Monsieur le ministre délégué chargé de l’agroalimentaire, ma question concerne les distorsions de concurrence qui pénalisent nos producteurs de fruits et légumes. Vous le savez, pour certaines productions de fruits et légumes, le coût de la main-d’oeuvre peut représenter jusqu’à 70 % des coûts de production. Ce sont des coûts incompressibles dans la mesure où la mécanisation est totalement impossible. C’est le cas en Alsace, et notamment dans le Bas-Rhin, pour la production d’asperges, que je connais bien, où le travail de récolte est très important et nécessite beaucoup de main-d’oeuvre.
Le problème rencontré par nos producteurs s’explique par le différentiel du coût de la main-d’oeuvre saisonnière entre la France et ses voisins européens, notamment l’Allemagne. Les professionnels de la filière « fruits et légumes » qualifient littéralement de dumping social ces pratiques. En effet, les exploitations agricoles allemandes réalisent l’essentiel des travaux saisonniers en embauchant des personnels qui bénéficient déjà d’un régime de protection sociale – demandeurs d’emploi, saisonniers rattachés à leur conjoint, salariés en congés payés –, ce qui leur permet une exonération quasi totale des charges. En outre, ces exploitations allemandes sont autorisées à embaucher 90 % de salariés étrangers sans avoir à payer de taxes du type OFII.
En prenant toujours pour exemple la production d’asperges, qui nécessite 1 200 heures de travail par hectare, le producteur allemand, compte tenu d’un régime fiscal tout à fait favorable, peut économiser 6 000 euros par hectare par rapport à son homologue français, notamment alsacien.
Si l’on ajoute les questions de SMIC horaire et de flexibilité du temps de travail, on constate que les producteurs de fruits et légumes sont en mesure d’inonder nos marchés de produits frais de qualité, à des prix tout à fait impossibles à concurrencer pour nous, Français : une salade allemande vaut, par exemple, 50 centimes d’euros, alors qu’une salade française vaut au minimum 70 centimes.
La première conséquence de cette situation est le recul de la production de fruits et légumes en France, déjà amorcé depuis quinze ans. On constate ainsi une diminution des surfaces cultivées d’au moins 15 %, alors que ces surfaces ont pu augmenter d’au moins 30 % chez nos voisins allemands.
Vous connaissez la problématique : beaucoup d’élus et de professionnels vous ont à maintes reprises interrogé à ce sujet. Vous avez répondu en stigmatisant systématiquement l’absence de salaire minimum en Allemagne comme cause principale de la situation. Mais vous savez que ce n’est pas la seule. Il serait urgent d’agir, en portant, comme l’a fait votre collègue belge, par exemple, un recours devant la Commission européenne, et en agissant réellement pour que l’instauration d’un SMIC européen vienne apaiser cette situation, plutôt que de procéder par simples incantations. Au lieu de cela, nos producteurs de fruits et légumes assistent pour l’instant à l’augmentation de leurs charges, qu’un éventuel crédit d’impôt compétitivité emploi ne viendrait adoucir qu’en 2014, à condition qu’ils aient suffisamment de masse salariale pour y prétendre.
Avec mes collègues alsaciens, que j’associe à cette question et qui vous ont déjà interrogé à ce sujet, nous souhaiterions savoir quelles sont les mesures que vous envisagez dans l’immédiat pour soutenir nos producteurs de fruits et légumes et quelles sont les solutions qui peuvent être trouvées avec nos voisins européens pour remettre en ordre ce problème de distorsion européenne.