Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des lois, monsieur le président de la délégation aux outre-mer, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer est un texte nécessaire. Aujourd'hui, les outre-mer sont vivement frappés par des seuils de pauvreté plus importants que dans l'hexagone, alors que le coût de la vie y est bien supérieur.
Ainsi, selon une étude de l'INSEE, le revenu médian des ménages dans les DOM est inférieur de 38 % à celui des ménages dans l'hexagone. La moitié de nos populations vivent, du moins survivent, avec des ressources inférieures au seuil de pauvreté national. Ce pourcentage est de 24 % sur le sol hexagonal. Dans le même temps, l'INSEE soulignait que le niveau moyen des prix était supérieur de 6 % 13 % dans les DOM et de 34 % à 49 % pour les seuls produits alimentaires. Concrètement, cela signifie qu'avec des revenus inférieurs, nos familles doivent payer plus cher pour se nourrir et nourrir leurs enfants. Ces écarts n'ont cessé de se creuser, quasiment dans l'indifférence de la République.
Ce projet de loi arrive donc à point nommé, alors que les territoires ultramarins ont été plus durement frappés que l'hexagone par la crise économique, qu'ils sont secoués depuis 2009 par des revendications sociales fortes, et que les résultats des élections présidentielle et législatives de 2012 ont suscité un vif espoir.
Les « Trente engagements pour les outre-mer » du candidat François Hollande ont témoigné de sa ferme volonté d'inscrire durablement les collectivités ultramarines dans la République, loin des stigmatisations et des préjugés dont celles-ci souffrent trop souvent. Les promesses du candidat étaient nombreuses et je ne peux que me réjouir de voir le chef de l'État tenir certaines d'entre elles dès à présent. Le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer répond à l'urgence ressentie dans nos territoires face à la vie chère.
La cherté de la vie s'explique certes par les caractéristiques structurelles de nos territoires ultramarins, comme l'éloignement des réseaux d'approvisionnement, l'isolement, l'insularité et l'étroitesse des marchés. Tous ces facteurs sont à l'origine de dysfonctionnements de ces marchés et entravent le libre jeu de la concurrence. Mais il y a aussi des taux de concentration élevés qui illustrent la domination d'une poignée d'entreprises dans chaque secteur en même temps qu'ils témoignent des difficultés de nouveaux acteurs à entrer sur le marché. Outre-mer, l'oligopole et le monopole sont quasiment la règle.
En 2009, nos concitoyens ultramarins ont ainsi poussé un cri d'alerte, de frustration et de désespoir. En Guadeloupe, à l'appel du collectif LKP, des milliers de nos concitoyens sont descendus dans la rue pour manifester contre la cherté de la vie, relayés bientôt par les populations de Martinique, de Guyane, de Mayotte et de La Réunion. Je sais aussi combien la situation est difficile dans le Pacifique et combien nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis et Futuna souffrent de cette situation insupportable.
Or ce projet de loi est animé d'une volonté de changement. Il ne s'agit pas, pour une énième fois, d'en rester aux soins palliatifs comme le faisait la LODEOM. Porteuse d'espoir, cette loi apportait des solutions à la cherté de la vie qui étaient en fait bricolées dans l'urgence. Elles n'ont pas eu les effets escomptés. La meilleure preuve en est la poursuite des contestations. L'année 2011 a été émaillée d'importantes manifestations dans les collectivités du Pacifique, tandis que les DOM ont à nouveau été secoués au cours de l'année 2012. Aujourd'hui, nos concitoyens ultramarins attendent des solutions efficaces et pérennes.
C'est parce qu'il l'a bien compris que le Président de la République, dans sa campagne, a dépassé la stigmatisation dont ces territoires sont trop souvent l'objet et s'est engagé à y favoriser la concurrence. Dans le cinquième de ses trente engagements, il a affirmé sa volonté de « lutter contre les monopoles et les marges abusives par le renforcement des instances de contrôle ainsi que des observatoires des prix et des revenus et par l'encouragement de la concurrence en luttant contre les accords d'exclusivité. »
Le diagnostic est donc clair. Les outre-mer souffrent d'un déficit de concurrence. La représentation nationale doit les accompagner dans le cadre de réformes structurelles plutôt qu'en apportant des remèdes complexes et ponctuels. Ce projet de loi opère donc un changement profond. Il abandonne les ressorts habituels de l'action publique centrés sur l'encadrement systématique des prix au profit d'outils novateurs permettant de modifier les processus de formation des prix. En somme, on privilégie désormais l'amont sur l'aval.
Ainsi, le projet de loi s'attaque aux situations acquises, aux monopoles et aux oligopoles en privilégiant la négociation et l'échange plutôt que la réglementation à outrance. Il s'agit de remédier aux distorsions de concurrence afin de permettre à tous les acteurs de s'émanciper. À l'heure actuelle, ces distorsions accroissent le coût de la vie ; elles enlèvent à nos familles leur dignité lorsqu'elles ne peuvent se nourrir ni payer leur loyer ou encore leur facture d'eau et d'électricité ; elles empêchent nos entreprises d'exporter, décourageant l'esprit d'entreprise et affectant la rentabilité de certaines d'entre elles.
La commission des affaires économiques de l'Assemblée a adopté ce projet de loi sans enregistrer le moindre vote défavorable, ce qui témoigne de l'engagement de chacun auprès des territoires ultramarins. Je vous remercie par avance, mes chers collègues, de soutenir sur tous les bancs cette initiative courageuse.
Courageux ne veut cependant pas dire dogmatique. Pour élaborer ce projet de loi, le Gouvernement a tenu à entendre toutes les parties et à voir sur le terrain quelle était la réalité de la situation, ce qui fonctionnait et ne fonctionnait pas. C'est pour cette raison que le ministre des outre-mer, Victorin Lurel, a visité nos collectivités ultramarines depuis l'élection. Je l'en remercie vivement.