Monsieur le député, la question des hausses tarifaires des péages autoroutiers se pose régulièrement. Elle interpelle, à juste titre, et c’est un sujet que le Gouvernement et moi-même suivons quasi quotidiennement au titre des relations que l’État doit avoir avec les concessionnaires autoroutiers.
Votre question permet de resituer le cadre, qui est un cadre contractuel. Que les Français le comprennent bien : la concession autoroutière est avant tout un contrat, un contrat de délégation de service public, par lequel l’État confie à des sociétés la construction, l’entretien, l’exploitation d’une autoroute en contrepartie, bien évidemment, de péages. Compte tenu du montant des investissements, ces contrats sont de longue durée, une durée de plusieurs dizaines d’années et, à ce jour, il est important de le préciser, aucune autoroute n’est amortie. Il reste des emprunts sur plusieurs dizaines d’années encore.
S’agissant des tarifs, leur fixation est aussi prévue dans le contrat de concession passé il y a plusieurs années et validé, en France, par décret en Conseil d’État, ce qui lui donne une valeur réglementaire. Chaque tarif proposé par une société concessionnaire, en application du contrat, fait l’objet d’un contrôle minutieux et précis de la part des services de l’État, qui n’hésitent pas à refuser et à modifier, chaque année, des propositions qui leur sont faites, ce afin de respecter les termes des contrats de concession.
Les recommandations du rapport de la Cour des comptes de 2008, auxquelles vous faisiez référence, ont été mises en oeuvre. Le ministère a mis fin à la pratique dite du foisonnement, qui ne donnait pas beaucoup de lisibilité aux pratiques tarifaires. Aujourd’hui, s’il existe encore des modulations de tarifs, elles sont prévues dans les contrats initiaux et strictement encadrées. Le niveau moyen d’augmentation se situe autour de 2 % pour l’année 2013, et les hausses se situent dans une fourchette qui va de 1,71 % à 2,29 % pour les sociétés dites historiques.
Il est incontestable que les sociétés concessionnaires d’autoroutes font des bénéfices substantiels, appréciables. Je ne reviens pas – mais on le pourrait, et vous l’avez d’ailleurs fait – sur ce qui a amené à la privatisation des autoroutes. Celle-ci a été décidée en 2005 par la droite. Les bénéfices auxquels vous faites référence, monsieur le député, auraient dû financer les infrastructures nationales, ils auraient dû alimenter l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. Si, aujourd’hui, nous sommes confrontés à cette problématique du rapport Duron de la commission Mobilité 21, c’est précisément parce que nous avons été privés de ce système vertueux, dans lequel le péage permet la modernisation des infrastructures en évitant une charge supplémentaire.
La privatisation s’est faite dans les conditions que vous connaissez. Si celles-ci furent très largement critiquées et très largement dénoncées, elles n’en sont pas moins une réalité. En outre, la privatisation s’est faite sur la base des contrats préexistants, qui donnaient eux-mêmes le la des relations entre l’État et les concessionnaires, que l’on peut, à bien des égards, considérer comme des relations déséquilibrées.
Pour notre part, nous avons souhaité rééquilibrer les choses, notamment en procédant à une augmentation de la redevance domaniale, laquelle ne peut être répercutée sur les automobilistes. Cette augmentation est effective depuis le 28 mai dernier. Cette recette prélevée sur les concessionnaires d’autoroutes, bénéficiera justement à l’Agence de financement des infrastructures de transport. Il faut maîtriser les contrats, leur performance, mais il faut également vérifier ce qui est réalisé par les concessionnaires en termes d’exploitation, d’entretien. Des pénalités, prévues par les contrats, peuvent éventuellement être appliquées.
À l’époque, les contrats étaient un lien juridique. Aujourd’hui, ils sont parfois un enjeu de la relation, voire du contentieux, entre l’État et les concessionnaires, dans un rapport de force qui n’est pas toujours favorable au premier. À nous d’être vigilants et d’y remédier, à nous de faire en sorte que le bien public, la gestion du domaine public n’obéisse pas uniquement à une vision financière, à un souci de rentabilité.