Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la nouvelle délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd'hui saisie, en première lecture, du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer, adopté par le Sénat le 28 septembre 2012. Cela doit être vécu comme une fierté pour nos compatriotes ultramarins de voir le Parlement se saisir en toute priorité, et en début de législature, des questions qui les concernent au quotidien.
Le 3 octobre dernier, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des articles dont elle s'était saisie pour avis, à savoir les articles 1er à 5, 7 bis B, 8, 9, 10, 11, 11 bis et 11 ter.
Ce texte, tel qu'il ressort des travaux de la commission des lois et de ceux de la commission des affaires économiques – je tiens à cet égard à saluer l'excellent travail de sa rapporteure, Mme Ericka Bareigts –, a vocation à améliorer durablement et efficacement les conditions de vie de nos concitoyens d'outre-mer. Il regroupe, dans cette perspective, deux séries de dispositions : la première concerne la restauration du libre jeu concurrentiel dans les outre-mer ; la seconde consolide la législation qui y est applicable.
Le chapitre Ier comporte un ensemble de dispositions dont l'objet est de renforcer le libre jeu de la concurrence dans les outre-mer afin d'y faire baisser les prix.
Depuis 2009, les outre-mer ont été secoués par des crises sociales, parfois violentes, souvent très dures, qui ont eu pour facteur de déclenchement la cherté de la vie, notamment des produits alimentaires.
Dans son avis du 8 septembre 2009 sur le commerce de détail outre-mer, l'Autorité de la concurrence estimait ainsi que les écarts de prix en magasin avec la métropole étaient supérieurs de 55 % pour plus de 50 % des produits retenus pour l'enquête. L'INSEE a confirmé cette analyse dans une enquête de 2010, qui a mis en évidence des écarts de prix de 34 % à 49 % pour les produits alimentaires.
Plusieurs facteurs permettent d'expliquer ce niveau élevé des prix dans les territoires ultramarins. On peut citer l'éloignement et l'insularité ainsi que l'étroitesse des marchés. Ces facteurs, bien que fondamentaux, ne sont toutefois pas les seuls qui permettent d'expliquer cette situation. Il faut également tenir compte de l'insuffisance structurelle de concurrence entre les opérateurs économiques locaux.
Confrontées à une telle situation, nos collectivités ultramarines ont besoin de nouveaux outils afin de combattre la vie chère et de restaurer le libre jeu de la concurrence.
L'article 1er prévoit ainsi d'autoriser le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements des marchés de gros, dans les secteurs où le libre jeu de la concurrence est entravé.
L'article 2 vise à interdire les accords qui ont pour objet ou pour effet de donner des droits exclusifs d'importation à un opérateur, sauf lorsque ces droits sont justifiés « par des motifs objectifs tirés de l'efficacité économique au bénéfice des consommateurs », ce qui est rarement le cas.
L'article 3 du projet de loi permet aux régions et aux autres collectivités d'outre-mer détenant une compétence économique, comme le nouveau département de Mayotte, de saisir l'Autorité de la concurrence des pratiques anticoncurrentielles qui concernent leur territoire.
L'article 4 abaisse de 7,5 millions d'euros à 5 millions d'euros le seuil prévu pour le contrôle des concentrations dans le commerce de détail outre-mer afin de contrôler la plupart des opérations portant sur des surfaces de vente supérieures à 600 mètres carrés.
L'article 5 confère à l'Autorité de la concurrence un pouvoir d'« injonction structurelle » en matière de commerce de détail, pour l'outre-mer, en cas de position dominante détenue par une entreprise ou un groupe d'entreprises soulevant des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés – j'insiste sur le mot « élevés ». L'Autorité de la concurrence pourra enjoindre à l'entreprise ou au groupe d'entreprises concerné de modifier, de compléter ou de résilier, tous accords et tous actes par lesquels s'est constituée la puissance économique permettant ces pratiques. En dernier recours, s'il s'agit du seul moyen permettant de garantir une concurrence effective, elle pourra même les forcer à céder des actifs. Il s'agit d'une disposition très novatrice, dont la rédaction a été améliorée grâce aux initiatives de la commission des lois et de la commission des affaires économiques.
Je me félicite enfin que ces deux commissions aient conjointement décidé de supprimer l'article 7 bis B qui créait un comité de suivi, un de plus, chargé d'évaluer l'application du projet de loi. L'opportunité et la pertinence de créer un nouveau comité de suivi ad hoc dédié à la seule évaluation de l'application du présent texte étaient en effet loin d'être avérées d'autant que cette évaluation relève de notre propre mission.
Les dispositions contenues dans le chapitre II du présent projet de loi ont un double objectif.
Il s'agit, en premier lieu, de poursuivre l'extension de la législation dans les départements d'outre-mer, et particulièrement à Mayotte dans le cadre de la mise en place de la départementalisation de cette collectivité.
L'article 9 habilite à cet effet le Gouvernement à étendre et à adapter, dans cette collectivité, la législation de droit commun, notamment en matière d'entrée et de séjour des étrangers.
Cette dernière habilitation est rendue nécessaire par l'accès de Mayotte au statut de RUP, région ultrapériphérique de l'Union européenne, ce changement de statut nécessitant évidemment une reprise de l'acquis communautaire en matière de droit de l'entrée et du séjour des étrangers. Le Sénat avait souhaité mieux encadrer cette habilitation, en lui donnant pour finalité de créer un nouveau visa applicable à Mayotte, à la place du visa actuel, dit « visa Balladur ». Cet ajout posait problème, car il restreignait le champ de l'habilitation à ce visa, alors que la modification devra nécessairement porter sur d'autres sujets, tels que l'adaptation aux deux directives européennes évoquées. À mon initiative, une rédaction alternative a été adoptée : l'objectif assigné à l'habilitation est désormais de « définir des conditions mieux adaptées au défi migratoire ». Chacun d'entre vous sait l'actualité souvent dramatique de cette question.
Au-delà des habilitations conférées en amont au Gouvernement pour étendre la législation dans le département de Mayotte, l'article 11 du présent projet de loi procède, en aval, à la ratification de vingt-six ordonnances. Sur ces vingt-six ordonnances, sept relèvent de la compétence de la commission des lois et pour chacune d'elles, j'ai observé que le délai d'habilitation, le champ de cette dernière ainsi que le délai de dépôt du projet de loi de ratification étaient respectés par le Gouvernement.
Il s'agit, en second lieu, de mettre en oeuvre des dispositifs propres aux départements et aux collectivités d'outre-mer.
Dans cette perspective, l'article 8 exonère les départements d'outre-mer ainsi que les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin de l'obligation qui leur est actuellement faite de financer au moins 20 % des projets d'investissement dont ils assurent la maîtrise d'ouvrage. Cette exonération permettra demain de mieux prendre en compte les difficultés budgétaires chroniques de ces collectivités et leurs besoins d'équipements sensiblement plus élevés qu'en métropole.
L'article 10 vise à homologuer les peines d'emprisonnement prévues dans la réglementation de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française. Pour chacune des peines que nous sommes invités à homologuer aujourd'hui, je constate que les exigences constitutionnelles et organiques, que je viens de présenter, sont toutes respectées.
Pour conclure, mes chers collègues, je vous rappelle que le présent projet de loi met en place de nouveaux outils afin de combattre efficacement la vie chère dans les outre-mer. Les attentes de nos concitoyens vivant outre-mer sont si fortes dans ce domaine que nous nous devons de poursuivre notre mobilisation sur ce sujet. Pour toutes ces raisons, je ne peux que vous inviter, sur tous les bancs, à adopter le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe GDR.)