Intervention de Éric Straumann

Séance en hémicycle du 8 octobre 2012 à 15h00
Programmation et gouvernance des finances publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Straumann :

Depuis plus de six décennies, nos prédécesseurs ont su construire une Europe de paix. Le continent a connu une prospérité sans précédent qui a profité à tous les territoires. Jamais le niveau de vie général n'a été aussi élevé.

L'État providence a remplacé l'État-nation et les collectivités publiques se sont engagées en trois décennies, doucement mais sûrement, dans une politique de déficits publics, s'enfonçant insensiblement dans le sable mouvant des dettes. Cette orientation politique ne semblait pas inquiéter : les taux d'intérêts devaient être financés par la croissance économique. Mais ce schéma s'est heurté au plafond de verre de la stagnation de la croissance à un certain stade du développement économique.

Or l'accès au crédit ne posait aucun problème, car la défaillance d'un État n'était pas imaginable. Les critères de convergence imposés lors de la création de l'union monétaires – déficit des administrations publiques limité à 3 % du PIB, dette publique plafonnée à 60 % – ont été rapidement oubliés sous les effets de ce qui est appelé crise, mais est plus probablement un changement de modèle économique.

Le Conseil constitutionnel a décidé le 9 août 2012 que la ratification du traité ne nécessitait pas de modification de la Constitution. Pour ma part, je pense qu'en raison de son caractère fondamental il aurait dû être soumis au Congrès, parce qu'il prévoit l'inscription dans le droit interne d'un certain nombre de dispositions et de mécanismes qui limitent fortement le pouvoir des institutions nationales en stipulant que le droit budgétaire des États membres fera l'objet de règles minimales homogènes.

J'aurais préféré que cette règle d'or que nous allons implicitement adopter, honnie sur les bancs de gauche depuis plusieurs années, figure dans notre Constitution. Mais cela aurait constitué un reniement de plus des promesses électorales du printemps. Car on nous avait annoncé, durant la campagne présidentielle, une renégociation du traité : ce sera finalement au mot près le texte décidé par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy.

Jean-Marc Ayrault qualifiait le 22 février ce traité de « carcan budgétaire qui étend l'austérité à toute la zone euro ». François Hollande déclarait le 17 mars, dans son discours sur l'Europe prononcé à Paris : « Ce traité est une illusion, mais c'est aussi un risque, celui de devoir faire dans quelques mois ou dans quelques années, après des efforts parfois insupportables pour les Européens, le constat de l'échec et de l'impuissance ».

Je souhaite vous faire part du sentiment de trahison de nombreux électeurs qui ont voté pour le candidat socialiste. J'ai été frappé ces derniers jours par ce sentiment, exprimé par des salariés découvrant leur fiche de paie de septembre, où leurs heures supplémentaires sont désormais soumises à charges sociales.

Pour vendre ce texte à sa majorité, le Gouvernement annonce que ce pacte va permettre de mobiliser 120 milliards en faveur de mesures de croissance grâce à l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement et au redéploiement de crédits non utilisés de la politique structurelle. Ces mesures, décidées avant la conclusion du traité, constituent un rideau de fumé très médiatisé, mais à l'impact économique probablement symbolique : ces 120 milliards représentent 260 euros par habitant, alors que chaque Européen supporte une dette publique de plus de 20 000 euros…

Il faut d'ailleurs regretter l'affrontement stérile qui a eu lieu avec la chancelière allemande sur la question du traité pour laisser croire dans notre pays qu'on ne renierait pas une promesse de campagne. Le Gouvernement a malheureusement fragilisé ainsi pour des raisons politiciennes le couple franco-allemand. Avec ces atermoiements, la France a perdu en partie la confiance de ses partenaires européens et son rôle charnière dans notre continent.

Ce traité est dans l'intérêt supérieur du pays. Certains s'imaginent qu'il suffit de fermer la frontière et de s'isoler du monde, mais ce serait s'engager dans un modèle qui conduirait à l'affaiblissement inexorable de la France.

Ce texte permettra une meilleure maîtrise de nos finances publiques, dans un objectif de redressement des comptes publics. Ne pas le voter, c'est enfoncer notre pays et l'Europe dans une spirale inquiétante pour l'avenir économique et social. Je voterai donc pour ce projet de loi organique voulu par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy.

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