Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs, les raisons qui nous conduisent à nous réunir aujourd'hui ont déjà été développées dans les interventions précédentes.
Nos outre-mer sont d'abord des micromarchés insulaires, avec ce que cela suppose de difficultés à y accéder pour les opérateurs économiques, mais aussi pour les produits. Qui plus est, ces micromarchés sont éloignés de leurs zones d'approvisionnement, ce qui nous conduit à supporter des coûts de transport et de fret significatifs. De plus, un certain nombre de groupes se sont constitué, au fil du temps, des positions dominantes, ce qui les donne une marge de manoeuvre de plus en plus importante pour décider de leur prix. Nos populations, captives sur leurs îles, en subissent les conséquences ; elles souffrent chaque jour davantage du coût de la vie, avec des revenus particulièrement faibles – j'y reviendrai – si on les compare à ceux de la métropole.
Oui, la vie est plus chère dans nos outre-mer – 55 % plus chère pour plus de la moitié des produits que l'on trouve dans la grande distribution. Eh oui, c'est incroyable ! Disons-le donc, répétons-le et faisons en sorte que ce constat soit entendu partout : la moitié des produits sont 55 % plus cher.
Un rapport de l'INSEE précise également que les produits alimentaires sont plus chers de 35 % à 50 % dans l'ensemble de l'outre-mer. Voilà ce qu'est la réalité de la vie dans nos outre-mer ; voilà ce que subissent nos populations. Aucun observatoire au monde, y compris celui que va créer cette loi, ne pourra nous dire le contraire, sauf si le texte produit les beaux fruits, gros et nombreux, que nous en attendons.
La cherté de la vie dans les DOM ayant été largement évoquée, je me contenterai de traiter du problème dans mon territoire, la Nouvelle-Calédonie, et dans le Pacifique. Là-bas, nous avons mieux qu'un observatoire des prix et des revenus, mieux qu'un rapport de l'INSEE, mieux qu'une étude de l'Institut d'émission d'outre-mer, mieux que le Comité consultatif du secteur financier, mieux que l'Observatoire des tarifs bancaires : nous avons l'« indice Big Mac ». (Sourires.)
Cet indice a été développé dans cinquante pays dans le monde. Il est pertinent, parce que certains paramètres locaux s'y retrouvent, qu'il s'agisse du coût du travail salarié sur ce produit manufacturé – qui se compose, de plus, de produits agricoles –, ou du coût de l'énergie et de l'immobilier commercial, qui sont répercutés sur le prix final. Sachez donc que le Big Mac calédonien est le cinquième Big Mac le plus cher du monde – titre de gloire dont on se passerait –, derrière les Big Mac norvégien, finlandais, suédois et danois et devant le Big Mac de Polynésie française – il n'y a pas de Mac Donald's à Wallis-et-Futuna. Une autre étude publiée par l'UFC-Que Choisir montre également que les prix sont de 50 % plus élevés outre-mer. Oui, la cherté de la vie dans l'ensemble de l'outre-mer, et dans le Pacifique en particulier, est une réalité.
Nos revenus sont-ils pour autant 50 % plus élevés, afin de nous permettre d'absorber le coût de la vie ? Non, les revenus médians dans les DOM sont en moyenne 38 % inférieurs à ceux de la métropole. En Nouvelle-Calédonie, 17 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 600 euros par mois. En province Nord, les revenus moyens d'un ménage sont de 1 900 euros. Dans la province des Iles, ils sont de 1 600 euros, la moitié de la population vivant avec moins de 1 000 euros par mois. La Polynésie française connaît également une grave crise et c'est dans tout le Pacifique, comme dans le reste de l'outre-mer, que les revenus sont inférieurs à ceux de la métropole. Vous le savez, le PIB par habitant dans les DOM est inférieur de 30 % à 40 % aux chiffres constatés en métropole.
Il est donc légitime de se demander comment nos populations sont restées calmes aussi longtemps, comment elles ont pu faire preuve d'une telle sérénité face à une vie aussi difficile. Le couvercle a fini par sauter, de manière différente selon les endroits. En Nouvelle-Calédonie, une intersyndicale s'est constituée et près de 25 000 Calédoniens ont marché pour dénoncer la cherté de vie. Des accords économiques et sociaux ont finalement été signés avec les principaux partis politiques du pays pour que des réformes en profondeur soient engagées.
La première raison de cette vie chère, c'est l'insuffisance de la concurrence, moribonde dans nos territoires. Ce texte pourrait lui insuffler un peu de vie, mais il ne produira ses effets qu'à moyen et long termes. En effet, il s'accorde mal au temps médiatique, sa vocation étant avant tout structurelle.
Oui, les positions dominantes sont un handicap. L'Autorité de la concurrence, dans son rapport du 8 septembre 2009, indiquait que dans les DOM, un certain nombre de groupes de la grande distribution disposaient à l'échelle départementale, régionale ou d'une zone de chalandise de plus de 40 % des parts de marché. En Nouvelle-Calédonie, les deux principaux groupes contrôlent 85 % des parts de marché du Grand Nouméa, où vivent les trois-quarts de la population. En Polynésie française, la situation est plus grave encore. Sur nos îles, le duopole, le monopole, l'arrangement collusif ou les petits arrangements entre amis sont habituels à tous les étages de nos économies et contribuent fortement à la cherté de la vie.
Les nouveaux outils mis en place par le Gouvernement ne doivent pas faire abandonner ceux d'hier. J'ai entendu des critiques injustes à l'égard de la LODEOM, et je le regrette car les débats étaient extrêmement constructifs en commission. Cette loi – qui n'est pas abrogée, ce qui tend à prouver qu'elle n'est pas sans qualités – a créé des outils pour le développement économique : des zones franches d'activité, dont l'intérêt s'est peut-être tari depuis la réforme de la taxe professionnelle, la création d'aides au fret, d'aides à la rénovation hôtelière, une défiscalisation orientée plus particulièrement vers le logement social. Le premier article, qui prévoyait l'encadrement des prix, même s'il a été corrigé é – à juste titre – par le Sénat, pourrait être opérationnel. Il y avait, dans cette loi, de quoi dynamiser l'économie de nos territoires. Il faut tirer le bilan de ce texte, que certains d'entre vous ont adopté, et, le cas échéant, l'améliorer.
Le texte que nous examinons ce soir abaisse le seuil de contrôle des opérations de concentration de 7,5 millions à 5 millions d'euros. Les OPR sont confortés ; mis en place en 2007, ils seront enfin opérationnels dès lors qu'ils seront dotés des moyens humains et financiers nécessaires. L'injonction structurelle, arme de dissuasion massive qui a vocation à ne pas être utilisée, devra l'être lorsqu'un groupe en position dominante pratiquera des marges ou des prix élevés par rapport à des moyennes constatées dans un même secteur d'activité. Que l'Autorité de la concurrence puisse obliger le groupe à céder une part de ses actifs peut être perçu comme une procédure violente, mais c'est la condition pour que nous retrouvions un peu de cette concurrence qui nous fait aujourd'hui tant défaut.
Je remercie la commission et le Gouvernement d'avoir accepté un certain nombre d'amendements que j'ai déposés au nom du groupe UDI. Le premier, qui vise à plafonner les frais bancaires en Nouvelle-Calédonie, sera, je l'espère, étendu à la Polynésie française au cours de la séance de demain. Comme le montre l'Observatoire des tarifs bancaires, les tarifs pratiqués en Nouvelle-Calédonie sont jusqu'à 10 fois plus élevés que ceux constatés en métropole. Un autre amendement permet d'étendre le champ d'application de la loi Mermaz de 1989 pour protéger les locataires. Enfin, les victimes dans le statut civil coutumier Kanak pourront désormais bénéficier d'une indemnisation dans le cadre d'un procès pénal grâce à un amendement adopté par la commission. De leur part, merci.
Le groupe UDI votera cette loi. J'espère que demain, nous pourrons ensemble nous féliciter du travail effectué. Même si c'est sur le terrain qu'une loi connaît le baptême du feu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI, du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)