Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du 8 octobre 2012 à 15h00
Programmation et gouvernance des finances publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à souligner que nous sommes heureux, au nom du groupe UDI, que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire – dont je rappelle que le nouveau Président de la République n'a pas obtenu la modification d'un mot, d'un iota, d'une virgule – soit enfin soumis au Parlement pour ratification, laquelle sera votée par une très forte majorité de députés, dont ceux de l'UDI. Le projet de loi permettant la mise en oeuvre dans le droit français de ce traité à travers le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, qui nous est soumis aujourd'hui, va également dans la bonne direction.

Bien sûr, comme nous l'avons maintes fois répété, nous aurions préféré que les principes de bonne gouvernance des finances publiques contenus dans le traité soient inscrits dans la Constitution sous la forme d'une règle d'or, mais ne boudons pas notre plaisir. L'avis du Conseil constitutionnel du 9 août dernier offrait à l'exécutif deux solutions : la révision de la Constitution ou la réforme via une loi organique. Le Gouvernement a choisi – j'allais dire : bien entendu – la voie de la loi organique, qui lui permet de substituer la règle de la majorité simple à celle de la majorité des trois cinquièmes, qu'il n'était pas sûr d'obtenir sans les voix de l'opposition. Toutefois, sur le fond, le résultat est le même, tant pour la loi de programmation des finances publiques que pour les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Cessons donc d'opposer les partisans de la règle d'or – dont je rappelle qu'elle figure dans la Constitution allemande depuis quelques années et dans la Constitution espagnole depuis l'année dernière – qui seraient d'affreux réactionnaires ou d'affreux libéraux, diraient nos collègues du groupe GDR, à ceux qui choisissent la loi organique, car les conséquences seront identiques.

L'interdiction de dépasser la norme de déficit structurel de 0,5 % du PIB, ou de 1 % en cas de déficit non excessif, et celle relative à l'endettement public de 60 % du PIB sont, pour le cas de la France, pratiquement équivalentes à la règle d'or préconisée par le groupe UDI. Pour nous, celle-ci implique en effet que toutes les charges de fonctionnement doivent être entièrement couvertes par des produits de fonctionnement ou qu'on ne peut s'endetter que pour financer tout ou partie des dépenses d'investissement.

Or, les administrations publiques de sécurité sociale ne font pas d'investissements et les administrations publiques locales autofinancent aujourd'hui la quasi-totalité de leurs investissements. Quant à l'État, ses investissements dans le projet de loi de finances pour 2013 sont tombés à 16,7 milliards d'euros – sur 370 milliards d'euros de dépenses brutes du budget de l'État, mes chers collègues –, ce qui représente 0,8 % du produit intérieur brut. Comme vous le voyez, on pourrait vraiment penser qu'il a été fait application de notre règle d'or.

La vérité est donc la suivante : que les règles figurant dans les articles 3 et 4 du traité soient intégrées dans la Constitution ou dans la loi organique, elles s'appliquent aux lois de programmation des finances publiques comme aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Le candidat François Hollande a voulu nous faire croire que la règle d'or ne s'appliquerait pas si elle n'était pas intégrée dans la Constitution, mais c'est un mensonge.

Cette vérité rétablie, nous pensons cependant qu'il convient d'améliorer le projet de loi qui nous est soumis sur cinq points. Premièrement, le champ de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, tel que proposé par le Gouvernement, pose deux problèmes.

Le premier problème réside dans le fait que le projet de loi qui nous est présenté ne mentionne explicitement que le respect de l'article 3 du traité. Or, il est important de préciser que les lois de programmation des finances publiques doivent fixer non seulement l'objectif mentionné à l'article 3 du traité, mais aussi celui qui figure à l'article 4 – qui lui est d'ailleurs partiellement lié, mais j'aurai l'occasion d'y revenir.

Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, ces deux articles sont étroitement liés, ne serait-ce que parce que la limite supérieure du déficit structurel est portée de 0,5 % à 1 % du PIB lorsque le montant de la dette publique descend au-dessous de 60 % du PIB. Dans certains cas de figure, l'endettement est tel qu'il devient nécessaire, pour l'État concerné, non plus de réduire son déficit, mais de dégager un excédent.

À cet égard, rappelons que le taux d'endettement public en France est de 90 % – et même 91 % en fin d'année. Pour le ramener à 60 % « à un rythme moyen d'un vingtième par an », comme il est prévu à l'article 4 du traité, il faudrait un excédent de 1,5 % pendant vingt ans si le taux de croissance est nul. Si tout va bien et que nous atteignons le taux prévisionnel de 1,1 % retenu par l'Union européenne, il nous faudra un excédent de l'ordre de 0,5 % pour réduire le poids de l'endettement public de 1,5 point par an pendant vingt ans. Mais cela, personne ne veut le reconnaître au sein du Gouvernement : à chaque fois que je pose la question, on me fait comprendre qu'il s'agit d'un sujet tabou !

Or, l'article 4 est clair : « L'existence d'un déficit excessif dû au non-respect du critère de la dette sera décidée conformément à la procédure prévue à l'article 126 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. » Refuser notre amendement, qui vise à ce que le respect de l'article 4 figure explicitement dans la loi organique, comme c'est le cas pour l'article 3, n'est donc pas justifié. On nous oppose un argument de pure forme, selon lequel l'article 4 relève des dispositions prévues à l'article 126 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, alors que l'article 3 relève des dispositions du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – qui n'est pas un véritable traité européen, mais un simple accord intergouvernemental, car il n'a été signé que par vingt-cinq des vingt-sept États membres de l'Union européenne. Cet argument ne tient pas : en effet, la procédure prévue à l'article 126 du traité est exactement la même que celle prévue dans le TSCG.

Considérer que l'objectif figurant dans un traité est sans portée serait très grave. Un pays peut avoir un déficit qui respecte les limites fixées à l'article 3 et une dette qui ne respecte pas la limite fixée à l'article 4, lequel prévoit une procédure pour déficit excessif dans ce cas également – c'est déjà le cas d'au moins un État au sein de l'Union.

Lors de la rédaction du traité, les gouvernements de la zone euro avaient en tête l'exemple de la dette de l'Italie, qui dépasse les 110 % du PIB bien que le pays soit en excédent primaire. Il s'agit ici de lutter non seulement contre les déficits, mais aussi contre le montant global de la dette. L'indépendance nationale et le rétablissement de la souveraineté des parlements nationaux passent par l'un et par l'autre, et non seulement par le premier. En inscrivant explicitement le respect de l'article 4 dans la loi organique, notre démarche est positive : ce que nous voulons, c'est un renforcement du texte permettant un retour à des finances publiques saines.

Le deuxième problème que nous souhaitons soulever est relatif au champ d'intervention du Haut Conseil, que nous croyons nécessaire d'élargir. En effet, par ses articles 10 et 11, le projet de loi organique instaure un régime discriminatoire en prévoyant deux procédures distinctes pour, d'un côté, les projets de loi de finances initiales et les projets de loi de financement de la sécurité sociale, de l'autre, les projets de loi de finances rectificatives et les projets de loi de financement de la sécurité sociale rectificatives.

Pour le groupe UDI, le Haut Conseil doit appliquer les mêmes procédures à tous les textes budgétaires : une dégradation rapide de la conjoncture peut nécessiter des lois rectificatives très importantes et l'avis du Haut Conseil sera alors précieux. Il n'est donc pas judicieux de réserver un traitement différent à ces deux catégories de textes.

À cet effet, au lieu de la simple possibilité prévue par le projet de texte, il serait souhaitable qu'il soit fait obligation au Haut Conseil de rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques et les éléments transmis par le Gouvernement en cas de lois de finances rectificatives ou de lois de financement de la sécurité sociale rectificatives.

Deuxièmement, la loi organique qui nous est soumise donne des pouvoirs à l'État qui pourraient aboutir à détruire la démocratie sociale et à dégrader la démocratie locale, à laquelle l'UDI est fermement attachée. En effet, l'article 4 du projet de loi organique ne manque pas de nous étonner : comment pourrait-il, dans sa rédaction actuelle, échapper à la censure du Conseil constitutionnel ? La loi de programmation des finances publiques – qui a la portée d'une loi organique, mais pas celle de la Constitution – ne peut prévoir d'encadrer globalement les dépenses, les recettes et le solde ou le recours à l'endettement des administrations locales, au mépris du principe de leur libre administration.

Pour protéger le texte d'une censure partielle, il convient de préciser que l'encadrement ne peut se faire que collectivité locale par collectivité locale, dans le respect de leur libre administration. Au-delà, comment le Gouvernement, qui affirme que la dépense publique locale va décroître, parviendra-t-il à cette fin sans remettre en cause le principe de la libre administration des collectivités territoriales, alors même que l'État détient tous les moyens sur les recettes – mais pas sur les dépenses, d'un point de vue juridique ? Il va sans dire que la loi organique doit respecter les principes constitutionnels, et nous espérons que le Conseil constitutionnel tranchera dans ce débat si notre amendement n'est pas adopté.

En outre, l'article 4 peut permettre la nationalisation de la partie des administrations publiques sociales actuellement gérées par les partenaires sociaux – c'est-à-dire essentiellement les régimes de retraites complémentaires. Cela signifie, mes chers collègues, que le niveau des prestations et des cotisations pourrait être fixé par l'État dans les administrations de sécurité sociale gérées par les partenaires sociaux. Sur ce point, nous attendons une réponse précise, monsieur le ministre : êtes-vous favorable à la nationalisation, ou souhaitez-vous préserver la démocratie sociale et l'autonomie de gestion des partenaires sociaux, qui resteront libres de gérer les prestations et cotisations des régimes de retraites complémentaires ?

Troisièmement, il nous faut préciser le rôle du Conseil constitutionnel en matière de sincérité. Dans sa décision du 9 août dernier, le Conseil indique qu'il se réserve la possibilité de contrôler la sincérité des documents budgétaires, qu'il s'agisse de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale. Or, la sincérité peut s'entendre de deux façons : d'abord comme la conformité de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale à la loi de programmation des finances publiques ; mais ce n'est pas le sens donné à la notion de sincérité par le Conseil constitutionnel dans son avis du 9 août, qui précise, à l'alinéa 27, qu'il se réserve la possibilité d'annuler des actes budgétaires, lois de finances ou lois de financement, dont les hypothèses macro-économiques sur la base desquelles ils sont construits seraient complètement irréalistes au regard, notamment, de l'avis donné par le Haut Conseil. Cette question ne manquera pas de se poser, monsieur le ministre, puisqu'il y a un contrôle automatique du Conseil constitutionnel sur la loi organique.

Quatrièmement, nous devons nous interroger au sujet de la hiérarchie des textes, qui relève de la compétence et de la décision du Conseil constitutionnel : pourra-t-il contrôler la sincérité des actes budgétaires au regard des lois de programmation ? La jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière tend à nous faire penser que non. J'attire cependant votre attention sur le fait que les lois de finances publiques relèvent de l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution, qui précise que les lois de programmation des finances publiques ont un objectif de retour vers l'équilibre financier – ce qui n'est pas le cas des autres lois de programmation. Sur cette question importante, il serait bon que le Gouvernement nous fasse connaître sa position : défend-il la thèse de la hiérarchie, ou considère-t-il que la loi de programmation des finances publiques est assimilable à une loi de programmation dite ordinaire – ce qui serait regrettable ?

Enfin, il est absolument crucial de garantir l'indépendance du Haut Conseil des finances publiques. Pour cela, l'UDI estime qu'il convient en premier lieu d'en clarifier le statut, et d'en faire une autorité administrative indépendante, plutôt que l'adosser simplement à la Cour des comptes. Le Haut Conseil gagnerait à être une autorité administrative indépendante, afin d'éviter la confusion entre le rôle constitutionnel de la Cour des comptes et le rôle d'avis du Haut Conseil.

La question porte également sur la composition de ce Haut Conseil. S'il existe un point de consensus sur nos bancs, c'est bien celui-ci : nous souhaitons tous que le Haut Conseil des finances publiques soit vraiment indépendant. De ce point de vue, l'amendement déposé par notre collègue Caresche a eu pour effet de produire une certaine animation au sein de la commission spéciale.

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