Non.
Le système de concertation au sein des forces de défense et de sécurité nationale s'appuie donc sur des institutions qui permettent l'expression des personnels militaires aux plus hauts échelons de la chaîne hiérarchique, et dans le respect des limites fixées par le statut juridique des militaires.
Toutefois, afin d'accompagner les réformes en cours au ministère et de faire face aux exigences d'une société plus ouverte et plus exigeante en matière de communication et de dialogue interne, les plus hautes autorités de l'État ont décidé d'engager un processus de rénovation de la concertation en veillant à sauvegarder ses deux fondements que sont, d'une part, le statut militaire et, de l'autre, le rôle du commandement dans sa responsabilité vis-à-vis des personnels.
Cette rénovation devrait conforter la légitimité de ces instances par une évolution de leur composition et du mode de désignation de leurs membres. L'expertise de ces derniers devrait également être développée par des actions de formation spécifiques. Enfin, le Livre blanc prévoit la création d'outils participatifs en ligne pour assurer une remontée d'informations permanente et autoriser des échanges continus sur les thèmes de la condition militaire : ce sont autant d'axes de réflexion pour le travail que vient de lancer le ministre sur l'évolution en cours.
L'étude doit se réaliser en deux temps. Une première étape, à laquelle sera associé le commandement, permettra de dégager un certain nombre de pistes qui constitueront un « cahier des charges » de la rénovation, lequel pourrait être présenté aux membres du Conseil lors de la session de décembre ; il leur appartiendrait alors d'accompagner la réflexion et de faire des propositions dans ce cadre.
À titre personnel, je vois trois pistes possibles pour rénover le système de concertation et en accroître la légitimité : l'expertise des membres, leur disponibilité et le fonctionnement du conseil.
Améliorer l'expertise des membres me paraît une nécessité, car beaucoup d'entre eux méconnaissent les bases du droit administratif, les procédures d'élaboration des textes et l'organisation de l'administration, ce qui contribue bien souvent à des incompréhensions, voire à de la défiance. L'expertise suppose aussi d'être à même de représenter efficacement ses camarades, parce que l'on a vécu les mêmes expériences professionnelles et suivi des carrières sensiblement identiques ; bref, c'est acquérir le recul nécessaire pour parler en leur nom. Les présidents de catégories, qui connaissent bien le milieu militaire, pourraient sans doute remplir un tel rôle.
Une meilleure disponibilité des membres serait également souhaitable, afin d'assurer un dialogue plus régulier avec le ministre et son administration. La création du groupe de liaison dont j'ai parlé constitue certes une innovation satisfaisante, et réclamée depuis de nombreuses années par les membres ; elle permet un dialogue direct et quasi immédiat, sans la lourdeur du système actuel ; mais il faudrait à mon sens y associer de nouveaux dispositifs pour répondre à des besoins tels que l'élaboration des textes réglementaires soumis au Conseil. Ces textes sont examinés a posteriori deux fois par an, alors qu'il serait très utile de consulter des représentants avertis de la communauté militaire dès leur élaboration.
Enfin, le fonctionnement même de l'instance mériterait d'être revu. Le nombre de membres – 85 – me paraît trop élevé pour un travail vraiment efficace : à ce niveau de la concertation, je suis partisan de membres mieux formés et moins nombreux.
Il serait également souhaitable de rationaliser la répartition des compétences entre le CSFM et les CFM : leur organisation, strictement parallèle, gagnerait à être différenciée. Cette évolution est d'autant plus nécessaire que la création de deux nouveaux CFM est prévue pour le service d'infrastructure de la défense (SID) et le service du commissariat des armées (SCA), ce qui complexifiera encore le système.
Ce sont là des pistes sont tout à fait personnelles, les réflexions du ministère en étant au stade exploratoire. En tout état de cause, l'évolution de la concertation, prévue par le Livre blanc, me paraît une nécessité, d'autant que le système actuel n'a pas connu de changements significatifs depuis la création des CFM en 1990, et la prise en compte d'une meilleure représentation des militaires du rang suite à la professionnalisation en 1999. Nos forces armées ont pourtant vécu, en vingt ans, deux transformations majeures : la professionnalisation mais aussi son corollaire, la contractualisation. Ainsi, 63 % des militaires sont aujourd'hui des contractuels. Les militaires du rang en forment une grande partie, bien entendu, mais les contractuels représentent désormais le tiers des effectifs des officiers et sous-officiers. À mon sens, cette transformation sociologique modifiera de plus en plus les rapports à l'institution, qu'elle rapprochera insensiblement de la société civile et de ses attentes, en termes de transparence ou de communication ; aussi rend-elle nécessaire la modernisation de nos instances de concertation.