Intervention de Yann-Hervé de Roeck

Réunion du 3 octobre 2012 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Yann-Hervé de Roeck, directeur général de France énergies marines :

France énergies marines n'est pas un syndicat mais un institut d'excellence en matière d'énergies décarbonées (IEED). Ce label lui a été octroyé en mars 2012. Les trente membres de l'association – en attendant un conventionnement – proviennent des secteurs privé et public ; ils travaillent à la conception d'un centre de recherche capable de débloquer les verrous technologiques, environnementaux et sociétaux qui freinent le développement des énergies marines renouvelables. Nous développons aussi des centres d'essais pour la validation et la certification de systèmes qui sont, pour l'heure, au stade de prototypes. Le Royaume-Uni, l'Irlande et l'Espagne – nos concurrents – élaborent également des programmes de déploiement de ces énergies. Un centre de ressources a été ouvert à la profession pour des actions de formation, cette filière disposant de fortes capacités de création d'emplois dans des métiers nouveaux.

Les établissements privés participant à notre partenariat représentent les principaux acteurs de ce secteur. Ces entreprises sont à la fois de grands groupes – Alstom, Areva, DCNS, STX, Technip, EDF – et des PME. Les pôles de compétitivité mer et Capénergies sont à nos côtés, tout comme six régions, dont La Réunion.

Les énergies marines sont les énergies physiques de la mer. Elles comprennent l'éolien, dont les premières installations en mer auront lieu en 2016 ou 2017. L'expérience de l'Europe du nord est mobilisée mais des interrogations subsistent, d'où la phase actuelle – qui devrait durer dix-huit mois – de levée de risques sur l'appel d'offres déjà lancé.

L'éolien en mer flottant est une perspective encore plus attrayante pour la France : notre plateau continental est relativement court, mais nos eaux territoriales et notre zone économique exclusive (ZEE) nous permettent de nous éloigner du littoral et de bénéficier des connaissances des industries navale et pétrolière.

S'agissant de l'énergie marémotrice, la France en a longtemps été le leader mondial grâce à son usine de la Rance – dont la puissance installée vient d'être supplantée par la Corée du Sud. Du fait de son impact sur la biodiversité des estuaires, lui est aujourd'hui préférée l'exploitation des courants en mer ouverte, qui permet la production d'énergie hydrolienne.

La récupération de l'énergie des vagues, le houlomoteur, est également une source à fort potentiel. Comme pour l'hydrolien, la France métropolitaine dispose de la deuxième ressource virtuelle en Europe. L'outre-mer offre également des possibilités – à l'embouchure des atolls, par exemple.

L'énergie thermique des mers – qui, le jour où de l'énergie sera transportée sur de grandes distances, pourrait produire des dizaines de térawatts par heure – est une source d'avenir potentiellement très importante pour la France grâce à sa ZEE, la deuxième mondiale. Les pompes à chaleur permettent de recourir à cette énergie en zone tempérée ; ainsi, un quartier de La Seyne-sur-Mer et la ville de Stockholm l'utilisent pour leur chauffage collectif.

Il faut savoir que, en ce domaine, la base industrielle française est forte – l'industrie navale doit se reconvertir –, que des grands groupes industriels se sont développés à partir de l'industrie pétrolière en mer et que des énergéticiens investissent déjà dans des installations de ce type. Des consortiums ont vu le jour.

Pour ces types d'énergies, qui sont encore chères, l'effort doit porter sur le lancement de la filière et sur l'innovation. Ainsi, le coût élevé du mégawatt installé dans l'hydrolien et l'houlomoteur se situe dans une fourchette comprise entre quatre à cinq millions d'euros. En 2015, le prix du mégawatt-heure devrait s'élever à 200 euros.

Ce montant atteint 400 euros pour l'énergie thermique des mers. À titre de comparaison, la production d'énergie thermique revient à 600 ou 700 euros le mégawatt-heure dans les îles d'accès difficile des zones intertropicales. Là, le prix est déjà compétitif.

En ce qui concerne l'éolien posé sur la mer et l'éolien flottant, leur montant respectif, en 2020, devrait atteindre 170 et 200 euros le mégawatt-heure.

Les objectifs de coût devraient être atteints par les effets d'échelle et les retours d'expérience des différents modes de production d'énergie marine au sein des grands groupes tels que DCNS, Alstom, EDF ou GDF – l'expérience de l'éolien posé en mer étant ensuite transféré à l'éolien flottant puis à l'hydrolien et, en enfin, à l'houlomoteur et à énergie thermique marine.

Quels sont nos souhaits d'actions publiques ? Nous souhaitons la création de guichets uniques pour les principales autorisations : c'est nécessaire afin d'unifier les pratiques de l'administration et de répondre à la complexité du droit maritime. Cette création devrait s'accompagner de la simplification des procédures pour la conduite de projet. Des appels d'offres ouverts aux autres types d'énergie marine que l'éolienne devraient être lancés. L'élaboration d'une véritable feuille de route devrait comporter un zonage exhaustif, un mode de déploiement et une tarification. La question de l'extension de la réglementation aux eaux territoriales doit être tranchée par le Conseil d'État.

L'effort d'innovation doit être amplifié : un premier appel à manifestation d'intérêt de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise d'énergie (ADEME) n'a représenté que quelques dizaines de millions d'euros et ne concernait que cinq démonstrateurs : deux pour l'hydrolien, deux pour l'éolien flottant, un pour le houlomoteur. Il y a de la place pour de nouveaux concepts, notamment celui de fermes comportant plusieurs machines.

Enfin, la compétition énergétique étant mondiale, une stratégie européenne est requise. Le Royaume-Uni dispose d'ailleurs d'une avance en matière d'hydrolien et l'Irlande nourrit de grandes ambitions pour l'houlomoteur grâce à son long plateau continental. Mais il faut savoir que tous les prototypes qui ont pu être inventés pour l'hydrolien ou pour le houlomoteur sont déjà clonés dans les universités chinoises.

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