Je vais, avec le président Antoine Durrleman, m'efforcer de répondre aux nombreuses questions posées, en commençant par celles des différents rapporteurs.
En ce qui concerne l'ONDAM et la maîtrise des dépenses de santé, nous constatons qu'un effort a été consenti ces dernières années. L'ONDAM est en effet respecté pour la troisième année consécutive, ce qui va dans le bon sens. Cela étant, compte tenu de l'importance du déficit et de sa dimension structurelle, nous insistons beaucoup sur la nécessité de poursuivre cet effort, d'autant que des économies sont possibles, en particulier dans le secteur de l'assurance maladie. Je précise qu'aux yeux de la Cour, un ONDAM doit être respecté en taux et en enveloppe.
Bien que nous ne le préconisions pas, si des prélèvements supplémentaires devaient être votés, nous estimons que leur produit devrait être affecté au financement de la dette sociale. Cette dette résulte en effet de dépenses quotidiennes, courantes, qu'il est anormal et dangereux de faire financer par les générations futures. En reportant sans cesse les échéances, on ne fait que reculer le moment où la facture devra être réglée – moment où, en raison de l'accumulation des déficits, les prélèvements nécessaires seront encore plus importants.
L'ACOSS n'a pas pour rôle de financer une telle dette. Ce sont pourtant 26 milliards d'euros que l'Agence devra, à la fin de l'année 2013, prendre en charge via l'émission de bons de trésorerie à court terme. Si aucune décision n'est prise, cette somme atteindra même 40 milliards d'euros à la fin de 2014. Au vu des évolutions possibles des taux d'intérêt sur les marchés financiers, une telle pratique ne peut qu'être qualifiée de dangereuse. C'est pourquoi nous insistons tant sur ce point.
Nos recommandations principales portent plutôt sur la maîtrise de la dépense et sur les économies qu'il est possible de réaliser. Mais, dans l'hypothèse où le travail de limitation des niches sociales serait poursuivi, le surcroît de recettes obtenu devrait donc être affecté en priorité au financement de la dette sociale et, au-delà, au Fonds de solidarité vieillesse, qui exige des ressources complémentaires.
Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur l'intérêt de rendre la CSG progressive, disposition qui relève d'une décision politique. Nous avons simplement observé qu'une telle mesure devrait s'inscrire à l'intérieur des limites posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel plafonnant le montant global des prélèvements sur les revenus. Il semble toutefois que la décision du Conseil laisse des marges de manoeuvre.
Vous me donnez l'occasion de préciser encore la position de la Cour relativement à la prise en charge des dépenses d'optique. Tout ce que nous disons, c'est qu'il serait bon, une fois la couverture complémentaire généralisée, de réexaminer l'articulation entre ce qui, dans ce domaine, devrait relever du régime obligatoire et ce qui relèverait de l'assurance maladie complémentaire. Ce ne sont pas les 200 millions d'euros pris en charge par le régime obligatoire que nous remettons en cause : nous pensons simplement qu'il conviendrait de mieux employer cette dépense en ciblant tel ou tel public. En tout état de cause, il y a déjà désengagement de fait de l'assurance maladie obligatoire : sur le prix d'une paire de lunettes ordinaire, ne sont remboursés que 9 euros, de surcroît au prix d'une longue procédure. Loin de prôner une diminution de la prise en charge, nous mettons le doigt sur l'insuffisance et sur le caractère très inégalitaire de la couverture des frais d'optique. C'est à vous qu'il revient de résoudre ce problème et de trouver les moyens de mieux réguler ce marché. On peut imaginer un encadrement des contrats collectifs, d'autant que ceux-ci bénéficient d'avantages fiscaux. En vérité, la sécurité sociale s'est tellement désengagée qu'elle est incapable de peser pour rendre ce marché plus transparent et plus concurrentiel. Quant aux mutuelles, elles ne s'en soucient pas, préférant faire du remboursement des frais d'optique un produit d'appel. Tout concourt ainsi au mauvais fonctionnement de ce secteur.
En ce qui concerne le régime de retraite des exploitants agricoles, monsieur Issindou, nous ne proposons pas d'augmenter l'ensemble des cotisations, mais de réexaminer certains avantages, tels que la forfaitisation du bénéfice agricole ou les possibilités d'optimisation sociale via le recours aux formes sociétaires d'exploitation, qui sont facteurs d'iniquités et ont pour conséquence de réduire le taux de couverture par les cotisations. Nous préconisons aussi de réorienter vers la protection sociale agricole une partie des impôts et taxes affectés, les ITAF, finançant les chambres d'agriculture et l'action de différents établissements publics et centres techniques oeuvrant dans le secteur agricole.
Le renforcement de la tutelle de l'État sur la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, la CNAVPL, prévu par le projet de loi de réforme des retraites, à travers notamment la mise en place de contrats pluriannuels de gestion, est conforme aux recommandations de la Cour. Il nous est apparu en effet que les caisses de ce secteur manquaient à la fois d'une gouvernance centralisée et de l'exercice d'une tutelle qui soit à la hauteur des enjeux.