Intervention de Paul Giacobbi

Séance en hémicycle du 8 octobre 2012 à 15h00
Programmation et gouvernance des finances publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi :

Nous en aurons le coeur net lorsque les deux assemblées se seront prononcées sur la loi organique et sur le traité lui-même.

On me dit que d'autres subtilités politiques entrent en ligne de compte, mais je dois dire qu'elles m'échappent. (Sourires.)

Était-ce, comme je l'ai entendu parfois, parce qu'il ne fallait pas graver dans le marbre cette règle, afin de pouvoir en changer lorsque les temps – c'est-à-dire, j'imagine, la conjoncture économique générale – seraient plus cléments ? Si tel est l'argument, il est absurde, pour deux raisons.

D'abord, il est beaucoup plus facile pour la France de modifier sa Constitution, ce qui suppose simplement une majorité qualifiée au Parlement, que de modifier un traité, ce qui implique d'en référer aux autres hautes parties contractantes et d'obtenir leur assentiment, ce qui est à peu près impossible.

Autrement dit, ce n'est pas parce que l'on mettrait dans la Constitution les règles issues du traité que l'on en rendrait plus difficile la modification ultérieure, puisque, en tout état de cause, l'on ne pourra pas se retirer du traité, sauf cataclysme européen qui mettrait à bas toutes les institutions de notre Union.

Ensuite, pour ce qui est d'abroger ces dispositions le jour où la crise économique sera terminée, il faut bien reconnaître que ce n'est pas demain la veille. Par ailleurs, c'est oublier que, ce jour-là, il sera infiniment plus facile de respecter ces règles, fussent-elles constitutionnelles, ce qui fait que plus personne ne songera même à les abroger !

Sur le texte lui-même, je comprends parfaitement la signification et l'utilité du concept de trajectoire pluriannuelle en matière de retour à l'équilibre des finances publiques de l'État. Je dois en revanche avouer mon allergie à la notion et à l'expression de « loi de programmation ». L'expérience, comme je l'ai déjà dit en commission, permettrait de définir de la façon suivante ces fameuses lois de programmation : « dispositions législatives indicatives et prévisionnelles adoptées par le Parlement pour plusieurs années et destinées à être contredites par chacune des lois de finances annuelles adoptées dans la durée de leur validité ».

Charles de Courson a rappelé la distinction que l'on peut faire entre la loi de programmation parfaitement superfétatoire et celle qui est censée avoir une portée financière. Mais, dans le cas d'espèce, si nous rendons la loi organique totalement contraignante, c'est-à-dire si nous sommes dans l'hypothèse d'une loi de programmation ayant une portée financière s'imposant aux lois de finances, je ne suis pas certain que nous respections la Constitution et que nous n'encourrions pas la critique du Conseil constitutionnel.

Si, au contraire, nous donnons au dispositif un caractère moins impératif, moins contraignant, nébuleux, de l'ordre de la trajectoire, voire de la supputation, nous ne respecterons pas le traité que nous avons signé et que nous allons ratifier.

Comme souvent alors en France, devant la difficulté à dire les choses tout en les faisant – pour ne pas parler d'une certaine propension à les faire sans les dire –, on crée une autorité, un conseil, une commission ou quelque chose d'approchant. Dans un moment où l'on cherche les économies et la simplification, et alors que le Conseil d'État et la Cour des comptes ont sévèrement critiqué la prolifération des conseils, agences, commissions et autorités de tout poil, cela paraît à tout le moins aller à contre-courant.

Nous voilà donc avec un conseil de plus et, tant qu'à faire, un Haut Conseil. S'il s'agit de donner un avis préalable sur la sincérité des prévisions macroéconomiques du Gouvernement, il ne serait tout de même pas difficile de réunir dans une note de trois pages l'ensemble des avis de diverses institutions publiques ou privées, nationales ou internationales – l'INSEE, la Banque de France, la Commission européenne, l'OCDE, le FMI et les instituts de prévision et de recherche, publics et privés – et de les comparer avec la prévision du Gouvernement, confrontant ainsi ce que l'on appelle le consensus des économistes avec les prévisions du gouvernement, tout en sachant que, depuis au moins dix ans, celles des gouvernements successifs ont été insincères.

Chaque année, lors de la présentation du budget, le gouvernement explique sa prévision de croissance, notoirement discordante par rapport au consensus des économistes, en disant que c'est là l'effet non seulement de son volontarisme, mais aussi des excellentes mesures qu'il propose au Parlement dans le cadre de la loi de finances.

Tout au long de l'exécution budgétaire, le gouvernement explique la discordance persistante, et parfois accentuée, entre ses prévisions initiales et la réalité constatée, comptant tout naturellement sur l'ignorance du public et la lassitude des parlementaires pour que l'on oublie tout rapidement, ce qui d'ailleurs se vérifie à chaque cycle budgétaire. A-t-on vraiment besoin d'un haut comité Théodule de plus pour cela ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur certains bancs des groupes UMP et UDI.)

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