Intervention de Antoine Durrleman

Réunion du 17 septembre 2013 à 17h15
Commission des affaires sociales

Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes :

Il est exact que le déficit enregistré depuis 2009 par la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), d'un montant de 2,5 milliards d'euros, n'a pas été transféré à la CADES. Le PLFSS pour 2013 prévoit que cette branche dégagera un excédent de 250 millions d'euros – hypothèse confirmée en juin dernier par la Commission des comptes de la sécurité sociale – et qu'il continuera d'être excédentaire en 2014, 2015 et 2016, de sorte que ce déficit sera résorbé. Il n'est pas nécessaire dans ces conditions de prévoir une reprise de cette dette par la CADES.

Si nous avons été, cette année, dans l'impossibilité de certifier les comptes de la branche AT-MP, c'est faute d'avoir pu vérifier la fiabilité des données relatives aux litiges nés de l'application de la législation AT-MP, prises en compte par la branche pour déterminer les provisions que nous avions préconisées l'année précédente. Le recueil de telles informations est souvent difficile, d'autant que le nombre de contentieux en cause est considérable. Cela étant, cette situation marque un progrès par rapport à l'an passé, où nous avions refusé de certifier ces comptes. La branche AT-MP est en train de se doter d'un système informatisé de recueil de ces données et devrait pouvoir garantir une remontée exhaustive et fiable de ces informations d'ici à la fin de l'année 2014 ou au début de l'année 2015.

S'agissant du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le FCAATA, nous attendons les conclusions de l'enquête que nous avons lancée sur son fonctionnement et sur sa gestion.

En ce qui concerne l'actualisation des tableaux des maladies professionnelles, nous avons constaté des progrès dans le champ des troubles musculo-squelettiques, en particulier des pathologies de l'épaule. Nous avions recommandé dans notre rapport public annuel de février que la branche AT-MP consente le même effort pour d'autres types de pathologies.

Le financement de la branche famille a fait l'objet cette année de deux rapports de la Cour à la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de votre assemblée. Si le premier dresse un état des lieux, le second propose plusieurs scénarios pour le transfert de la part de financement restant à la charge des entreprises – la cotisation famille représente aujourd'hui 5,4 % de la masse salariale – sur d'autres prélèvements : TVA, CSG, fiscalité environnementale, ou un élargissement de l'assiette de ces cotisations à d'autres éléments, telle qu'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

La convention d'objectifs et de gestion signée le 17 juillet dernier entre l'État et la Caisse nationale des allocations familiales a pris en compte certaines de nos recommandations, par exemple en ce qui concerne le pilotage des systèmes informatiques ou la nécessité de concentrer l'effort sur les zones fragiles ou en difficulté. Tout est maintenant affaire d'exécution.

Nous avions indiqué dans notre rapport de 2011 que le coût de gestion des caisses pouvait être réduit d'un milliard d'euros, à condition d'intensifier le travail de dématérialisation des relations avec les assurés et avec les entreprises, qui avait connu une pause, et d'améliorer la communication entre les administrations, en particulier au bénéfice de la branche famille aujourd'hui obligée de demander aux assurés sociaux des informations déjà disponibles ailleurs. L'an dernier, à propos des indemnités journalières, nous avons montré qu'il y avait là des gains notables à réaliser.

D'autres gains d'efficacité sont attendus de la réorganisation du réseau des caisses, qui s'achèvera avec la régionalisation de l'ensemble des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) au 1er janvier 2014. Nous projetons de mener une enquête sur le sujet dans quelques mois.

Vous avez été nombreux à évoquer la question des hôpitaux locaux. Ceux-ci peuvent contribuer à la lutte contre les déserts médicaux s'ils sont adossés à des maisons de santé pluridisciplinaires. Il faudrait d'autre part améliorer la rémunération des médecins libéraux qui y exercent et resserrer, dans le cadre du parcours de soins, les liens entre ces établissements et les centres hospitaliers généraux, dotés, eux, d'un plateau technique.

L'hospitalisation à domicile est génératrice d'économies, mais son développement est entravé par la petite taille des structures et par la quasi-inexistence de tout référentiel de prise en charge. La possibilité d'articuler ce mode d'hospitalisation et l'organisation de certains professionnels libéraux en réseaux de soins mériterait aussi d'être mieux documentée.

Même si nous n'avons pas étudié dans le détail le financement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), nous avons noté une surévaluation systématique de la contribution de l'assurance maladie aux prestations médico-sociales. Elle est manifestement due à un engorgement du dispositif d'allocation de moyens de la CNSA, dont l'étude excède le cadre de ce rapport. Nous avons toutefois noté que le financement de cette caisse, établissement public administratif, par une fraction de la CSG contrevenait au principe selon lequel ce prélèvement est affecté directement à un régime de sécurité sociale – à la branche famille à l'origine et à l'assurance maladie depuis 1998.

Relevant une amélioration des comptes des hôpitaux publics, nous avons souligné qu'elle était due en partie au fait que des établissements ont bénéficié de subventions d'équilibre très conséquentes en 2012. L'exemple le plus significatif de ce point de vue est celui du CHU de Fort-de-France, qui a reçu une dotation de soixante-trois millions d'euros à ce titre. Ces « aides d'urgence » ont amélioré substantiellement la situation financière de certains établissements.

Nous comptons inscrire à notre programme de travail la question de la fixation d'objectifs régionaux de dépense. D'ores et déjà, les fonds d'intervention régionaux, financés majoritairement par des crédits de l'assurance maladie, devraient devenir un outil de décloisonnement extrêmement efficace. Ils devraient notamment permettre aux ARS d'organiser de véritables parcours de soins dans des territoires de santé pertinents. Cela constituerait pour les patients un progrès considérable.

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