Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la vie chère en outre-mer est une réalité qui accentue la vulnérabilité de nos concitoyens, lesquels sont de plus exposés à des taux de chômage record.
Cette situation suscite périodiquement des crises sociales graves, donnant chaque fois matière à l'élaboration de multiples diagnostics – États généraux de l'outre-mer, comité interministériel de l'outre-mer – et à la rédaction de nombreux rapports, comme celui sur le coût des télécommunications.
Le contexte socio-économique ne s'en est pas moins dégradé, légitimant ainsi votre volonté politique d'agir vite.
Nous devons certes nous atteler à proposer des mesures ; mais celles-ci devront être pertinentes et efficaces, car la confiance de nos concitoyens et de nos populations dans l'autorité publique s'étiole, en raison du manque de résultats ou du temps consacré à de trop longues réflexions.
L'Autorité de la concurrence a, il y a de cela trois ans, relevé des écarts démesurés entre les prix de produits de consommation quotidienne, parfois supérieurs de 50 % à ceux pratiqués dans l'Hexagone.
Bien entendu, les causes régulièrement évoquées pour expliquer ces écarts demeurent, au gré des variations sémantiques : l'insularité, l'éloignement géographique, l'étroitesse du marché, ou encore une concurrence anesthésiée. Mais ces écarts entre les outre-mer et l'Hexagone peuvent également être constatés entre territoires ultramarins géographiquement voisins.
L'éloignement ne peut être le seul facteur expliquant ces écarts de prix. Désormais, pour être véritablement efficaces, il faudra s'attaquer à certaines pratiques d'accumulation de marges injustifiées tout au long du processus de distribution et de fixation des prix de détail et de gros.
Le projet de loi nous oriente donc dans le bon sens car il tend à rééquilibrer les rapports entre l'ensemble des acteurs pour parvenir à établir une plus grande équité.
Bien qu'il ait soulevé bon nombre d'interrogations et d'inquiétudes, en grande partie clarifiées par l'examen du projet de loi au Sénat, ce texte propose des avancées significatives et fait preuve d'une certaine audace. Je voudrais, d'une part, présenter quelques observations et, d'autre part, vous soumettre quelques propositions.
L'article 3 du chapitre 1er, qui offre l'opportunité aux collectivités territoriales de saisir l'Autorité de la concurrence pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles dans leurs territoires respectifs, était nécessaire. On ne peut en effet lutter efficacement contre la situation qui prédomine en outre-mer en laissant seuls les associations de consommateurs et les particuliers face à de grands groupes économiques structurés et organisés. Les collectivités locales devront désormais jouer pleinement leur rôle aux côtés des associations de consommateurs et devenir de véritables acteurs de la régulation économique.
L'article 5 qui donne à l'Autorité de la concurrence un pouvoir d'injonction structurelle en matière de grande distribution pour l'outre-mer est également un outil nécessaire. Mais pour être efficace et ne pas tomber dans l'arbitraire, cet article gagnerait à mieux définir les critères et mieux qualifier les infractions.
Monsieur le ministre, votre projet de loi constitue la première étape d'un long processus d'actions contre la vie chère. Parallèlement, nous devons commencer à penser dès maintenant aux actions qui doivent permettre d'appréhender autrement la problématique de l'insularité, d'accepter qu'elle ne soit plus un handicap mais au contraire être capables de tirer profit de notre situation géographique pour en faire un atout.
Si les mesures envisagées par le Gouvernement permettront de limiter sensiblement l'hégémonie des sociétés déjà en situation de quasi-monopole, il faudra aussi veiller à consolider, voire à renforcer, la présence des petits commerçants, acteurs incontournables du lien social dans les quartiers et les territoires ruraux.
Œuvrer pour une meilleure intégration, à travers une véritable coopération dans le bassin caribéen, mais aussi permettre une plus large visibilité économique industrielle, touristique et culturelle en Europe, telles sont les mesures qui contribueront à améliorer le taux de couverture de nos territoires qui demeurent anormalement bas. À titre d'exemple, il était de 7 % en Guadeloupe en 2011.
Enfin, je considère que nous devrons encourager la production locale, la consommation locale, en favorisant les circuits courts, notamment à travers des mesures incitatives comme des campagnes de sensibilisation et des campagnes de communication sur la production locale.
Par ailleurs, pour que ces dispositions législatives soient efficaces et que l'on parvienne à une régulation économique pertinente, il nous faudra être très vigilants sur leur mise en application effective, car même si les enjeux nous imposent d'agir vite, ils nous commandent aussi d'agir durablement.
Monsieur le ministre, je voterai ce projet de loi qui s'inscrit dans le prolongement des propositions pour l'outre-mer, que je me suis engagé à défendre, du Président de la République. Ce texte voté en début de mandature témoigne, j'en suis convaincu, de la volonté manifeste du Gouvernement de tenir ses engagements, et ne pourra que renforcer la confiance de nos populations. J'espère qu'à l'avenir, avec la délégation aux outre-mer, nous serons aussi nombreux pour défendre un projet qui concerne nos territoires et que, face à cette crise, nous ferons passer la solidarité avant l'intérêt personnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)
(Mme Catherine Vautrin remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.)