Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, enfin ! Enfin un texte qui fait rupture après des années de vie chère, et même des décennies tant il est vrai que la situation de vie chère de l'outre-mer provient structurellement de notre histoire économique et sociale. Nos économies de l'exclusif colonial ont été transformées en économies de comptoir et d'entrepôt, à travers une histoire économique faite d'abus et d'octroi de rentes.
Ces vingt dernières années, cet état de fait a transformé nos économies en économies de marges où des structures oligopolistiques d'importateurs grossistes, fournisseurs et distributeurs, voire détaillants, et des monopoles comme la SARA, la société anonyme de raffinerie des Antilles, prédominaient et organisaient la cherté de la vie.
Les écarts de prix entre la métropole et l'outre-mer ont même atteint des sommets indécents. En 2010, l'INSEE a relevé des écarts allant de 22 % à 38,5 % pour les seuls produits alimentaires, alors même que les revenus restaient faibles, inférieurs de 38 % à la moyenne hexagonale. Le rapport du sénateur Doligé, de 2009, évoque pour sa part des écarts de prix constatés s'étendant de 42 % à 142 % et l'Autorité de la concurrence, dans son avis du 8 septembre 2009, indique l'existence d'écarts de prix en magasin de 55 % par rapport à ceux de la France hexagonale pour la moitié des produits observés.
Faut-il rappeler qu'en outre-mer la proportion de foyers fiscaux dont les revenus sont inférieurs à moins de 9 400 euros par an est de 50 % contre 25 % seulement en métropole ?
Ce à quoi vous deviez vous attaquer, monsieur le ministre, ce n'était pas un petit différentiel de prix mais un véritable gouffre ! Un gouffre qui souligne un problème majeur de nos territoires, où de vieux verrous entravent encore le libre jeu de la concurrence et du développement.
Notre démarche de ce jour est donc orientée vers la recherche de plus d'égalité. C'était déjà, et cela a toujours été, celle de nos ancêtres dès avant la conquête de notre liberté. En 1946, Aimé Césaire lui-même ne disait-il pas que la loi de départementalisation de nos vieilles colonies, dont il était rapporteur, était d'abord une loi d'égalisation ?
Monsieur le ministre, vous suivez encore aujourd'hui les traces de nos illustres prédécesseurs dans cette enceinte. C'est bien, car lutter contre la vie chère, tenter de réguler nos économies correspond à une demande forte de nos concitoyens. En l'occurrence, vous le savez, c'est quasiment un mandat impératif qu'ils nous ont confié pour que les choses changent, pour que leurs conditions de vie s'améliorent.
Vous répondez à cette attente. Vous répondez aussi à l'un des trente engagements du Président de la République François Hollande visant à lutter contre les pratiques anti-concurrentielles.
Nous sommes donc à vos côtés dans ce combat pour l'égalité, pour la transparence et pour le développement solidaire de nos pays, objectifs que nos compatriotes ont plébiscités en juin dernier. Je souhaite d'ailleurs vous remercier pour le dialogue et la concertation que vous avez menés avec nous à l'occasion de l'élaboration du projet et de sa réalisation. Ce dialogue s'est également révélé constructif au sein de la commission des affaires économiques, grâce à son président M. François Brottes.
C'est important car, au-delà du texte très ambitieux que vous nous proposez, se pose une grande question : sur quel mode de développement souhaitons-nous construire nos sociétés ?
Le retard de développement est-il une fatalité ? Le différentiel existant entre l'outre-mer et l'Hexagone est-il lié au coût du fret aérien et maritime, à notre fiscalité locale, au coût du travail, au coût du stockage, à la taille de nos petits marchés insulaires ? Sans doute, mais tout ceci n'explique pas l'ampleur des disparités constatées.
La situation pesant sur les ménages les plus modestes d'outre-mer est anormale. Récemment, des crises sociales fortes ont montré les limites de ce système inique, hérité de l'histoire, comme en Guyane et en Guadeloupe en 2008, en Martinique en 2009, à la Réunion en 2010 et à Mayotte en 2012.
Il y avait urgence à combattre la vie chère, à laquelle ni la LODEOM ni les États généraux de l'outre-mer n'ont pu apporter de réponse concrète. C'est ce que vous faites aujourd'hui, en vous dotant d'une méthode et d'une stratégie pour faire triompher l'intérêt général.
Certes, ce n'est qu'un premier pas, et la question de la vie chère ne sera pas réglée par cette loi. Mais ce premier pas est décisif, et devra être suivi par d'autres mesures concrètes.
Je souhaite ainsi que la question du fret, du coût du transport, soit abordée très rapidement. Je pense en effet que cette loi doit avoir des effets réels immédiats sur la vie quotidienne de nos populations.
La question des services, et notamment des services bancaires, doit également être évoquée afin que les entreprises de nos territoires puissent bénéficier des moyens de se développer.
Je souhaite encore que vous vous attaquiez aux problèmes du logement, de l'emploi des jeunes, et à la situation de plus en plus précaire de nos personnes âgées, qui ont du mal à vivre.
La situation financière déplorable de nos hôpitaux doit trouver une issue favorable, permettant de satisfaire aux besoins de soins de nos populations. Ces hôpitaux doivent être à la hauteur de notre pays et du rayonnement de nos régions dans leur environnement.
Je vous remercie d'ailleurs pour votre implication personnelle dans ce dossier, qui nous permet d'entrevoir un assainissement de la situation des hôpitaux dans nos régions à moyen terme. L'État devra pour cela respecter ses engagements, comme par exemple pour l'hôpital de Colson en Martinique, où les investisseurs privés sont encore en attente.
Je souhaite enfin que la question de l'épandage aérien soit abordée en toute transparence, et que des solutions alternatives soient très rapidement trouvées. En effet, élu d'une circonscription très dépendante de la culture bananière, je ne peux rester indifférent à l'exigence de respect de la santé de nos concitoyens, ni me montrer insensible à la situation de nos nombreux ouvriers ou exploitants agricoles qui vivent de la banane.
Je pense à eux, et j'agis donc pour que des solutions alternatives concrètes soient rapidement engagées. Nous menons, dans ma commune de Sainte-Marie, des expériences en collaboration avec des laboratoires israéliens particulièrement performants pour développer une souche bananière résistante à la cercosporiose noire, cette maladie qui gangrène nos champs de bananes et oblige encore à les traiter aujourd'hui.
J'attends, monsieur le Ministre, que vous nous accompagniez dans cette démarche de recherche active pour accélérer sa mise en oeuvre à court terme. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et RRDP.)