Sur la problématique de l'indemnisation, de la couverture par la société du coût d'un accident, comme l'a rappelé M. Minière, et comme je le disais moi-même, nous visons tous un objectif : que notre pays ne connaisse pas un tel accident. Cela nous paraît faisable. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en aura jamais, mais je pense que nous devons nous donner comme objectif qu'il n'y ait pas d'accident aussi grave.
La situation est donc tout à fait différente de celle des accidents de la route. On sait que, bon an mal an, environ 3 000 personnes meurent dans des accidents de la route, ce qui représente un coût de plusieurs milliards d'euros. Le coût à la charge de la nation est presque certain ; simplement, on ne sait pas qui seront les victimes. Des mécanismes d'indemnisation et de mutualisation du risque sont donc indispensables.
Le nucléaire ne relève pas du tout de cette logique-là : il faut dépenser de l'argent pour assurer la sûreté, et non pas le mettre de côté dans un coffre-fort pour indemniser les victimes en cas d'accident. D'un point de vue politique, cela ne fait pas sens. Il est donc tout à fait clair, à mon sens, qu'il faut dépenser de l'argent en matière de sûreté. C'est d'ailleurs déjà le cas. Pour EDF, le coût de l'adaptation des équipements après la catastrophe de Fukushima n'est pas négligeable. Il sera supporté par les Français sous forme d'une hausse du prix du kilowattheure. Il s'agit d'une forme de mutualisation de la prévention.
Pour ce qui est de la prise en charge des dommages, il faut d'abord prendre en compte les dommages directs à proximité de l'installation nucléaire. Même dans le cas d'un accident d'ampleur moyenne, qui n'occasionnerait que des rejets filtrés et des dégâts limités, des mesures conservatoires doivent être prises, et des personnes indemnisées. Il y a donc un impact extérieur indéniable. Même dans le cas de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tricastin, qui était tout à fait mineur, Areva a dû racheter la production agricole de la plaine du Tricastin qui ne se vendait pas pour des raisons d'image, et non parce qu'elle était contaminée. Ces dommages existent donc : leur coût est de l'ordre de quelques dizaines de milliards d'euros.
Au-delà de ces dommages limités, demander de l'argent à la collectivité pour indemniser un accident potentiel reviendrait à infliger une double peine à la société française : d'un côté, on prend de l'argent aux Français pour indemniser les victimes d'un accident potentiel, et de l'autre, on travaille pour que cet accident ne se produise pas.
Il me reste une dizaine de secondes pour aborder la question de la centrale de Fessenheim. L'argumentation allemande repose principalement sur le fait que l'aléa sismique à Fessenheim est supérieur à l'estimation retenue lors de la conception de la centrale. Cela est avéré. Des questions se posent également au sujet du radier, mais les inquiétudes portent principalement sur l'aspect sismique. Les travaux post-Fukushima sur le concept de « noyau dur » visent à corriger cela.