’amorcer la transition économique et écologique. En effet, si nous ne pouvons rester impassibles face à l’urgence, nous devons préparer l’avenir et les défis qui nous attendent, dont celui de créer des emplois avec une croissance faible. C’est un beau défi.
Ce projet de loi sur la consommation contient déjà de nombreuses mesures permettant de mieux protéger les consommateurs, dont la plus emblématique est bien entendu l’action de groupe. Nous pensons qu’en régulant certaines mauvaises pratiques, cette loi permettra à nos concitoyens de regagner du pouvoir d’achat. Nous espérons qu’elle sera aussi l’occasion de soutenir une économie de proximité plus ancrée sur nos territoires, de soutenir l’économie circulaire et de promouvoir des relations plus transparentes entre producteurs, distributeurs et consommateurs.
Les actions du Gouvernement et de la majorité pour soutenir la création d’emplois via la Banque publique d’investissement, pour lutter contre la fraude fiscale, dont nous allons débattre cet après-midi, en permettant de récupérer les milliards qui échappent à l’impôt et pour protéger les consommateurs montrent que nous travaillons dans un seul objectif : permettre à chacun de vivre mieux. C’est avec cet objectif en tête que le groupe écologiste votera cette loi.
Madame la ministre de l’égalité des territoires et du logement, je me réjouis que vous soyez parmi nous ce matin, car je souhaite formuler une proposition en conclusion de mon intervention. J’ai émis un doute sur le fond de cette affaire et la promotion de la consommation. Nous connaissons les conditions de sortie habituelles – hors le dispositif dont nous débattons – qui concernent notamment l’achat immobilier, ou les événements de la vie familiale.
Chers collègues de la majorité, je pense qu’il serait utile de réfléchir à l’extension de ce dispositif à des mesures qui ont un sens du point de vue du développement durable, notamment à la rénovation de logements. De manière pérenne, au-delà du délai de six mois, nous pourrions, sans mettre en danger la totalité des fonds qui sont dans ces caisses, donner cette possibilité à nos concitoyens. Des travaux de 5 000, 10 000 ou 15 000 euros peuvent être très utiles, et il serait judicieux de débloquer l’épargne salariale à cette fin. Je serais heureux que la majorité et le Gouvernement réfléchissent à cette possibilité qui pourrait concerner les travaux de rénovation, d’économies d’énergie, peut-être aussi le financement de conversion professionnelle ou de création d’entreprises.
Voilà quelques pistes de réflexion, il y en a d’autres, en tout cas le débat ne s’arrête pas à cette seule disposition.