Intervention de Philippe Wahl

Réunion du 17 septembre 2013 à 18h00
Commission des affaires économiques

Philippe Wahl :

Oui, j'aurais négocié le contrat comme il l'a été, et je suis solidaire du comité exécutif de La Poste qui a mené cette négociation sous la conduite de Jean-Paul Bailly. En même temps, je vous l'ai dit, nous avons défini le projet « Confiance partagée » qu'il nous faudra approfondir, en remettant sur le métier différents sujets tels que la modernisation du service public, le modèle social de La Poste, la proximité que vous avez presque tous évoquée et, bien sûr, la compensation des missions de service public.

Actuellement, chacun des services publics dont La Poste a la responsabilité fait l'objet d'une compensation. La compensation de l'accessibilité bancaire a d'ailleurs été validée en janvier par la Commission européenne, ce qui montre qu'elle ne porte pas atteinte aux règles de la concurrence. Il n'empêche : en dépit de ces compensations, un déficit très important subsiste, que La Poste est tenue de supporter. C'est le cas pour le transport de la presse, pour l'accessibilité bancaire et aussi pour l'aménagement du territoire, les 170 millions d'euros de dépenses fiscales que vous votez en diminuant la charge des taxes locales pour La Poste étant inférieurs à ce que nous coûte, selon le chiffrage de l'ARCEP, le service public d'aménagement du territoire. Quant à la presse, elle représente 22 % du volume des sacoches des facteurs, 8 % du nombre des objets acheminés mais 4 % seulement du chiffre d'affaires. Les tarifs appliqués aux éditeurs de presse sont donc très inférieurs à nos coûts et ce surcoût pèse sur la dynamique future de l'entreprise.

Vous avez, nombreux, évoqué la présence postale de proximité et fait part d'un sentiment de dégradation et de retrait éventuel de La Poste. Je rappelle que nous sommes tenus à l'obligation législative de maintenir 17 000 points de contacts et j'affirme ici que le principe fondateur de la gestion de ces 17 000 points de contacts est la concertation, c'est-à-dire la nécessité d'avoir l'accord du maire et du conseil municipal avant toute transformation d'un bureau de poste en une autre forme de point de contact. S'il n'en va pas ainsi, il me reviendra d'examiner la situation et je vous appelle à m'alerter, puisque nous ne pouvons transformer un bureau de poste en un autre format que si nous avons un accord local, que nous devons discuter avec vous. Dans le même temps, la réalité économique s'impose à nous, et la diminution de 9 %, en 2012, du trafic aux guichets n'est pas que l'effet de la substitution d'automates au service humain : c'est aussi que, à l'ère numérique, les bureaux de poste, comme l'ensemble des commerces du pays, sont moins visités. C'est donc là un sujet et pour vous, élus, et pour nous : la réponse passe par la concertation préalable, principe absolu auquel je m'engage.

Nous distribuons au maximum 300 euros par semaine dans les agences postales communales et il n'est pas possible de faire davantage, singulièrement dans les zones rurales isolées. Chacun comprendra qu'accorder davantage d'espèces, c'est faire de nos postiers et nos clients des cibles. Le cas du Havre, où plusieurs braquages ont été commis récemment, tout comme à Marseille, a été évoqué. La solution, c'est la construction de murs d'automates qui suppriment toute manipulation d'espèces par les postiers, seule manière, dans les zones les plus difficiles, de protéger à la fois nos clients et nos postiers. Mais les bureaux de postes ainsi sécurisés coûtent trois à quatre fois plus cher qu'un bureau de poste « normal ». J'ai inauguré en juin dernier, dans le quartier du Merlan à Marseille, un bureau ainsi automatisé après qu'il a été l'année précédente l'objet de deux braquages à la kalachnikov ; le coût des travaux a été particulièrement élevé. Chacun doit garder à l'esprit que la proximité coûte cher. Nous devrons donc trouver avec les CDPPT – que je considère comme l'organe central de la gestion de ce réseau décentralisé – les accords et les financements permettant les changements nécessaires.

Nous cherchons effectivement à développer de nouvelles activités dans les bureaux de poste. Nous avons commencé de le faire avec La Poste Mobile et nous espérons avoir atteint un million d'abonnés à la fin de l'année 2013, un chiffre considérable. Ce produit présente le double avantage d'alimenter le trafic dans les bureaux de postes et de fournir de nouveaux services. Nous allons aussi développer des tablettes numériques, y compris dans les agences postales communales, pour permettre aux clients d'accéder de cette manière à la totalité des services du groupe. C'est une manière d'articuler présence physique et évolution numérique.

Les chiffres dont je dispose à propose des émissions de gaz à effet de serre diffèrent des vôtres, madame la députée. Selon les indications qui m'ont été fournies par nos services, la réorganisation de la distribution du courrier depuis 2008 s'est traduite par une baisse de 4,7 % du nombre de kilomètres parcourus par nos véhicules et de 13 % des émissions de CO2. Ce sont les indications que nous communiquerons à votre commission dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances. Quoi qu'il en soit, nous sommes à la recherche de l'empreinte carbone nulle, ce à quoi nous tendons en utilisant moins d'avions – nous allons ainsi supprimer cinq dessertes en France – et plus de trains et en optimisant la collecte et la distribution du courrier. Je rappelle que La Poste sera à la tête de la principale flotte de véhicules électriques européenne, avec 10 000 véhicules et 1 500 quads. De plus, d'ici la fin de l'année 2015, tous les vélos des facteurs seront munis d'un système électrique d'aide au gravissement des côtes.

Le sujet majeur des emplois a été plusieurs fois abordé. Les métiers de La Poste sont fortement utilisateurs de main-d'oeuvre. Pour la maison mère, qui regroupe 222 000 postières et postiers, les frais de personnel représentent ainsi 72 % du chiffre d'affaires et, pour la totalité du groupe, la masse salariale s'élève à 12,6 milliards d'euros, soit 60 % du chiffre d'affaires. Cela explique que lorsque le chiffre d'affaires baisse, l'un des principaux facteurs d'adaptation, pour éviter la crise économique et des difficultés plus importantes encore, soit l'ajustement des effectifs, non par suppressions d'emplois mais par le non-remplacement partiel des départs à la retraite et par les reclassements. La mutation que les postiers ont conduite depuis 2002 s'est faite sans plans de licenciement, ce qui suppose évidemment de la souplesse de la part du personnel et de nos organisations, l'invention permanente de nouveaux métiers et un dispositif de formation très important. Nous avons lancé en Eure-et-Loir une expérimentation dite de « facteur guichetier » : après avoir fini sa tournée, le facteur tient des guichets dans les zones rurales les plus isolées. Nous essayons donc de trouver des solutions, mais, pour l'entreprise de main-d'oeuvre que nous sommes, la contrainte économique est l'une des plus fortes qui soit.

Je vous donnerai deux exemples de nouveaux métiers. À Rennes, nous avons développé une plateforme Docapost de traitement numérique des infractions au code de la route. Deux cent cinquante postiers du bassin d'emploi breton y sont employés ; le service public est ainsi assuré pour le ministère de l'intérieur. D'autre part, dans le cadre de l'économie circulaire, que je pense appelée à un grand avenir, La Poste vient de lancer un service innovant : les facteurs récupèrent les papiers usagés dans les petites entreprises et les livrent à l'industrie papetière. C'est un moyen de remplir la sacoche des facteurs, exigence majeure. Nous songeons également à de nouveaux produits numériques.

Je ne répondrai pas à la question qui m'a été posée sur le nombre des suicides car si une « tour de contrôle » interne nous permet de suivre quotidiennement la totalité des événements qui se produisent dans l'entreprise, nous n'avons pas de cellule de suivi spécifique à ce sujet. Un suicide est toujours un drame pour l'entreprise. Notre premier devoir est d'essayer de comprendre ce qui a pu amener un collègue à mettre fin à ses jours, le deuxième est d'accompagner la famille, les proches, les collègues et les managers du mieux possible. Nous participons enfin de manière approfondie à toutes les enquêtes, et leurs conclusions donnent lieu à une application directe dans les procédures de prévention et de modification des organisations du travail.

Nous avons fait nôtres toutes les conclusions du rapport Kaspar. Par le biais de l'accord de janvier 2013 dont vous avez fait état, nous avons recruté des directeurs de ressources humaines de proximité, renforcé la médecine du travail et la formation de tous les managers, auxquels nous avons donné des référents « ressources humaines ». Nous avons donc traduit dans la réalité les orientations de la Commission Kaspar, à laquelle chaque organisation syndicale de La Poste a participé. M. Jean Kaspar élabore en ce moment un nouveau rapport sur la manière dont nous avons tiré les conclusions du grand dialogue et dont nous avons mis en oeuvre les préconisations de son précédent rapport. Il sera remis en octobre et ses conclusions rendues publiques.

Vous avez, très nombreux, fait référence à la situation des fonctionnaires dits « reclassés » de La Poste. À peu près 5 000 personnes sont concernées, qui peuvent opter pour un mouvement dans la fonction publique d'État, mais elles n'ont été que 52 à le faire. Nous considérons qu'il faut négocier avec ce personnel et avec les organisations syndicales, mais nous sommes soumis à deux contraintes. La première est que le juge administratif ne veut pas d'une reconstitution de carrière ; la seconde est que les mesures que nous pourrions prendre ne devraient pas paraître porter atteinte à l'équité à l'égard de ceux qui ont choisi, au moment de la réforme, les corps de classification, soit 90 % du personnel des PTT de l'époque. J'ajoute enfin que les pourcentages de promotion chez les reclassés et chez les classifiés sont pratiquement identiques et que les reclassés peuvent toujours rejoindre les groupes de reclassification et bénéficier ainsi de promotions. Nous nous efforcerons de débattre de ce sujet, en tenant compte des contraintes susdites.

Vous avez évoqué la création de l'Observatoire des changements. J'ajoute qu'en octobre un Institut du management sera installé tout près du siège de La Poste, précisément pour prendre en charge tous les besoins de formation au management.

La Banque postale a respecté les engagements pris devant votre Commission en 2011 : fin juillet 2013, 1,2 milliard d'euros de financement à long terme ont été accordés aux collectivités locales alors même que, avant le début de l'année 2012, nous ne leur avions jamais prêté un euro. Nous nous étions par ailleurs engagés devant vous à abaisser le seuil d'intervention de la Banque postale ; c'est fait. Nous avons commencé en juin 2012 avec un seuil d'intervention fixé à 200 000 euros ; il est descendu à 100 000 euros fin 2012 et, depuis le 1er juin 2013, il est établi à 50 000 euros, de manière que les plus petites communes puissent y accéder. Le taux de refus a quant à lui déjà très sensiblement diminué depuis le début de l'année. Lorsqu'on apprend un métier, on est plus exigeant au début ; c'est ce qui s'est passé pour la Banque postale, mais je n'ai aucune inquiétude, notamment pour les communes de montagnes : je suis persuadé que nous saurons leur répondre au fur et à mesure. Nous vous avions aussi promis d'élargir le périmètre des institutions publiques qui pourraient bénéficier du financement de la Banque postale ; cet engagement est également rempli et, depuis juin, nous avons financé des hôpitaux et des sociétés d'économie mixte. En bref, au regard des engagements pris il y a moins de deux ans et aux objectifs fixés à la Banque postale, nous sommes au rendez-vous.

Les prêts à la consommation se développent bien dans le réseau de la Banque postale. Nous avons intégré le crédit renouvelable à nos produits mais nous ne l'avons pas encore lancé publiquement. Il fait l'objet d'un test national mais nous attendons pour en faire la publicité d'être certains qu'il soit parfaitement conforme aux dispositions de la loi Hamon.

Je pense avoir traité, dans le temps que vous m'avez imparti, la plupart des sujets abordés.

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