Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 17 septembre 2013 à 21h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille, président :

Je remercie le président-rapporteur de sa présentation et, à travers lui, l'ensemble des membres de la mission ayant mené avec diligence ce travail pendant l'été. Je me permettrai quelques remarques, mais je me retrouve parfaitement dans ce qui vient de nous être dit et dans les conclusions du rapport, notamment sur la mobilisation des acteurs dont les missions locales. Vous avez remarqué les inégalités de démarrage et de montée en charge du dispositif. Je suis les statistiques de près, l'application du dispositif est en train de s'égaliser sur tout le territoire. Vous avez pointé la situation particulière de l'Île-de-France et la difficulté de structuration, entre autres, des missions locales, difficulté liée non pas aux personnes mais à l'ampleur de l'intervention qui concerne un bassin de dix millions d'habitants et quatre-vingts missions locales. Or, on constate la réussite des dispositifs de proximité, d'où le succès dans le monde rural où tout le monde se connaît, comme le montre le classement des départements. Mais à l'échelle d'un département, la même répartition inégale peut s'observer. Mon département de l'Indre-et-Loire comporte une grande agglomération centrale et des zones rurales. Les missions rurales sont toutes mobilisées, mais la plus rurale, celle du Lochois, a déjà réalisé ses objectifs à 100 %, alors que celle de l'agglomération a d'importants résultats en chiffres absolus, mais n'atteint, en valeur relative, que 60 % de l'objectif fixé. Ces disparités se retrouvent donc partout. Je voulais souligner également la pertinence de la cible : le Gouvernement a eu raison de maintenir le dispositif en direction des jeunes peu ou pas qualifiés. Assistant à un certain nombre de petites cérémonies collectives de signature de contrats en présence de la presse locale, j'ai pu constater que les personnes concernées ne sont pas celles qu'a perçues le grand public ou certains employeurs. Il ne s'agit pas des jeunes en plus grande difficulté mais des jeunes qui ont un petit bagage, qui ont suivi, peu ou pas jusqu'au bout, une formation. Ils ont connu une forme d'emploi, pour la plupart, mais connaissent une grande précarité. On constate leur satisfaction d'avoir là devant eux une perspective de trois ans, ou d'un an renouvelable jusqu'à trois ans.

Le premier enjeu est l'accompagnement, alors que, comme le ministre l'a souligné, le taux de rupture n'est que de 3 %, très en-deçà, donc, de celui observé pour ce type de dispositifs, notamment destiné aux jeunes, pour lequel il est généralement de 10 %. Il faudra suivre plus précisément les emplois dans le secteur marchand, où le taux de rupture semble plus important.

Le second enjeu est celui de la formation. Il faut toutefois rappeler que les emplois d'avenir ne sont pas un dispositif de formation par alternance, même s'ils permettent d'obtenir des formations qualifiantes. Il s'agit d'un dispositif nouveau qui suppose la mobilisation des personnels qui font l'accompagnement, mais aussi des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) qui proposent l'offre de formation, ce qui me semble une excellente idée. Ces instruments d'accompagnement sont en train de se mettre en place sous l'impulsion des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et des régions.

Le retard observé dans les ZUS constitue une surprise, alors même que nous avions intuitivement parié que ce serait là que le dispositif aurait le plus de succès, puisque s'y trouvait le public concerné, et pour lesquelles les objectifs fixés avaient été très renforcés Il y a des décalages importants entre les attentes et les résultats. Certes, le nombre de jeunes des ZUS en emploi d'avenir correspond au nombre de ceux inscrits dans les missions locales, il n'y a donc pas effondrement du nombre des bénéficiaires dans les ZUS. Mais l'objectif était d'y faire beaucoup plus, de doubler ce nombre, d'autant plus que des dérogations étaient mises en place en matière de qualification. Il convient donc de s'interroger sur ce fonctionnement insuffisant du dispositif.

Il me semble qu'il faut insister sur les problèmes rencontrés avec les « gros employeurs », notamment les grosses collectivités, les centres hospitaliers importants. Il existe une frilosité à l'égard du public concerné. Là aussi, un autre public était imaginé, des informations erronées ont circulé sur les différents réseaux des directions des ressources humaines de ces grosses structures. Elles sont par ailleurs amenées à mettre en place, pour entrer dans le dispositif, des protocoles lourds qui en retardent l'application pratique.

S'agissant des préconisations, je m'y retrouve. Je ne me prononce pas sur la structuration des réseaux des missions locales, problème délicat, même si nous connaissons tous les difficultés de la région Île-de-France. La proposition n° 5 porte sur les questions, très techniques, des systèmes informatiques. Pour le moment, Pôle emploi et le réseau des missions locales disposent de systèmes différents : s'il est souhaité d'y remédier, il faut donc le faire savoir maintenant, cette alerte est donc nécessaire. La dématérialisation est une bonne chose mais les équipes intéressées ont dû vous faire remarquer qu'en pratique, le système papier permet un résultat en vingt-quatre heures alors que la procédure dématérialisée demande quinze jours, d'où certains retards statistiques observés. Il convient enfin, effectivement, d'introduire une certaine souplesse, pour lutter contre ce que vous appelez « l'effet de trottoir ».

Il est nécessaire de redéfinir les objectifs pour les ZUS : l'objectif global y est de 20 % des emplois d'avenir prescrits. Il est possible de fixer un objectif là où ces zones existent, mais, si elles sont absentes, par définition, aucun objectif ne peut être fixé. Il faut donc, me semble-t-il, recaler le dispositif pour obtenir les 20 % au niveau national.

Ma seule réticence porte sur la proposition n° 15, qui prévoit que les écoles de la deuxième chance (E2C) et l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) soient prescripteurs. Ils ont effectivement leur rôle à jouer, mais ce sont plutôt des dispositifs de formation et non pas d'accompagnement. Je ne crois pas que le réseau des E2C soit demandeur, mais le débat aura lieu, je n'en doute pas.

Vous pointez également, monsieur le président-rapporteur, les difficultés d'accès aux formations du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) dans la proposition n° 23, en particulier lorsque la formation ne figure pas dans le « catalogue » des formations proposées, la prise en charge de celles-ci incombant alors complètement à la commune, ce qui a sans doute contribué à la frilosité des services des ressources humaines des collectivités territoriales.

Je donne la parole à notre collègue Monique Iborra, également membre de la mission, qui va s'exprimer au nom du groupe SRC.

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