Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 8 octobre 2012 à 15h00
Programmation et gouvernance des finances publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors de son intervention en réponse à la déclaration de politique européenne du Premier ministre, la semaine dernière, notre collègue Barbara Pompili insistait sur le pragmatisme des écologistes et sur notre refus de concevoir le monde, et singulièrement les questions européennes, selon un prisme idéologique, réducteur et manichéen. C'est dans cet esprit que nous voulons aborder l'examen de la loi organique, après le refus majoritaire de notre groupe de valider le TSCG, en raison du risque d'austérité qu'il peut entraîner.

Si la politique est souvent décrite comme l'art de concilier les contraires, cette séquence de la vie parlementaire en est une parfaite illustration. Notre assemblée, en effet, est appelée à trouver le chemin entre des exigences apparemment contradictoires : réduire la dette mais maintenir l'activité économique, donc un emploi et un revenu pour le plus grand nombre.

En d'autres termes, notre pays se trouve aujourd'hui dans la situation d'un équilibriste qui peut à tout moment basculer dans le gouffre de l'austérité ou dans celui de la dette, dette qui conduira également à l'austérité.

Pour l'austérité, chacun a compris que le régime sec aggravait la maladie. Les dogmatiques de l'économie libérale, tels les médecins de Molière, ont fait de la saignée le remède à tous les maux. La doxa libérale, uniquement obsédée par la dépense publique, produit en réalité des effets inverses à ceux recherchés, en provoquant une dégradation des finances publiques. La France en est malheureusement un des exemples les plus frappants, avec un doublement gravissime de la dette en dix ans, de 900 à 1 800 milliards, soit 30 000 euros par enfant à naître ! De quoi s'interroger sur la prétendue supériorité de la droite en matière de gestion…

Quant au risque de la dette, je veux le dire ici avec force, la gauche que nous incarnons, parce qu'elle est écologiste et défend l'avenir de nos enfants et des générations futures, considère la dette financière comme un véritable fléau. En effet, plus sûrement et plus sournoisement que la diète budgétaire, la dette conduit à l'austérité. La dette, c'est l'argent rare et cher, et donc la paralysie de l'économie, l'incapacité à épargner pour les plus modestes, pendant que les créanciers – les détenteurs de la dette – voient leurs profits croître en même temps que les taux d'intérêt.

Oui, la dette est l'ennemi des modestes et des innovateurs. C'est pour eux que nous voulons nous engager dans le redressement des comptes publics. Nous ne laisserons pas le monopole de l'honneur, de la combativité, de la défense des plus modestes à ceux qui déclarent – ce fut le cas d'un candidat à l'élection présidentielle – que « la dette n'est pas un problème ». Dire cela c'est faillir à son devoir, qui est d'éclairer le peuple et de dire la vérité.

Ni la foi aveugle dans les forces du marché, ni le rêve du grand soir européen, encore moins un repli nationaliste fatal ne pourront répondre aux défis qui sont devant nous.

Nous n'avons plus le temps de nous abriter derrière les certitudes passées, qui n'ont plus désormais pour unique vertu que de rassurer, de rassembler les militants, de mobiliser son électorat. Face à la complexité, le moment du doute est venu. C'est tout à la fois une question d'hygiène mentale et un préalable à toute innovation politique. Ce n'est pas toujours payant médiatiquement : il est tellement plus facile de fonctionner avec des schémas, de jouer sa partition idéologique, de se choisir un adversaire et de fonctionner bloc contre bloc.

C'est donc armés de plus de doutes que de certitudes que nous abordons ce débat sur la loi organique de programmation des finances publiques. Parmi ces doutes, il en est un qui a fait couler beaucoup d'encre et qui peut aujourd'hui se formuler de la façon suivante : Peut-on réellement envisager de voter la loi organique alors qu'on a majoritairement refusé le TSCG ?

Tout d'abord, vous observerez, le moment venu, que le probable vote favorable de notre groupe en faveur de la loi organique n'est pas plus unanime que ne l'a été notre opposition au TSCG, ce qui relativise certains commentaires.

Ensuite, nous devons intégrer le fait qu'après l'adoption du TSCG ses dispositions s'appliquent et peuvent conduire à une saisine de la Cour de justice européenne et à des sanctions à l'encontre de la France si cette la loi organique n'était pas adoptée.

Enfin, il faut préciser qu'au-delà de l'adoption de cette loi le débat et les choix politiques restent totalement ouverts. On le verra dans cet hémicycle d'ici quelques jours, lors du débat sur la loi de finances pour 2013, il y a bien plusieurs manières d'appliquer le TSCG et la loi organique. Les critiques et les oppositions que nous avons exprimées lors du débat et du vote sur le TSCG nous donnent aujourd'hui une réelle force pour dire ce que nous voulons en faire dans le budget 2013.

Un second doute porte sur la question de savoir si la loi organique permettra de respecter les engagements de la France sans programmer l'austérité. Cette loi n'aura pas valeur constitutionnelle ; pour autant, elle engage. À quoi, et jusqu'où ? Sera-t-elle une loi d'airain, au risque de se trouver rapidement ébranlée par la réalité et battue en brèche par les désastres de l'austérité qu'elle provoquerait ? Sera-t-elle, à l'inverse, une loi ouvrant la porte à des aménagements excessifs, ce qui serait en contradiction avec les engagements de la France ?

C'est sur la base de ces questions que les députés écologistes ont préparé le débat sur le texte qui nous est soumis. Avec ma collègue Éva Sas, nous avons examiné avec attention ses conséquences, comme ses présupposés. Les amendements sur lesquels nous avons travaillé – en lien avec nos collègues socialistes – entendent répondre à un certain nombre de questions posées la semaine dernière par François de Rugy et Barbara Pompili dans leurs interventions sur l'Europe et sur le TSCG.

Plus précisément, il est essentiel que la rudesse et la sécheresse des objectifs financiers chiffrés du TSCG, traduits dans la loi organique, ne nous fassent pas oublier les objectifs de développement adoptés par l'Union européenne, notamment en termes environnementaux et sociaux. Ces objectifs, au respect desquels il convient de veiller, doivent être pris en compte dans la composition du Haut conseil des finances publiques.

C'est dans un esprit constructif que nous abordons ce débat, un débat qui n'est ni formel ni artificiel, puisqu'il coïncide avec le début de l'examen d'un budget 2013 qui, tout à la fois, intègre et anticipe cette loi organique et ses objectifs.

Mes chers collègues, lors du débat sur le TSCG, nous avons évoqué les insuffisances de l'Europe, ses errances, mais aussi ses avancées. Nous avons partagé nos doutes sur la portée même des traités européens. Nous avons mesuré la capacité de l'Europe à bouger malgré les forces contradictoires qui la traversent. Les écologistes ont salué les avancées obtenues depuis juin, sur la BEI, la croissance, la taxe sur les transactions financières. On peut minimiser ces avancées, mais le sens est donné. Nous avons récemment noté avec satisfaction les changements de doctrine de la BCE sur la prise en compte des dettes souveraines et sur les obligations d'État, ou encore le sursis accordé par les ministres des finances au Portugal. Rien n'est écrit définitivement, tout reste possible, les libéraux, eux-mêmes, vacillent.

C'est précisément cette question qui va animer nos débats sur la loi de finance pour 2013. C'est à ce moment précis que se confronteront la logique des libéraux, qui n'ont juré jusque là que par la réduction de l'impôt et la baisse de la dépense publique, et celle des progressistes, moins campés sur leurs certitudes, plus réalistes, qui cherchent avec discernement le meilleur dosage entre optimisation de la dépense publique et restauration d'une fiscalité juste et dynamique.

Oui, nous rembourserons la dette, mais nous le ferons en protégeant les plus modestes, en préservant nos ressources et en soutenant les entreprises créatrices de valeur et de travail. Nous en donnerons des preuves très concrètes dans la loi de finance pour 2013.

Car rien n'empêche, ni dans le TSCG, ni dans la loi organique, de restaurer la justice fiscale. D'ailleurs, les débats qui s'engagent avec l'opposition parlementaire montrent à l'évidence qu'il y a bien deux manières de résorber la dette.

Nous avons encore des cartes en main pour affirmer que la vraie question n'est pas tant celle du remboursement de la dette que celle de savoir qui va la rembourser. Et, de ce point de vue, ni le TSCG ni la loi organique n'ont écrit l'histoire. C'est à nous de le faire, à nous de construire l'Europe politique qui saura, par l'harmonisation fiscale et sociale, par son poids dans le monde, apporter la régulation nécessaire à la mondialisation.

Ce projet, n'en déplaise à certains, nous le porterons au sein de la majorité de cette assemblée avec toute notre force, notre singularité, tout en assumant les décisions et les contraintes. C'est dans ce cadre que nous déposerons nos amendements sur le texte de cette loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

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