Intervention de Geneviève Roy

Réunion du 11 septembre 2013 à 17h30
Commission des affaires sociales

Geneviève Roy, vice-présidente de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, CGPME :

J'approuve totalement les propos de M. Pilliard sur plusieurs points, mais je voudrais insister sur certains aspects qui fragilisent particulièrement les TPE que nous représentons.

Cette réforme, qualifiée de « Canada Dry » par notre président Jean-François Roubaud, est très loin de garantir la pérennité des régimes, notamment celle du régime général des salariés du secteur privé. Au contraire, elle risque d'aggraver la situation, en particulier pour les régimes complémentaires.

Elle prévoit l'augmentation des prélèvements qui pèsent sur les salariés et les employeurs à travers un relèvement des cotisations de l'assurance vieillesse sur quatre ans, ce qui représente une charge supplémentaire de plus de 12 milliards, qui viendra s'ajouter aux 10 milliards de la réforme de 2012 sur les carrières longues. En définitive, en augmentant le coût du travail pour les employeurs et en diminuant le pouvoir d'achat des salariés, cet effet cumulatif nuira une fois de plus à l'emploi. Et, selon l'adage selon lequel trop d'impôt tue l'impôt, les recettes seront considérablement amoindries.

La mise en oeuvre du compte individuel de pénibilité nous inquiète au plus haut point. À la cotisation de base de l'ensemble des entreprises, s'ajoutera une surcotisation pour celles concernées par des travaux reconnus pénibles. Le coût du dispositif est estimé par le Gouvernement à 600 millions d'euros au début de sa mise en oeuvre, puis à 1 milliard en 2030 et enfin à 2,5 milliards en 2040. Cependant, faute de connaître le comportement futur des acteurs, il est à craindre que ce coût se révèle plus élevé à terme.

En pratique, les entreprises devront attribuer des points à leurs salariés en établissant tous les ans une fiche de poste. Non seulement cela alourdira les charges administratives des TPE-PME, mais cela créera des conflits avec les salariés qui pourront estimer leur travail plus pénible que ne le juge l'entreprise au regard des dix critères de pénibilité. Cette situation ouvrira une boîte à contentieux que nos entreprises seront dans l'incapacité de gérer. Par conséquent, elles refuseront d'assumer de telles charges. Un employeur pourra très bien refuser d'embaucher une personne pour un poste de nuit, le jugeant bien trop compliqué à gérer. Au final, cette situation risque d'engendrer de très importantes pertes d'emploi et de chiffre d'affaires.

Les vingt premiers points seront réservés à la formation. Mais que se passera-t-il si, après s'être formés, les salariés s'entendent dire par le chef d'entreprise qu'aucun poste ne peut leur être proposé ? L'employeur devra-t-il licencier, à sa charge, le salarié désireux de changer de poste ? Il s'agit là d'un vrai problème car vous ne pouvez pas imaginer ce que représentent pour une TPE-PME les obligations de reclassement en cas d'inaptitude !

Au surplus, cette réforme ne tient pas compte de tout ce que les employeurs ont mis en oeuvre en termes de travail de nuit et de compensations horaires et salariales. Elle est en quelque sorte une deuxième peine. La CGPME est très attachée à la prévention. Les TPE-PME ont également fait d'énormes efforts en matière de prévention de manière à améliorer les conditions de travail, en particulier en ce qui concerne le port de charges lourdes.

Ainsi, même si l'idée de la pénibilité est plaisante, le dispositif sera source de multiples contentieux, il augmentera les charges administratives des TPE-PME et alourdira leur coût du travail. Notre pays est le seul en Europe dans cette situation. Ces difficultés s'ajouteront à celle que nous connaissons déjà en raison de la directive concernant le détachement des travailleurs, qui permet à des salariés de l'Union européenne de venir travailler en France sans que leur employeur ait à s'acquitter des charges françaises. Si cette pratique prend de l'ampleur, elle sera une grave menace pour nos emplois.

La pénibilité a déjà été traitée pour les carrières longues, et le Gouvernement a souhaité élargir le dispositif. Avec cette réforme, 20 % de salariés supplémentaires vont pouvoir partir à la retraite. Ainsi, 40 % d'une classe d'âge sera exonérée du régime de droit commun. Comment parler de justice et d'équité ? Certains ont choisi de travailler la nuit, comme les « disc jockey » : se verront-ils appliquer le doublement des points pénibilité ? Bref, la mise en oeuvre du dispositif nous paraît totalement irréaliste dans les TPE-PME.

Enfin, nous regrettons que la convergence entre le public et le privé, à laquelle le président Roubaud est extrêmement attaché, n'ait pas été retenue par la réforme. Le déficit global des régimes de retraite devrait dépasser les 20 milliards en 2020, mais le Gouvernement limitera ses efforts à combler celui de 7 milliards du régime de base des salariés du privé. Si, comme on nous l'explique, il n'y a pas de différence entre le secteur privé, d'une part, et la fonction publique et les régimes spéciaux, d'autre part, pourquoi le déficit est tel pour ces deux derniers avec quatre fois moins de salariés ?

Pour nous, l'important est de relever les bornes d'âge afin d'envoyer un signal aux jeunes. Avec quarante-trois annuités de cotisations, les jeunes diplômés qui entreront sur le marché du travail à vingt-cinq ans ne pourront pas partir avec une retraite à taux plein à soixante-deux ans. Ce ne sont pas les jeunes qui ont créé les déficits, c'est ma génération. Il serait donc juste que celle-ci participe davantage à l'effort collectif par l'augmentation de l'âge d'ouverture de ses droits à la retraite.

Les annonces faites le 27 août et transcrites dans le projet de loi donnent l'impression d'une fuite en avant. Si notre pays ne prend pas ses responsabilités, le régime par répartition, auquel la CGPME est très attachée, disparaîtra purement et simplement. Si nous ne parvenons pas à prendre les bonnes mesures capables de mettre fin au déficit, nous devrons renoncer au régime par répartition au profit d'un système par capitalisation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion