Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, après l'examen du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, nous examinons désormais son « décret d'application » : la présente loi organique.
Avant toute chose, je tiens à rappeler que le TSCG, et donc la loi organique qui s'ensuit, ne viennent pas seuls. Le texte qui nous est soumis rappelle à juste titre que « la réorientation de l'Europe vers la croissance, la stabilité financière et la solidarité est engagée », et c'est pour cela que l'adoption du TSCG et de la loi organique peut se faire sans réserves.
Cette réorientation, actée lors du sommet européen des 28 et 29 juin derniers, compte davantage que les textes qui nous sont soumis. La taxe sur les transactions financières, le pacte de croissance, l'union bancaire et l'approfondissement politique forment le nouvel horizon de l'Union européenne.
L'adoption de règles budgétaires ne sera de toute façon pas suffisante pour résoudre nos problèmes. Par définition, les règles, même les plus contraignantes, sont amenées à être transgressées. D'autant que la rédaction assez souple de cette loi organique laisse une large latitude au politique. Alors, pour rétablir l'équilibre de nos comptes publics, je crois davantage en la volonté politique qu'en des contraintes réglementaires.
Comme le rappelle notre rapporteur, dans son rapport, « les règles budgétaires, aussi nombreuses soient-elles, ne sauraient garantir, à elles seules, une gestion sérieuse des finances publiques ». C'est d'autant plus vrai que ce traité, signé entre les États en dehors des procédures habituelles de l'Union, relève du droit international public et n'a donc force contraignante qu'autant que les États parties le veulent. Il ne constitue aujourd'hui qu'un engagement solennel entre États à rétablir leurs finances publiques.
Néanmoins, même si le contexte européen est plus important que les textes qui nous sont soumis, même si la volonté politique doit prévaloir sur les obligations juridiques, une coordination budgétaire européenne plus contraignante que le pacte de stabilité et de croissance est nécessaire.
Le fait d'intégrer le mécanisme budgétaire inscrit dans le TSCG via une loi organique introduit davantage de souplesse et atténue la portée de règles qui auraient pu devenir un véritable carcan si elles avaient été constitutionnalisées. Je me félicite donc que le Gouvernement ait choisi cette option, ouverte par la décision constitutionnelle du 9 août dernier.
Je considère que le TSCG nous impose davantage une obligation de moyens qu'une obligation de résultats. Il nous prescrit de mettre en place les mécanismes pour parvenir à l'équilibre budgétaire plutôt qu'il ne nous contraint de revenir à l'équilibre. C'est grâce à la volonté politique que nous parviendrons à l'équilibre des comptes publics.
Concernant le fond du texte, je m'interroge sur le solde structurel. Certes, prendre en compte ce solde structurel plutôt que le solde effectif est une nécessité. Nous éviterons ainsi de mener une politique procyclique particulièrement néfaste, que ce soit en période d'embellie ou de marasme économique. Mais le doute demeure sur la question du dosage des politiques contracycliques. Jusqu'à quel point pourra-t-on, en cas de récession, mener une politique expansionniste ? Rappelons qu'en juillet 2012, la Cour des comptes estimait le déficit structurel de la France en 2011 à 3,9 % du PIB, après 4,8 % en 2010. Dans pareille situation, peut-on mener une politique de relance conjoncturelle ?
Je m'interroge, comme beaucoup, sur l'élaboration de notre solde structurel, qui sera défini grâce à notre « croissance potentielle ». Cette élaboration devra se faire selon les mêmes critères dans tous les pays européens. Quels seront donc ces critères ? Intégrera-t-on dans le solde structurel les investissements liés aux objectifs stratégiques européens ?
De même, qu'entend-on par l'existence de « circonstances exceptionnelles », qui nous permettraient de nous écarter de l'objectif de moyen terme ? Une croissance nulle, telle que celle qui se profilerait pour 2013, est-ce une circonstance exceptionnelle ?
Beaucoup de questions, donc, qui trouveront certainement des réponses avec la pratique de cette nouvelle procédure budgétaire. Un temps d'adaptation sera nécessaire.
Autre point : j'approuve la souplesse du mécanisme de correction. La procédure proposée est suffisamment subtile pour ne pas entraver les prérogatives du Parlement. De même, le texte qui nous est soumis n'impose pas au Gouvernement d'adopter des mesures de correction en cas de dérapage. En effet, si un État partie manque à ses obligations, nulle sanction automatique, contrairement à ce qui a souvent été allégué, mais la possibilité pour un État – un État, pas la Commission – de saisir la CJCE pour faire constater un tel manquement.
Le rôle du Conseil constitutionnel sera de plus assez limité ; il ne devrait pas contrôler la conformité des lois de finances au TSCG. II n'y aura pas non plus de hiérarchie entre les lois de finances annuelles et la loi de programmation des finances publiques. Le cadre juridique est suffisamment souple pour laisser in fine les décisions au pouvoir politique. Nous n'entrons pas dans la logique ordo-libérale voulue par certains. L'équilibre des comptes publics dépendra d'une volonté politique plutôt que d'une contrainte juridique.