Intervention de Thierry Mandon

Séance en hémicycle du 8 octobre 2012 à 15h00
Programmation et gouvernance des finances publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mandon :

Mes chers collègues, comme bon nombre des orateurs précédents, je me félicite de la voie choisie par le Gouvernement pour adapter en droit français les conséquences du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. En proposant à l'Assemblée le vote d'une loi organique plutôt que l'inscription dans la Constitution des obligations prévues par le traité, il fait en effet beaucoup plus que respecter un engagement datant de bien avant la période électorale, il applique, on doit le rappeler sans cesse, la lettre même du traité.

Ainsi, l'article 3, paragraphe 2, de ce traité ouvre plusieurs modalités de transcription en droit national : des règles constitutionnelles, ou des règles « dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon. » C'est l'objet même du projet de loi organique que de garantir le processus d'observance des engagements du traité.

Une telle transcription ne fait pas l'unanimité parmi nous, ni même entre ceux qui, tout en acceptant les règles définies par le traité, divergent sur les moyens d'en faire notre norme commune. Certains plaidaient et plaident encore pour que les engagements du traité figurent dans notre Constitution. Ils voudraient que l'inscription de la règle relative à l'équilibre budgétaire y soit inscrite dès le départ comme un carcan, qui deviendrait une règle d'autant plus éternelle qu'elle est radicalement nouvelle dans l'histoire politique et budgétaire de notre pays. Il y a dans cette conversion soudaine à l'équilibre budgétaire constitutionnalisé une dimension expiatoire. Certes, celle-ci s'explique trop bien au vu de l'histoire budgétaire de ces dernières années, mais nous conviendrons tous ensemble, dans cette enceinte républicaine, que ce n'est pas au Parlement de payer le prix de cette volonté de rédemption.

En choisissant la loi organique, le Gouvernement a voulu que la mise en oeuvre du traité soit garantie par une règle plus forte encore que le carcan constitutionnel, par la garantie démocratique, laquelle rend notre parlement comptable de l'obligation de respecter les normes d'équilibre budgétaire, de les inscrire dans une démarche de programmation pluriannuelle et d'en corriger souverainement, en dépenses comme en recettes, les éventuelles dérives. C'est toute la question de la souveraineté du Parlement qui est au coeur de cette démarche, dont il faut rappeler les principaux outils.

C'est le Parlement qui votera la loi de finances pluriannuelle, dans laquelle il instituera un pilotage structurel de nos finances publiques rendant possible des politiques contracycliques, c'est-à-dire allant à l'encontre des cycles économiques défavorables. Sorte de déficit corrigé des variations économiques saisonnières, cette loi pluriannuelle sera votée par le Parlement.

C'est le Parlement et lui seul qui corrigera les éventuels écarts à la trajectoire décidée par la loi pluriannuelle qu'il aura lui-même adoptée, à l'occasion d'un vote, quand il sera sollicité par le Gouvernement, en cas d'écart important.

C'est encore le Parlement qui, grâce à des amendements votés en commission spéciale, pourra débattre des principaux éléments de gouvernance économique et monétaire décidés au niveau européen.

C'est le Parlement qui disposera désormais d'outils renforcés pour mieux apprécier l'évolution des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques.

C'est le Parlement qui, sur tous ces sujets, décidera.

C'est d'ailleurs la reprise de l'esprit et de la lettre du traité qui, en son article 3-3, stipule que, même en cas de déficit excessif, les mécanismes de correction doivent respecter pleinement les prérogatives du Parlement.

Je sais gré au Gouvernement d'avoir trouvé ce chemin étroit qui pouvait exister entre les dispositions du traité et les droits de notre Parlement. Sans reprendre l'intégralité des louanges exprimées par le président de la commission des lois en début de nos travaux, je veux saluer cette démarche gouvernementale par l'idée qu'elle permet de rappeler : il n'y aura pas de progrès européen, de renforcement de la construction européenne, si l'on ne veille pas aux droits du Parlement ; il ne peut y avoir de consolidation européenne sans ou malgré les Parlements nationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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