Intervention de Serge Letchimy

Réunion du 19 septembre 2013 à 9h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy, rapporteur :

Les cinquante pas du roi sont une très vieille histoire, qui remonte à 1670. Ces zones de 81,20 mètres ont été créées tout le long du littoral, afin d'assurer la défense des différents territoires qu'a énumérés le président Brottes. Progressivement, leur statut a évolué. Après avoir abrité des fortins, elles ont ensuite été occupées par des populations civiles. Aujourd'hui, la plupart des bourgs du littoral de la Martinique ou de la Guadeloupe se situent dans ces zones, où l'on trouve aussi bien de l'habitat traditionnel et populaire – je pense notamment au quartier de Volga-Plage, à Fort-de-France – que des demeures bourgeoises, notamment sur les îlets.

Depuis les années cinquante, la législation a évolué, transférant d'abord cette zone des cinquante pas géométrique au domaine privé de l'État jusqu'à ce que la loi Littoral de 1986 la réintègre dans le domaine public maritime. En 1996, une loi, portée par le député Camille Darsières, a ouvert la possibilité de céder ces parcelles à leurs occupants.

Pour piloter la cession des parcelles ont été créées des agences des cinquante pas géométriques. Ces établissements publics ont néanmoins montré leurs limites. Les procédures de cession ne vont pas aussi vite qu'il serait souhaitable, d'une part parce que, malgré les aides octroyées par la loi de 1996, il est compliqué pour les populations les plus démunies d'acquérir une parcelle, d'autre part du fait des enjeux environnementaux majeurs attachés à certains sites.

Par ailleurs, si les agences ont des compétences claires en matière de cession, ce n'est pas le cas en matière d'aménagement, ce qui signifie qu'elles peuvent être amenées à céder des parcelles non viabilisées et qu'elles n'interviennent pas dans le financement des opérations de résorption de l'habitat insalubre.

Il était prévu que ces agences disparaissent au 1er janvier 2014, annulant ainsi toutes les procédures en cours – entre 3 000 et 4 000 pour la Guadeloupe et la Martinique. Afin d'éviter ce vide juridique, le Gouvernement souhaite donc que cette proposition de loi, défendue au Sénat par Serge Larcher, soit adoptée conforme par notre assemblée, pour qu'elle puisse être promulguée avant le 31 décembre.

Je vous appelle donc à adopter ce texte en l'état, même si je tiens à souligner que demeurent quelques problèmes sérieux, au premier rang desquels le statut des agences : faut-il les maintenir ou les remplacer par des établissements publics fonciers locaux (EPFL) donnant aux collectivités les moyens financiers et fiscaux de combiner cession et aménagement des parcelles, ainsi que cela se pratique un peu en Martinique, en marge de la loi ?

C'est pour être éclairé sur la vocation finale des agences que le Gouvernement a donc dépêché une mission, dont le rapport devrait suggérer plusieurs scénarios possibles.

La première hypothèse consisterait à céder ces bandes littorales aux collectivités, pour faciliter le processus d'aménagement du territoire, sachant en effet qu'elles mesurent 81,20 mètres et traversent souvent des quartiers, voire des rues ou même des maisons.

La deuxième hypothèse consisterait à mettre en place des établissements publics d'aménagement, doté de véritables pouvoirs en la matière. Rappelons qu'aujourd'hui ce sont des structures d'État qui interviennent, au-delà de la zone des cinquante pas géométriques à laquelle elles devraient logiquement se cantonner, sur des terrains communaux, sans convention de concession avec la municipalité.

La troisième hypothèse est celle des EPFL.

On voit donc qu'il ne suffit pas de prolonger temporairement la durée de vie des agences ; encore faut-il avoir une idée claire de la manière dont elles doivent évoluer, ce qui n'est pas le cas pour l'instant.

Les délais retenus par la proposition de loi constituent à nos yeux un second problème. Il est clair que prolonger de deux ans la durée de vie des agences, jusqu'au 1er janvier 2016, ne nous paraît pas suffisant, d'autant qu'il faut prendre en compte, outre la durée de vie des agences – qui fait l'objet de l'article 1er –, la date limite de dépôt des dossiers auprès de celles-ci – modifiée par l'article 2. Il faut savoir en effet que cette date limite a été fixée par la loi actuelle au 1er janvier 2013, ce qui signifie que, légalement, le dépôt de dossiers n'est plus possible depuis bientôt un an et que la prorogation des agences pour deux années supplémentaires équivaut en fait à une prolongation de un an pour le délai de dépôt

Nous proposons donc d'octroyer une année supplémentaire aux agences ainsi qu'aux personnes souhaitant déposer un dossier de régularisation, sachant qu'il conviendra pour cela de trouver, dans le courant de l'année 2014, un véhicule législatif approprié.

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