Intervention de Jean-Pierre Gorges

Réunion du 11 septembre 2013 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Gorges :

Je me réjouis pour ma part de ce rapport, dont j'espère que les préconisations, très proches de celles que nous avions formulées en 2010, seront mieux entendues ! J'avais à l'époque fait observer que la période considérée – de 2008 à 2010 – était trop brève pour permettre des conclusions définitives. En réalité, tout est dans la mesure : nous l'avions montré, la part des dépenses de recherche dans le PIB, que le dispositif était censé porter de 2,1 à 3 %, n'avait pas évolué proportionnellement au niveau élevé de la dépense. Et les problèmes que nous avions signalés perdurent.

Il existe d'abord, faute d'une étude d'impact suffisante, des effets d'aubaine : certains ont transformé une activité courante en activité de recherche. J'avais ainsi dénombré 5 000 chercheurs dans le seul secteur bancaire, où j'ai travaillé pendant vingt-cinq ans sans en croiser beaucoup !

Ensuite, la confusion perdure entre recherche et innovation. Nous avions proposé de créer un crédit d'impôt innovation, destiné aux PME plutôt qu'aux grandes entreprises. En effet, alors que la recherche concerne surtout les très grandes entreprises, les PME, régies par des cycles plus courts, ont besoin d'un tel outil de soutien à l'innovation. La traduction française du manuel de Frascati est ambiguë à cet égard, s'agissant notamment des prototypes, et les cabinets évoqués par Gilles Carrez se sont spécialisés dans son interprétation pour définir les dépenses éligibles au CIR, de sorte que certaines entreprises déclarent des dépenses qui ne devraient pas l'être, afin de réduire leur fiscalité. Réservons donc le CIR à ce qui concerne la recherche et développons le crédit d'impôt innovation.

Lorsque l'on s'est aperçu de ces dérives, de nombreux contrôles fiscaux ont été opérés, contrairement à ce que j'ai pu entendre. Ainsi, dans ma circonscription, je suis beaucoup intervenu à la demande d'administrés qui savaient que j'avais travaillé sur le sujet. En effet, des PME se sont lancées dans l'aventure sans généralisation du rescrit, outil efficace dont dispose le fisc pour établir un accord en amont, car Bercy manquait des compétences nécessaires pour l'interprétation. Or, Gilles Carrez l'a dit, les entreprises ont tendance à considérer l'aval d'un chercheur comme un quitus. J'avais pour ma part préconisé de confier le rescrit à Oséo, compétent pour juger de l'éligibilité du projet une fois pour toutes afin de garantir la stabilité fiscale aux entreprises et apaiser leurs craintes en la matière. Je propose de porter le taux du crédit d'impôt de 30 à 40 % pour toute entreprise qui aurait recours au rescrit, qu'il apparaît aujourd'hui nécessaire de systématiser.

Alors que la courbe de la dépense ne cesse de croître, la part des dépenses de recherche dans le PIB n'augmente que faiblement. Dans notre rapport d'information, Alain Claeys, Pierre Lasbordes et moi-même sonnions déjà l'alarme. Voilà pourquoi il importe de nous accorder sur les dépenses éligibles en nous fondant sur le manuel de Frascati, et de développer le crédit d'impôt innovation puisque c'est l'innovation, plutôt que la recherche, qui crée à court terme de la valeur ajoutée et de l'emploi. Les PME ont besoin de prendre des brevets et de s'appuyer sur eux pour innover. Le cycle de l'innovation est tel que c'est la création de valeur ajoutée qui finance la recherche, laquelle finance l'innovation, qui crée à son tour de la valeur ajoutée. Il nous faut donc intervenir à l'étape opportune de ce cycle ; nous nous en rapprochons ; mais, si nous n'y parvenons pas, le CIR ne sera rien de plus qu'un abattement fiscal bénéficiant aux entreprises qui auront su recourir à des sociétés de services, lesquelles se paient d'ailleurs sur ce qu'elles leur rapportent. Le directeur administratif et financier d'une multinationale m'a ainsi confié : « Moi, dans votre CIR, je mets les tables, les chaises, tout, et on ne paie plus d'impôt ! » Cela vaut la peine d'y réfléchir.

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