S'agissant de l'objectif des 100 000 emplois d'avenir, il me semble que l'évaluation de l'objectif fixé par le Gouvernement est du rôle de la mission : il est normal que la représentation nationale contrôle l'action publique.
J'ai ensuite toujours eu le souci de ne pas opposer employeurs publics et employeurs privés, action publique et action privée. Notre majorité défend l'idée d'un État stratège en matière de politique industrielle, ce qui ne signifie pas qu'elle est opposée à l'initiative privée, et s'agissant des emplois d'avenir, dans l'attente que les objectifs macroéconomiques soient atteints, il n'est pas absurde que des possibilités nouvelles d'emplois soient offertes à ces jeunes par le secteur marchand.
L'objectif quantitatif fixé par le Gouvernement pour les emplois d'avenir est important, car, et cela, j'en suis convaincu, c'est lui qui nous permet d'amorcer l'inversion de la courbe du chômage des jeunes. Rappelons-nous le scénario de 1997 : ce sont les emplois-jeunes qui ont permis d'enclencher le retour de la dynamique de croissance. Je suis persuadé que, sans les emplois d'avenir, nous n'aurions pas assisté à l'inversion de la courbe du chômage des jeunes à laquelle nous assistons depuis le mois de mai : le nombre des demandeurs d'emploi de cette tranche d'âge est depuis cette date, passé de 560 000 à 550 000 et, pendant ce temps-là, 40 000 emplois d'avenir étaient signés.
Mais cet objectif quantitatif, pour important qu'il soit, ne doit pas occulter les exigences qualitatives du dispositif : je considère, pour répondre à M. Tian, que l'on ne peut pas affirmer que cette dimension qualitative est laissée de côté, quand 87 % des jeunes recrutés en emploi d'avenir ont un diplôme inférieur au baccalauréat. Il s'agit, au contraire, d'une véritable réussite.
Monsieur Cherpion, je n'ai jamais opposé le secteur public et le secteur privé : j'ai toujours dit, dans le cadre des débats parlementaires, que la force des emplois d'avenir, c'était de mêler le secteur marchand et le secteur non marchand, les emplois d'avenir classiques avec les emplois d'avenir professeur. Pourquoi ? Parce que c'est cela qui fait que le dispositif n'est pas stigmatisant comme le sont souvent les contrats aidés. Les jeunes en emploi d'avenir le ressentent ainsi : ils ont l'impression d'être valorisés par leur emploi. Cela ne revient pas à nier le débat sur le degré d'ouverture au secteur marchand que nous avons eu lors des discussions sur le projet de loi et, ensuite, au sein de la mission.
S'agissant des chiffres de l'apprentissage, il faut avant tout rappeler qu'il existe une forte cyclicité de l'apprentissage, avec généralement des entrées nombreuses constatées aux mois de septembre et d'octobre : on ne peut donc en réalité que comparer les chiffres des mêmes mois d'une année sur l'autre et non pas évaluer ces chiffres en glissement. À ce stade, pour les chiffres dont nous disposons, qui concernent les entrées en apprentissage en mai, juin et juillet 2013 par rapport aux mêmes mois de 2012, on ne constate aucun repli. Il conviendra de poursuivre cette évaluation par la suite, lorsque nous aurons plus de recul. Mais, en tout état de cause, les jeunes rencontrés par la mission ne semblent pas avoir hésité entre l'apprentissage ou un emploi d'avenir ; autrement dit, ce ne sont pas les mêmes publics qui sont susceptibles d'entrer en apprentissage ou d'être recrutés en emploi d'avenir.
Concernant la durée des contrats évoquée par Mme Louwagie, j'ai dit que la part des CDI et des CDD de trois ans est de 57 % : en effet, au sein de cet ensemble, la part des CDI ne représente que de l'ordre de 10 % des contrats, mais cette proportion est en réalité peu parlante, car les collectivités territoriales et les personnes publiques en général ne peuvent recruter sous la forme d'un CDI. Si l'on se réfère au secteur marchand, ce sont de l'ordre de 65 % des contrats qui sont conclus à durée indéterminée. La durée du contrat, même quand elle est d'un an, n'est pas ressentie comme un handicap par les jeunes, même si la mission considère que des marges de progression demeurent sur ce critère de la durée du contrat et a réfléchi à un système de bonus-malus concernant l'aide financière, qui inciterait à conclure des contrats longs et serait moins incitative pour les contrats plus courts.
S'agissant des emplois d'avenir professeur évoqués par plusieurs collègues, j'ai défendu le dispositif depuis le début, parce qu'il n'y a en effet pas assez de jeunes issus de milieux modestes qui accèdent aux carrières de l'enseignement. L'objectif était de 6 000 : je précise qu'il s'agissait en réalité de 4 000 emplois pour le premier semestre 2013 et de 2 000 emplois complémentaires pour le second semestre 2013, l'année universitaire n'étant pas calée sur l'année civile. Au premier semestre, 80 % de l'objectif fixé a été atteint. Le dispositif a connu des difficultés au début, car les recteurs ont tous cherché à limiter le recrutement aux seules disciplines prioritaires ; dans un second temps, ils ont procédé à un élargissement. Le ministre de l'éducation nationale n'a pas pu être auditionné : son audition avait en effet été initialement prévue en juillet, mais reportée à septembre car nous souhaitions procéder aux auditions des ministres en dernier. Avec la rentrée des classes, il a ensuite été difficile pour le ministre de se rendre disponible. Je suis d'accord pour dire que le dispositif a initialement souffert d'un manque d'information : les réseaux d'étudiants et les CROUS n'ont pas suffisamment été mobilisés pour faire connaître le dispositif, qui est pourtant assez attractif pour un étudiant, puisque la rémunération est égale à 900 euros par mois pour environ huit heures de présence en établissement. Il est certain qu'une évaluation rigoureuse du dispositif doit à terme permettre de voir réellement ce que font les établissements de ces emplois d'avenir professeur : les résultats devront notamment être analysés au regard des profils des candidats aux concours de l'enseignement.
Dans le secteur marchand, la mission recommande de garder une certaine vigilance car nous avons en effet pu constater des effets d'aubaine : néanmoins, il serait dommage de se priver de cette offre d'emplois dans des territoires où les associations et les collectivités locales ne recrutent pas. Une part de 10 à 15 % de contrats dans le secteur marchand nous paraît raisonnable, en privilégiant plutôt une palette large de secteurs d'activité.
S'agissant de l'implication des grands comptes, nous avons surtout constaté que ceux-ci n'avaient que de très faibles contacts avec les missions locales, ce qui est un problème, particulièrement en Île-de-France, pour des raisons évidentes : il s'agit d'entreprises multi-sites et le réseau des missions locales paraît donc peu adapté pour gérer les relations avec ces grands comptes. Peut-être aussi que les grands comptes n'ont pas suffisamment intégré que les emplois d'avenir constituent un dispositif d'emploi aidé : ils ont dans un premier temps parfois cherché à recruter les meilleurs.
Ce que l'on constate surtout, c'est un phénomène de sous-embauche de jeunes en ZUS, y compris dans les établissements publics, et c'est pourquoi la mission fait des propositions pour inciter les grands comptes à en recruter davantage.
Je suis d'accord avec M. Lurton : la formation est un volet essentiel du dispositif, et le principal défi sur le plan qualitatif reste la sortie de l'emploi d'avenir. C'est pourquoi la mission recommande qu'un rendez-vous entre le jeune, son conseiller de mission locale et son employeur soit fixé dès avant la fin de l'année 2013 pour les contrats déjà conclus, afin de définir le plan de formation qualifiante du jeune. Pour les futurs contrats, le parcours de formation devrait impérativement être défini dans les six premiers mois, et dans les trois mois pour les contrats plus courts. Sur ce plan, on constate également une mobilisation variable des OPCA, qui sont néanmoins très souvent demandeurs. En effet, ils souhaitent pouvoir disposer des contacts des employeurs ayant recruté des emplois d'avenir pour définir plus rapidement avec eux les actions de formation : certaines démarches exemplaires ont été menées, avec par exemple un guide des formations au bénéfice des emplois d'avenir embauchés dans le secteur des offices HLM. La mission a néanmoins eu une déception concernant le CNFPT, dont les rigidités sont trop fortes : il ne propose que des formations de découverte de la fonction publique et de ses métiers. Nous avons mis en place une cotisation supplémentaire affectée au CNFPT pour le financement de formations au bénéfice des emplois d'avenir : il est donc nécessaire que des mesures soient prises rapidement pour que cela fonctionne mieux.
Enfin, il faut le dire, en Île-de-France, la mission a constaté un véritable problème de fonctionnement du service public de l'emploi : la réforme de l'État a eu pour conséquence une moindre présence de l'État au niveau local. En Île-de-France, la DIRECCTE apparaît trop lointaine et ce sont en réalité les services départementaux qui sont aux manettes. Il s'agit d'un enjeu essentiel, je le rappelle, car un tiers des jeunes issus de ZUS en France réside en Île-de-France.
Nous nous sommes effectivement posé la question d'élargir les dérogations au public des CUCS de priorité 1. Nous devrons être particulièrement attentifs à l'évolution de ces dispositifs dans le cadre de la réforme du zonage de la politique de la ville afin de garantir qu'il corresponde aux réalités du terrain. Par exemple dans ma circonscription, le zonage n'est pas optimal car il correspond aux frontières d'une commune alors qu'une cité s'étend sur plusieurs communes.
Parmi les préconisations proposées par la mission, plusieurs relèvent du domaine législatif, notamment celle concernant l'élargissement de la prescription des emplois d'avenir aux écoles de la deuxième chance et à l'EPIDe, celle proposant l'élargissement des dérogations aux CUCS ou bien encore celle suggérant d'inclure le lieu de résidence dans la liste des motifs de discrimination expressément prohibés par le droit du travail. Beaucoup de préconisations relèvent néanmoins du domaine réglementaire et doivent donc faire l'objet d'une initiative du ministre. Celui-ci partage notamment notre constat sur le développement encore insuffisant des emplois d'avenir dans les ZUS : nous lui proposons donc quelques pistes de réformes pour tenter de remédier à cette situation.
On a pu constater la fragilité des ressources de certaines associations notamment dans les ZUS. Cela les conduit à se montrer particulièrement prudentes dans le recrutement de jeunes. C'est pourquoi l'intervention de certains conseils régionaux, visant à financer une partie du reste à charge pour les associations qui recrutent un jeune en emploi d'avenir, me semble pertinente car le secteur associatif représente un potentiel important en matière de création d'emplois.
Je retiens surtout de ce dispositif d'emplois d'avenir le fait qu'il offre aux jeunes l'opportunité d'avoir un « vrai » travail dont ils sont fiers et le fait que les employeurs ont été très souvent surpris par le sérieux et la motivation de ces jeunes.