Monsieur le président, je voudrais faire quelques observations sur la forme et sur le fond. D'abord, je tiens à vous féliciter du travail que vous avez réalisé dans le cadre de cette étude qui répond, sinon à une saisine formelle, du moins à un souhait public du président de l'Assemblée nationale ; d'autant que je regrette la faible association de notre Office au processus du débat sur la transition énergétique. J'ai été personnellement très favorable à l'organisation d'un tel débat. Mais je dois bien me résoudre à constater qu'il s'est avéré très confus, dans son organisation comme dans ses conclusions.
Vous nous avez présenté une synthèse des différents travaux de l'Office publiés ou en cours sur cette question. Vous avez notamment mis en avant la question de la performance énergétique dans les bâtiments. C'est un sujet sur lequel j'ai travaillé dans le cadre d'un rapport publié, avec Claude Birraux, en 2009. Nous nous étions rendus, à l'époque, en Allemagne et en Suisse. L'Allemagne dispose sur ce terrain d'une avance certaine sur nous, et nous devons prendre exemple sur elle dans ce domaine essentiel de l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments.
Pour autant, je ne suis pas certain que les efforts d'économie d'énergie que nous réaliserons dans ce secteur aboutiront à une réduction de notre consommation énergétique globale. Je crois qu'on n'insiste pas assez sur les nouveaux besoins énergétiques résultant, par exemple, de la multiplication des équipements électroniques connectés en réseau et des besoins domestiques. La multiplication des véhicules électriques en milieu urbain, telle la Zoé de Renault - notre ministre du redressement productif, M. Arnaud Montebourg, incite fortement à leur développement - va également se traduire par un accroissement de la demande d'électricité.
Du reste, le concept de transition énergétique doit être précisé. Il ne s'agit pas d'une évolution bornée dans le temps, mais, au contraire, d'un processus continu qui date déjà de plusieurs siècles. Or, durant cette période, il n'y a pas eu substitution des énergies, celles-ci se sont, au contraire, additionnées.
Si j'ai défendu loyalement l'objectif de réduction à 50% de la part de l'énergie nucléaire durant la campagne présidentielle, je le considère aujourd'hui - à douze ans de l'échéance – comme hors d'atteinte. À cet égard, je rappelle que l'unité de temps énergétique est de l'ordre du demi-siècle, non celle des cinq ans d'un mandat présidentiel. Dans le rapport que j'ai rendu avec Bruno Sido en décembre 2011, j'ai indiqué qu'il convenait de viser 2035, et une réduction à 60 % plutôt qu'à 50 % de la part d'électricité d'origine nucléaire. Encore faut-il, avant de le faire, savoir par quoi remplacer l'énergie nucléaire.
Dans ce domaine, l'Allemagne est un contre-exemple de ce qu'il convient de faire. La décision d'arrêter des centrales nucléaires en 2011 s'est accompagnée de celle de la construction de nouvelles centrales à gaz et au charbon, plus exactement au lignite. Dans le cadre de la préparation du même rapport de décembre 2011, j'ai pu visiter une mine de lignite à ciel ouvert en Allemagne. L'exploitation de ces mines de lignite, réalisée avec la grande maîtrise technique dont savent faire preuve nos voisins, bouleverse littéralement les paysages. Des villages entiers sont déplacés, pour être reconstruits à l'identique un peu plus loin. Arrêter les centrales nucléaires pour relancer le gaz et le charbon, ce n'est pas ce que nous devons faire.
Malheureusement, les énergies éolienne et solaire ne peuvent remplacer, en l'état, les centrales nucléaires. Une telle substitution ne pourra s'envisager qu'en disposant de moyens de stockage massif de l'énergie. Dans un rapport de 2009 sur la stratégie de recherche en énergie, j'avais mis en avant, avec Claude Birraux, la solution des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) qui permettrait de stocker l'énergie excédentaire, par exemple la nuit, pour la restituer dans les périodes de pointe de demande. Je crois que l'Office a raison de faire entendre sa voix sur cette question, même si ses positions, faute d'être simplistes, peuvent heurter des opinions dictées par des considérations partisanes.
C'est avec intérêt que j'ai écouté les explications de notre collègue, Denis Baupin, sur les risques liés à une dépendance excessive à l'énergie nucléaire et sur la nécessité de réduire nos importations d'énergie. Sur ce plan, dans le cadre de l'étude en cours sur les hydrocarbures de gisements non conventionnels, je préconise de substituer aux importations de gaz et de pétrole la production locale d'énergies fossiles. Il ne s'agit pas d'accroître notre consommation de ces formes d'énergie, mais de réduire notre dépendance dans ce domaine.
En conclusion, je voudrais aussi souligner que nous devons nous interroger sur cette question de la transition énergétique non seulement au niveau national, mais aussi à l'échelle européenne. Malheureusement, chaque pays semble voir cette question de façon égoïste. Ainsi, les Allemands et les Britanniques pensent s'appuyer sur le socle énergétique du charbon et du gaz, de gisements conventionnels ou non conventionnels. Nous devons aller vers une coordination des politiques européennes en ce domaine, même si nous savons que les objectifs ne pourront tous être atteints en 2025.