Intervention de Jean-Jacques Cottel

Réunion du 10 septembre 2013 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Cottel, co-rapporteur :

Pour formuler nos propositions, nous sommes partis, du constat suivant : les objectifs fixés par les deux lois Grenelle impliquent un saut à la fois qualitatif et quantitatif dans les années qui viennent, à horizon 2020. Nous avons été convaincus, au fil de nos auditions, par la nécessité, compte tenu du nombre important de filières REP de création récente, de ne pas céder à la tentation d'en créer de nouvelles. Notre volonté a été également de ne pas passer sous silence les critiques formulées à l'encontre des éco-organismes, notamment par les collectivités locales. Dans nos choix, nous avons privilégié les mesures susceptibles de favoriser la création d'emplois dans les territoires, non délocalisables et du plus haut niveau de qualification possible. Les professionnels du secteur nous ont convaincus, enfin, de la nécessité de voir l'activité normative autour des déchets marquer une pause, et de contribuer à la simplification des contraintes pesant sur les entreprises du secteur, qui sont souvent, dans les territoires, des PME-PMI.

Je voudrais revenir sur une de nos propositions : celle qui vise à faire du recyclage l'une des priorités stratégiques de notre politique industrielle. Dans un contexte de tensions persistantes sur le marché des matières premières, le recyclage des déchets et la fabrication de matières premières secondaires constituera un enjeu économique majeur dans les années à venir. Cela permettra de desserrer l'étau de la dépendance au cours desdites matières et d'augmenter dans le même temps la productivité matérielle, c'est-à-dire le rapport du PIB sur la quantité totale de matière qui entre physiquement dans l'économie française. Cette démarche sera créatrice d'emplois – pour la plupart, non délocalisables, puisque liés à notre gisement hexagonal – et de croissance. Elle permettra aussi de diminuer l'impact sur l'environnement de la production, le recyclage ayant de ce point de vue un avantage comparatif par rapport à l'extraction de ressources naturelles, à l'incinération ou au stockage.

Afin de donner une impulsion politique forte à cette orientation à la fois nouvelle, transversale et multisectorielle, nous suggérons la création d'une fonction de délégué interministériel au recyclage et aux matières premières secondaires, afin de personnifier la lutte pour le développement d'un potentiel industriel nouveau, pour lequel notre pays dispose d'atouts forts et d'une antériorité certaine. Cette création nous permettra de disposer, au sein de l'appareil d'État, d'un relais à la fois souple et efficace, capable de suivre tous les aspects du recyclage (réglementaire, industriel, local, international), d'en maîtriser les enjeux et d'en accélérer l'essor. On peut imaginer que ce délégué interministériel soit rattaché directement au Premier ministre, afin d'asseoir, notamment, la vocation transversale et interministérielle de sa mission. Il pourrait également constituer un interlocuteur de haut niveau à la fois pour les collectivités locales et pour les industriels du recyclage et, le cas échéant, pour les éco-organismes.

Nous proposons également des mesures visant à optimiser la gestion, par les collectivités locales, de leurs obligations en matière de collecte et de tri de déchets ménagers. Lors de la présentation de notre rapport d'étape, nous avions détaillé celles relatives à la redevance dite incitative et à la TGAP s'appliquant à l'enfouissement et à l'incinération des déchets ménagers résiduels. Suite aux remarques qui nous avaient été formulées, nous avons détaillé la mise en place d'une « REOM » dans une collectivité majoritairement urbaine, celle du Grand Besançon, que notre collègue Éric Alauzet avait évoquée en détail. Bien que sa mise en place soit assez récente, cette expérience affiche des objectifs ambitieux : réduire la production de déchets de 35 % en zone pavillonnaire et de 12 % en habitat collectif. Pour assurer le respect des règles de collecte mises en place, le Grand Besançon a utilisé son pouvoir de police spéciale prévu à l'article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales, des agents assermentés se trouvant habilités à constater les infractions, comme les dépôts sauvages ou les feux de déchets, et à faire respecter les règles de collecte et de tri.

Nous nous sommes également intéressés à l'expérience menée dans une autre grande agglomération de 500 000 habitants, celle de Nantes, auprès des professionnels - les administrations et les entreprises - au moyen d'une redevance spéciale.

Deux autres propositions méritent que nous nous y arrêtions : l'harmonisation de la couleur de bacs de collecte et la gestion des déchetteries. S'agissant de la première, nous estimons qu'elle doit devenir une priorité pour les collectivités locales. En effet, l'efficacité de toute la chaîne de traitement des déchets pâtit du système actuel, trop hétérogène et parfois incompréhensible pour les usagers. Les messages qui leur sont transmis grâce aux campagnes nationales d'information relatives au geste de tri sont parfois brouillés par la disparité organisationnelle observée sur le terrain. Une étude menée par l'ADEME au plan européen a montré que le message transmis à l'occasion de telles campagnes est d'autant mieux perçu qu'il correspond au schéma de collecte utilisé au quotidien. Ce constat a été largement partagé lors du Grenelle de l'environnement. En effet, l'article 199 de la loi Grenelle II dispose « qu'au plus tard le 1er janvier 2011, un dispositif harmonisé de consignes de tri sur les emballages ménagers est défini pour être mis en oeuvre au plus tard au 1er janvier 2015. » Cette harmonisation peut être évolutive pour les collectivités concernées : nous proposons qu'elle se fasse au fur et à mesure du remplacement des équipements, donc sans incidence sur les dépenses, un parc de bacs de collecte ayant une espérance de vie de l'ordre de 5 à 10 ans.

La seconde proposition a trait aux déchetteries : celles-ci doivent mettre en place des contrôles des dépôts effectués par les particuliers et par les professionnels, et se protéger contre les actes de vandalisme ou de vol dont elles peuvent être victimes. Dans le même temps, nous réaffirmons la nécessité d'un plan de gestion des déchets, à l'échelon territorial le plus pertinent, de façon à harmoniser l'implantation et l'utilisation des équipements de traitement, ce qui devrait permettre, dans certains cas, de réaliser des économies d'échelle.

S'agissant des filières REP elles-mêmes, nous suggérons de revoir dans certains cas leur périmètre. Dans la filière papier, l'exonération de contributeurs importants – comme la presse et les documents officiels – constitue un manque-à-gagner de 75 millions d'euros par an ! Le projet de loi de finances pour 2014 nous permettra sans doute d'examiner cette question plus en détail. La filière emballages pourrait inclure les films plastique, celle des médicaments non utilisés les médicaments vétérinaires destinés aux animaux de compagnie. Cette volonté s'accompagne du souhait de voir notre pays marquer une pause dans la création de nouvelles filières, même si nous préconisons dans le même temps une réflexion sur les 30 % de déchets ménagers non encore soumis à éco-contribution – les mouchoirs et papiers jetables, les jouets, les couches culottes –. Certaines filières doivent se réorganiser : c'est le cas des « DEEE », qui, avec Recylum, Eco-Logic, Eco-system et ERP, comptent quatre éco-organismes, ou des déchets d'éléments d'ameublement, avec Valdelia et Eco-mobilier.

La lutte contre la fraude, les sites illégaux ou les exportations « sauvages » doit devenir une priorité des pouvoirs publics. Il est vrai que des mesures énergiques ont récemment été prises dans la filière dite « VHU » (véhicules hors d'usage), et nous nous en félicitons. Il faut par ailleurs rendre les amendes administratives plus effectives et dissuasives dans les cas de non-déclaration de mise sur le marché, ce qui arrive parfois lorsque les metteurs en marché sont des « pure-players » – qui utilisent uniquement Internet comme canal de distribution – implantés en dehors de nos frontières.

Enfin, la communication autour du geste de tri doit faire l'objet d'une réflexion approfondie visant à une meilleure coordination des outils et à une harmonisation effective des messages, en associant les éco-organismes, les collectivités locales, l'État et l'ADEME. Des projets de coordination sont en gestation au sein de différents éco-organismes et devraient voir le jour avant la fin de 2013 : nous les appelons de nos voeux. Certaines campagnes fonctionnent néanmoins déjà assez bien : on peut citer Info-tri ou celle mettant en scène « M. Papillon » en 2012. Nous croyons qu'il faut évaluer les actions de communication menées par les différents acteurs du secteur, et fixer avec ceux-ci, mais sous l'autorité de l'État, des objectifs ambitieux en termes de notoriété, d'identification et d'efficacité des campagnes. Celles-ci pourraient faire l'objet d'un financement par un fonds dédié, abondé par exemple par une partie des recettes de tous les éco-organismes.

Nous allons en définitive entrer dans la logique de l'économie circulaire, qu'on peut définir en trois mots : récupérer, valoriser, produire, plutôt qu'extraire, produire, jeter. Nous faisons état dans notre rapport de plusieurs exemples allant dans ce sens, comme la fabrication par le Relais d'un isolant thermique et acoustique pour le bâtiment à partir de fibres de jeans usagés, ou la production, à partir de résidus de pneumatiques, de sols d'aires de jeux pour enfants ou de manèges pour les chevaux, ou enfin les initiatives de l'industrie papetière dans le domaine du papier recyclé.

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