Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 2 octobre 2012 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé :

Le monde des retraités agricoles souffre de la faiblesse des pensions, et les femmes d'exploitants sont particulièrement touchées par la précarité.

Alors que les retraites agricoles n'a pas évolué depuis plus de dix ans – les dernières avancées ont été réalisées par le gouvernement Jospin –, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 comportera une disposition selon laquelle les personnes qui auront connu des interruptions de carrière en raison de maladie ou d'invalidité pourront bénéficier de points gratuits. Cette première mesure, ciblée, concernera les hommes comme les femmes. Mais au-delà, c'est dans le cadre d'une réforme plus générale que le sujet devra être traité.

La situation des conjoints collaborateurs, des femmes d'agriculteurs, est effectivement problématique. Nous y travaillons : des progrès ont d'ores et déjà été réalisés, mais nous devons aller plus loin. Le sujet est celui de la constitution des droits à la retraite par les femmes, préalable nécessaire au versement d'une retraite. Si nous pouvons insister auprès des plus jeunes sur cet impératif, nous devons remédier, de manière juste, à la situation de celles qui ont passé une partie de leur vie à travailler en constituant des droits à la retraite limités. Nous sommes actuellement en discussion avec la Mutualité sociale agricole (MSA) à ce sujet. Les minima – pension minimum, minimum vieillesse – permettent néanmoins de faire face aux situations les plus difficiles.

Monsieur Huet, je ne me sens pas dévalorisée par l'appellation « madame la ministre » ! J'observe d'ailleurs que la féminisation des noms de métiers qui ne sont pas considérés comme des métiers de pouvoir se fait naturellement, alors qu'on donne du « le » aux fonctions liées au pouvoir pour montrer la magnanimité de la société à l'égard des femmes ayant eu la chance d'accéder à ces responsabilités dont l'exercice par des hommes paraît tellement normal !

Mme Bachelot n'a jamais été en responsabilité du dossier des retraites. C'est M. Woerth qui, lors de la réforme de 2010, a très clairement indiqué que les droits à la retraite étaient constitués en fonction de la carrière et qu'il ne lui paraissait pas possible d'introduire des éléments de compensation au moment de la retraite. Pour ma part, je n'ai jamais changé de position, comme le prouvent mes propos tenus à l'époque en commission et en séance publique avec M. Woerth. Je considère que l'essentiel des droits est constitué tout au long de la carrière, mais que notre système de retraite ne repose pas uniquement sur les droits acquis, puisqu'il comporte également un dispositif de solidarité en faveur des femmes comme des hommes, le premier élément de solidarité étant celui des avantages familiaux.

La question n'est donc plus de savoir si la retraite des femmes doit tenir compte de la carrière, mais elle est de savoir si des mécanismes de compensation, nécessairement partiels, doivent être introduits. La réponse est oui. Des éléments existent, et le débat qui s'ouvre déterminera s'il faut aller plus loin.

J'en viens à la lutte contre les addictions. La lutte ne saurait être uniquement de nature répressive ; elle doit mettre l'accent sur la prévention, la prise en charge des populations, en particulier des jeunes et des personnes en détention, car elle constitue un enjeu de santé publique.

Les femmes consomment moins de drogue que les hommes, mais davantage de psychotropes. Cela rejoint mes propos liminaires sur le fait qu'elles se déclarent deux fois plus angoissées, anxieuses et stressées que les hommes.

S'agissant de la prévention contre le cancer du col l'utérus, les autorités scientifiques recommandent la vaccination, ayant jugé le bénéficerisque favorable. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) procède à un suivi des effets indésirables, comme pour tous les médicaments.

Ces recommandations n'aboutissent pas à considérer que toutes les jeunes filles sont exposées de la même façon. Par conséquent, en l'état actuel des données scientifiques, je ne pense pas que nous devons encourager la vaccination de toutes les jeunes filles. Le médecin a un rôle essentiel pour apprécier si elle s'avère nécessaire, en fonction du comportement, de la situation et des antécédents. Vous le voyez : les recommandations sont plus nuancées aujourd'hui qu'elles ne l'étaient au départ.

S'agissant du cancer du sein, j'ai exposé la position de mon ministère à l'occasion de la conférence de presse destinée à lancer la campagne « Octobre rose ».

Le dossier de l'UFC-Que Choisir ne remet pas en cause le principe du dépistage, il s'interroge sur la manière dont celui-ci est mené et sur le manque d'information des femmes à propos du sur-diagnostic – qui devrait en réalité être nommé sur-traitement. En effet, dans certains cas, il est difficile pour les médecins de savoir si une tumeur va évoluer ou pas, et certaines femmes porteuses d'une tumeur détectée grâce au dépistage font l'objet d'un traitement lourd, sans doute trop lourd au regard de l'évolution qu'aurait connu celle-ci.

L'UFC-Que Choisir préconise donc d'indiquer aux femmes qu'il peut leur être détecté une tumeur dont l'évolution n'est pas certaine. Or le courrier envoyé aux femmes de cinquante à soixante-quatorze ans dans le cadre de la campagne nationale de dépistage a considérablement évolué en ce sens au cours des dernières années, puisqu'il insiste désormais sur la liberté de faire ou de ne pas faire ce diagnostic. Une femme sur deux bénéficie de ce dépistage, les autres passant par leur médecin. Au total, un peu plus de 60 % se font dépister.

L'enjeu est important : on estime à 20 % le taux de femmes ayant pu échapper à l'évolution de la maladie grâce au dépistage. On le voit : la balance bénéficesrisques est favorable, et impose de ne pas banaliser le dépistage comme moyen de lutte contre le cancer. Ce sont les femmes les mieux éduquées qui se font spontanément dépister.

J'ajoute que les éléments mentionnés dans l'article de l'UFC-Que Choisir sont parfaitement connus et font l'objet d'études menées par l'Institut national de lutte contre le cancer. Un rapport sera rendu public.

Je pense que les femmes doivent pouvoir choisir librement et de manière éclairée de se faire dépister ou non. Mais j'insiste : le cancer du sein concerne chaque année 53 000 femmes et provoque 11 500 décès. Le dépistage le plus tôt possible reste la première arme dans la lutte contre la maladie. Je vous enverrai un courrier, madame la présidente, que vous pourrez diffuser à l'ensemble des membres de la Délégation.

S'agissant de la question des déserts médicaux, j'ai la volonté de restructurer la politique de santé autour d'équipes médicales et de soignants de proximité qui fassent une part plus importante à la prévention au travers de mécanismes de rémunération et de soutien à l'activité coordonnée. L'enjeu est, là aussi, important.

La question du Planning familial ne relève pas directement de mon ministère, mais nous avons la volonté de défendre cette association.

Je termine par les hôpitaux. Je n'ai pas eu connaissance de la question de l'hôpital de Nemours, mais d'autres hôpitaux de Seine-et-Marne se sont manifestés auprès de moi. Je regrette que le financement des nombreux investissements prévus au Plan Hôpital 2012 n'ait pas été envisagé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion