Intervention de Frédéric Roig

Réunion du 18 septembre 2013 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Roig, rapporteur pour avis :

Notre commission a souhaité se saisir pour avis de plusieurs articles du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, déposé le 4 septembre dernier. Ce projet s'inscrit pleinement dans le choc de simplification voulu par le Président de la République et mis en oeuvre par le Gouvernement dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. Sept chantiers prioritaires de simplification ont d'ores et déjà été lancés, dont le projet « Dites-le nous une fois », visant à réduire la redondance des informations demandées par l'État aux entreprises. Le présent projet de loi comporte des habilitations pour l'ensemble des mesures législatives, à l'exception de mesures fiscales, qui seront intégrées au PLF 2014, du programme triennal 2013-2015 de simplification en faveur des entreprises défini par le comité interministériel de modernisation de l'action publique lors de sa réunion du 17 juillet dernier.

Ce projet de loi s'appuie sur une démarche de concertation très approfondie conduite pendant plusieurs mois. Ainsi, au terme d'un travail remarquable, notre collègue Thierry Mandon a remis, au mois de juillet dernier, au Gouvernement un rapport sur la simplification de l'environnement réglementaire et fiscal des entreprises, pour les besoins duquel il a auditionné plus de 200 chefs d'entreprise et une centaine de réseaux d'entreprises. L'élaboration du programme pluriannuel de simplification a également bénéficié des contributions des entreprises, des administrations centrales, des préfets et des services déconcentrés. Moi-même, dans le cadre de la préparation du présent rapport, j'ai consulté différents acteurs économiques dans ma circonscription – une quinzaine d'entreprises, la chambre de commerce et d'industrie et la chambre de métiers de l'Hérault. La concertation est, bien évidemment, une nécessité s'agissant du vaste chantier de la simplification de la vie des entreprises dans ses moments clés, qui doit répondre aux attentes des entreprises et ne pas leur être imposée par un processus administratif.

Notre commission est saisie pour avis sur les articles 1er, 2, 3, 6, 10, 13 et 14, car ils portent sur des sujets revêtant une réelle importance pour la vie des entreprises, tels la simplification de leurs obligations comptables et administratives, leur financement, leur traitement en cas de difficultés.

L'article 1er comprend différentes dispositions d'habilitation visant à la simplification. D'abord, au travers de mesures d'allégement des obligations comptables des très petites entreprises et des petites entreprises. Actuellement, l'ensemble des sociétés commerciales est soumis à une obligation d'établissement et de publication des comptes sous forme d'un dépôt au greffe du tribunal de commerce. Pour les TPE et PME, ces obligations comptables sont plus étendues que celles en vigueur dans d'autres États membres de l'Union européenne, ainsi que celles imposées par la nouvelle directive comptable. Il est donc envisagé, pour les entreprises de moins de dix salariés, de supprimer l'obligation d'établissement de l'annexe aux comptes annuels et d'offrir la possibilité sur option de ne plus publier ces comptes. Cette mesure concerne plus d'un million d'entreprises. Les entreprises de moins de cinquante salariés, quant à elles, pourront établir des états simplifiés pour le bilan et le compte de résultat. Actuellement, cette possibilité n'existe que pour les entreprises de moins de vingt salariés. Cette mesure concerne 1,3 million d'entreprises.

Ces mesures de simplification vont dans le bon sens. Les allégements sont susceptibles de permettre une amélioration du taux de dépôt des comptes par les entreprises, qui est actuellement de 67 % seulement. Par ailleurs, les services de l'État, les tribunaux de commerce et la Banque de France continueront à avoir accès aux documents déposés, même si la confidentialité a été demandée par l'entreprise. La question des seuils pour la définition des TPE et des PME méritera d'être précisée. J'aborderai plus en détail ce sujet dans un amendement que je présenterai à l'article 1er.

Ce même article 1er prévoit aussi une habilitation à prendre des mesures en faveur du développement de la facturation électronique entre l'État et les collectivités territoriales et leurs fournisseurs. Une telle évolution représenterait une réelle avancée, car elle permettrait de réduire les coûts pour les entreprises, mais aussi de raccourcir les délais de paiement de l'État, que le Gouvernement souhaite abaisser à vingt jours d'ici à 2017. Elle s'accompagnerait aussi d'une réduction du nombre de pièces justificatives demandées aux entreprises.

Toujours à l'article 1er, une troisième mesure d'habilitation porte sur le développement du financement participatif, qui consiste à financer des projets innovants ou des créations d'entreprises par la collecte d'apports financiers d'un grand nombre de personnes via des plates-formes sur internet. Il peut prendre la forme de prêts, de dons sans contrepartie, d'achat par anticipation ou d'investissement au capital dans l'entreprise. La réglementation bancaire et fiscale est source de contraintes importantes pour les structures proposant des plates-formes de financement, qui sont notamment soumises aux règles prudentielles et à celles relatives aux services d'investissement. Afin de faciliter ce mode de financement, le Gouvernement souhaite créer un nouveau statut de conseiller en investissement en financement participatif, qui permettrait aux acteurs concernés de ne pas être soumis à la réglementation de prestataire de services d'investissement, et étendre les exceptions à l'agrément des établissements de crédit pour autoriser les prêts par des personnes physiques.

Autre habilitation prévue à l'article 1er, la prise par ordonnance de mesures relatives au développement numérique. Il s'agit principalement d'encourager le raccordement des immeubles au très haut débit en clarifiant le partage des responsabilités entre les opérateurs et les copropriétés.

Le Gouvernement souhaite, par ailleurs, adopter par ordonnances des mesures de simplification en droit du travail, celles-ci ne portant en rien atteinte aux droits des salariés, notamment à leur droit à l'information – allègement des obligations d'affichage et de transmission des documents à l'administration du travail, clarification, pour des raisons de cohérence juridique, des règles applicables aux délais de prévenance à la fin de la période d'essai en cas de rupture de contrat.

Le projet vise également à alléger les obligations déclaratives relatives à la participation à l'effort de construction. Une accélération des procédures de l'immobilier d'entreprise est prévue, avec la création d'une procédure intégrée pour des projets d'intérêt économique majeur, une réforme de la procédure existante de déclaration de projet. L'article L. 300-6 du code de l'urbanisme permettra d'adapter plusieurs documents d'urbanisme dans des délais raccourcis.

L'article 2 est relatif au traitement des entreprises en difficulté. Les mesures envisagées concernent le développement du recours aux procédures de prévention – alerte du président du tribunal de commerce, mandat ad hoc, conciliation –, l'évolution des procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, en particulier l'introduction de mesures de coordination entre ces différentes procédures. Il convient de saluer ces propositions, qui tendent à renforcer l'attractivité des procédures de prévention.

L'article 3 regroupe diverses mesures de simplification juridique, concernant notamment : le régime des conventions réglementées relatives aux relations entre une société et certains de ses mandataires ou actionnaires ou entre des sociétés ayant des dirigeants communs ; les règles de rachat des actions de préférence, qui dérogent au principe selon lequel une action correspond à une voix et à une fraction du dividende en ce qu'elles peuvent donner droit à des avantages financiers ou non financiers, ou ne pas conférer de droit de vote, notamment dans l'objectif d'élargir les sources de financement d'entreprise ; la réglementation des titres financiers dits complexes, afin de favoriser le développement de ces instruments ; la prolongation des délais de tenue d'assemblée générale ; la possibilité pour une EURL d'être l'associée d'une autre EURL ; les formalités relatives à la cession de parts sociales de sociétés.

L'article 6 modifie les conditions de participation au capital des sociétés d'expertise comptable et les conditions d'exercice de la profession. Les évolutions envisagées concernent principalement l'adaptation aux exigences de la directive Services. Il s'agit d'autoriser les sociétés d'expertise comptable établies dans un autre État membre à créer des établissements secondaires en France sans ouvrir leur capital social à des experts comptables inscrits au tableau de l'ordre français. Plusieurs évolutions sont également proposées visant à assouplir le mode d'exercice de la profession, notamment l'autorisation des honoraires de succès. Les mesures proposées ont été définies à l'issue d'une large concertation avec l'ordre national des experts comptables.

L'article 10 prévoit de modifier certaines dispositions relatives à la gouvernance des entreprises publiques et des entreprises dans lesquelles l'État détient une participation, ainsi que les dispositions concernant la gestion de ces participations. Le ministre de l'économie et des finances et le ministre du redressement productif ont présenté les grandes lignes de cette réforme dans une communication en conseil des ministres le 2 août dernier. Les mesures envisagées concernent, en premier lieu, l'évolution de la gouvernance. Selon les informations qui m'ont été communiquées par le ministère, il s'agit de remédier à certaines difficultés, notamment la faiblesse de la représentation de l'État dans les conseils des entreprises lorsqu'il en détient plus de 90 % et l'articulation entre les catégories de représentants de l'État et celles des personnalités qualifiées dans ces conseils. Un rapprochement avec le droit commun devrait être recherché afin que la position de l'État puisse mieux s'exprimer au sein de ces conseils. S'agissant des opérations en capital, le Gouvernement souhaite en particulier donner à la commission des participations et des transferts des compétences dont elle ne dispose actuellement qu'en cas de privatisation ainsi qu'un pouvoir d'avis pour les prises de participation.

Les articles 13 et 14 permettent l'expérimentation de procédures simplifiées et innovantes afin de faciliter la réalisation de projets tout en respectant les exigences de protection de l'environnement. Ces expérimentations auront lieu dans certaines régions pour une période définie et seront éventuellement suivies d'une généralisation. Il s'agit ici d'offrir aux porteurs de projets d'activité économique un cadre juridique clair et stable en facilitant l'autorisation et la réalisation. Ces expérimentations feront, en outre, l'objet d'une large concertation entre les différentes parties prenantes des états généraux de la modernisation du droit de l'environnement. Plus précisément, l'article 13 concerne la délivrance aux porteurs de projets d'un document dénommé « certificat de projet », comportant une liste exhaustive des dispositions législatives applicables à une demande et vaudrait certificat d'urbanisme. Quant à l'article 14, il définit un permis environnemental unique visant à mieux articuler les procédures et les autorisations environnementales avec les autorisations d'urbanisme.

S'agissant du calendrier, l'article 18 du texte fixe les différents délais dans lesquels les ordonnances prévues seront prises. Ces délais varient de quatre à huit mois après la publication de la loi pour les ordonnances concernées par l'avis de notre commission. L'article 19 dispose que, pour chaque ordonnance, un projet de loi de ratification sera déposé dans un délai de cinq mois à compter de sa publication.

Je souhaite aborder un dernier sujet, qui dépasse le cadre du projet de loi mais constitue, à mon sens, un enjeu essentiel en matière de simplification. Il s'agit de la méthode. Comme le souligne Thierry Mandon dans son rapport, les bilans des programmes de simplification en faveur des entreprises élaborés au cours des cinq dernières années sont très mitigés. Ainsi, sur les 348 mesures adoptées depuis 2009, 101 seulement ont été effectivement mises en oeuvre, soit 29 %. Se fondant notamment sur les bonnes pratiques des autres pays de l'Union, le rapport formule de nombreuses propositions en vue de définir une méthode de simplification collaborative incluant un pilotage et un dispositif d'évaluation et de suivi. Le présent projet de loi n'est qu'un élément d'une approche qui doit être globale. En particulier, la mise en oeuvre de la simplification au plan local sera un enjeu majeur.

Enfin, si le projet que nous examinons contient de nombreuses mesures importantes et bénéfiques pour la vie des entreprises, il n'épuise cependant pas le sujet de la simplification. D'autres mesures sont prévues dans le cadre de projets de loi relatifs à la consommation, notamment en matière de délais de paiement, et du projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire, entre autres sur les sociétés coopératives. Le programme triennal de simplification contient, en outre, de nombreuses mesures de simplification d'ordre réglementaire. Il conviendra, dans l'avenir, d'étudier les problématiques de certaines filières dans lesquelles l'application du principe de précaution, en créant des normes, alourdit encore la vie quotidienne des entreprises, et aussi de se pencher sur la clarification de la relation entre entreprises et organismes bancaires, qui n'est pas une mince affaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion