Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 2 octobre 2012 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé :

Mesdames, messieurs, chers amis, je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui. Je ferai un point sur la question des retraites, avant d'évoquer les enjeux en matière de santé. Puis nous pourrons, si vous le souhaitez, engager la discussion sur l'ensemble du champ médico-social.

Vous avez eu raison de le rappeler : lors du débat de 2010, la question des retraites s'est finalement imposée comme l'une des questions majeures, alors qu'elle n'était pas perçue comme telle au départ.

Malgré des améliorations, la situation globale des femmes reste toujours marquée par d'importantes inégalités par rapport aux hommes.

Certes, l'espérance de vie des femmes reste supérieure à celle des hommes, mais cet écart se réduit régulièrement. Les femmes atteignent désormais un niveau d'études supérieur à celui des hommes, mais l'emploi non qualifié est occupé par des femmes à 62 %, contre 56 % en 1990, et les écarts de revenus salariaux restent très importants (25 % en 2009 contre 29 % en 1991).

L'emploi féminin a augmenté d'un quart ces vingt dernières années, alors que celui des hommes est quasiment resté constant. Pour autant, le chômage touche toujours davantage les femmes, tout comme la pauvreté.

Enfin, les taux d'activité féminins se rapprochent de ceux des hommes, mais ils chutent toujours en présence de jeunes enfants, et le partage des tâches domestiques et familiales demeure principalement à la charge des femmes.

Ces inégalités, préoccupantes, se répercutent dans les écarts de niveaux de retraite entre hommes et femmes.

En 2010, la retraite moyenne de droit direct des femmes s'élevait à 899 euros par mois, soit 58 % du montant moyen perçu par les hommes (1 552 euros par mois).

Si l'on prend en compte la pension totale (y compris réversion, minimum vieillesse et majoration pour enfants), la pension des femmes s'élève alors à 1 148 euros par mois, soit 72 % du montant perçu par les hommes (1 594 euros par mois).

On le voit : les mécanismes de redistribution fonctionnent, mais un écart significatif demeure, qui s'explique au regard des données que j'ai rappelées. Si le parcours de vie des femmes est plus haché, plus précaire, davantage marqué par la pauvreté et des niveaux de rémunération problématiques, la retraite des femmes restera inférieure à celle des hommes.

Cette situation est aggravée par le fait que les générations de femmes actuellement en âge de partir à la retraite ont connu un taux d'activité plus faible que les générations actuelles. Le nombre d'enfants a d'ailleurs un impact direct sur le montant de pension de retraite des femmes.

Enfin, je l'ai dit, les mécanismes de redistribution fonctionnent.

Les femmes bénéficient plus largement du minimum vieillesse et du minimum contributif, qui permettent de relever le montant des petites pensions.

Les majorations de durée d'assurance (MDA) liées aux enfants, ainsi que l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) permettent d'augmenter la durée validée par les femmes.

Au total, la situation n'est pas satisfaisante, mais est prise en compte partiellement par notre système de retraite.

Comment réduire ces écarts ?

Je voudrais d'abord rappeler le calendrier que s'est fixé le Gouvernement.

La réforme de 2010 n'ayant pas permis de stabiliser la situation financière de nos régimes de retraite, le Gouvernement a décidé, d'une part, d'engager un effort significatif en faveur du redressement des comptes de la branche vieillesse dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale et, d'autre part, de poser la perspective d'une nouvelle réforme des retraites dans le courant de l'année prochaine. Ce scénario est issu des discussions que nous avons menées avec les partenaires sociaux lors de la grande conférence sociale qui s'est tenue au mois de juillet.

La réforme des retraites sera menée en trois temps : un état des lieux du système de retraite sera dressé par le Conseil d'orientation des retraites (COR) qui établira ensuite de nouvelles projections financières au début de l'année prochaine ; une commission ad hoc sera mise en place pour formuler des pistes de réforme ; puis, à partir du printemps, la concertation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux aboutira à l'élaboration du texte de loi.

J'ai souhaité que, dans le cadre des travaux menés par le COR, les retraites des femmes fassent l'objet d'une étude spécifique.

Comment améliorer la situation de la retraite des femmes et réduire les inégalités avec les hommes ?

La réflexion doit se situer à deux niveaux.

Premièrement, les inégalités en matière de retraite reflètent avant tout celles qui prévalent sur le marché du travail et dans le partage des tâches domestiques. Il est donc illusoire de penser pouvoir compenser au moment de la retraite l'ensemble des inégalités accumulées tout au long d'un parcours de vie. Par conséquent, c'est en amont du système de retraite qu'il nous faut agir avant tout.

Sur le marché du travail, d'abord, en luttant contre les inégalités de salaire et de carrière entre femmes et hommes. Il s'agit notamment de rendre effectives les obligations en matière de négociation sur l'égalité salariale, et les sanctions en cas de carence.

Dans l'organisation de la société, ensuite, en favorisant la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, notamment par un meilleur accès à des solutions d'accueil des jeunes enfants.

Sur la répartition des tâches dans le couple, enfin, en favorisant un meilleur partage des congés entre parents.

Ces mesures prendront cependant du temps avant de produire leurs effets. On peut faire l'hypothèse que les générations qui ont quinze ou vingt années d'activité professionnelle, voire celles qui entrent sur le marché du travail, pourront bénéficier de situations plus favorables.

Deuxièmement, nous devons améliorer notre système de retraite afin d'en améliorer l'équité.

Comme je l'ai dit, nous aurons l'occasion d'engager cette réflexion l'année prochaine.

Je porterai une attention particulière aux règles qui peuvent pénaliser les femmes. Je vous en donne deux exemples.

Les règles de calcul du salaire annuel moyen (SAM), qui prend en compte les 25 meilleures années et non de toute la carrière, et de validation des trimestres (sur la base d'un salaire de 200 heures de SMIC), qui ont été conçues pour protéger les assurés ayant des parcours accidentés, peuvent se révéler pénalisantes pour les femmes. Nous devons donc nous interroger pour savoir s'il faut aménager ces règles, ou pas.

La majoration de pension pour trois enfants et plus, que l'on imagine bénéfique avant tout pour les mères de famille nombreuse, accroît en fait les inégalités de pensions entre hommes et femmes : elle bénéficie moins aux femmes qu'aux hommes, et moins aux femmes qui ont interrompu leur carrière pour élever leurs enfants qu'à celles qui l'ont poursuivie.

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