Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 9 octobre 2012 à 21h30
Régulation économique outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Monsieur le ministre, permettez-moi tout d'abord de saluer la réalisation de la promesse faite par le candidat François Hollande de lutter contre la vie chère dans les outre-mer et singulièrement en Guyane.

Rentes de situation, captations de richesses, marges outrageusement abusives et parfois endogamie de certaines élites économiques participent à l'opacité commerciale, la corruption et le cloisonnement de nos marchés.

En ce sens, la volonté affichée par le président François Hollande de remédier à ces situations dans nos territoires a été plébiscitée par nos collectivités et le présent projet de loi en est une première traduction, qui devrait en appeler d'autres.

Toutefois, cette occasion ne doit pas être, une fois encore, un rendez-vous manqué, tant est grande l'attente de nos populations qui ont gardé en mémoire les révoltes de 2008 et 2009.

Monsieur le ministre, vos intentions sont louables car s'attaquer aux structures, casser les monopoles et permettre à nos peuples d'assumer autrement leur destin en matière économique n'est pas chose aisée, et nous imaginons le courage que requiert un tel engagement. Voilà pourquoi ce projet doit réussir.

Certes, il n'aborde pas tous les aspects du problème. Cependant, promesse a été faite de poursuivre les réflexions en vue d'améliorer la panoplie législative et réglementaire. Nous vous faisons confiance, tout en rappelant le profond désir des députés des outre-mer d'être mieux écoutés par le Gouvernement.

En conférant une place centrale à l'Autorité de la concurrence, ce projet de loi s'en remet d'abord au droit de la concurrence pour atteindre son but. Cette autorité, qui a déjà fait la preuve de ses vertus, pour indépendante qu'elle soit, n'en est pas moins lointaine et la question demeure de savoir si elle sera à même de résoudre le problème de la vie chère en cassant durablement les rentes de situations. Elle risque d'être inopérante si nous ne cherchons pas à la rapprocher de nos territoires, avec des référents qui connaissent nos particularités et les pratiques commerciales de certains opérateurs historiques ou plus récemment installés dans nos territoires. Notre projet de loi manquera aussi de force de percussion si l'Autorité de la concurrence est systématiquement laissée seule juge de l'opportunité des suites à donner aux abus constatés. Avec elle, nous pourrions craindre des myriades d'interprétations, de contestations, de réserves et de preuves contradictoires en cascades qui retarderont immanquablement les objectifs à atteindre.

L'Autorité de la concurrence éprouvera certainement des difficultés à envisager des suites civiles contre les pratiques anticoncurrentielles auxquelles elle se limite. De surcroît, elle ne peut sanctionner ces pratiques qu'en démontrant qu'elles ont un effet anticoncurrentiel, c'est-à-dire qu'elles affectent le marché, et cela nécessiterait la délimitation d'un marché de produits et de services.

N'aurait-il pas été plus efficace de dépasser le strict cadre du droit de la concurrence ? Celui-ci s'intéresse avant tout à savoir si le marché est affecté ou faussé. En revanche, le droit des contrats s'occupe des conditions de validité et d'efficacité des obligations des parties et peut tenir compte de leurs puissances économiques respectives, si nous l'imposons par la loi. Il permettrait purement d'interdire ou simplement de contrôler les clauses d'exclusivité, qui sont la traduction juridique des situations de rentes à vie de certains opérateurs.

Enfin, quoi qu'il advienne, nous serons attentifs à ce que le projet limite les possibilités de contournement de la loi, envisagées jusque-là. De même, pour assurer l'effectivité de la loi dans nos territoires, certains concepts devront être clarifiés pour empêcher explicitement le cloisonnement du marché qui se conjugue avec les rentes et les abus.

Monsieur le ministre, mes chers collèges, à n'en point douter ce projet de loi apporte de nombreux outils aux avantages certains, et dont la mise en oeuvre devrait être bénéfique aux consommateurs des outre-mer. Nous espérons simplement qu'en retour notre parole et nos propositions seront entendues par le Gouvernement, à leur juste valeur.

En conclusion, je veux vous dire à quel point j'ai été surpris qu'on m'ait annoncé que la discussion de ce projet devra être close dans la nuit de mercredi à jeudi, avant une heure trente. Cela m'a étonné compte tenu de l'importance que nous accordons à la vie chère en outre-mer. Il faudrait peut-être se donner le temps de la réflexion, du dialogue et faire en sorte que tous les partenaires et les parlementaires aient le temps de s'exprimer et de défendre les amendements qu'ils sont en mesure de porter pour faire en sorte que ce projet, une fois voté par l'Assemblée nationale, puisse être vraiment efficient sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

(M. Denis Baupin remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

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