Intervention de Frédéric Gagey

Réunion du 18 septembre 2013 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Frédéric Gagey, président-directeur général d'Air France :

Monsieur Olivier Falorni, le rôle de l'État actionnaire n'est pas un facteur de complexité pour Air France. En effet, si un représentant de l'État siège au conseil d'administration du groupe Air France KLM, l'État n'est pas représenté au conseil d'administration de la société Air France qui est une filiale à 100 % de ce groupe.

Peut-on établir une comparaison avec British Airways ? Cette compagnie a connu au début des années 2000 une crise financière majeure, avec l'échec de plusieurs émissions de dette et une réduction dangereuse de ses capitaux propres, au point de n'être, pendant quelque temps, positifs que grâce à une méthode de calcul sur les actifs de retraite. Le choix de British Airways a été de procéder à une réduction continue de ses activités. British Airways reste une grande compagnie en termes de positionnement en Europe, mais elle a désormais une taille équivalente à celle de KLM ; elle s'est concentrée sur l'activité long-courrier, elle a réduit son network international ; elle est aujourd'hui rentable, mais à quel prix ! La stratégie choisie s'est avérée bonne financièrement, mais le coût en termes d'ampleur du réseau et en termes d'emplois a été lourd.

Dans le plan qui a été discuté chez Air France avec les partenaires sociaux en 2012, il y a la volonté de rester présents sur les moyen-courriers.

Quant à la compagnie Lufthansa, elle a engagé un plan qui consiste à transvaser une partie de ses capacités vers la compagnie low cost Germanwings, qui n'offre pas du tout les mêmes garanties au personnel navigant technique en matière de conditions salariales.

On peut certes considérer que, ce faisant, British Airways et Lufthansa ont réagi plus rapidement qu'Air France. Mais dans ces deux cas, la résolution de la crise ne s'est certainement pas opérée avec une création d'emplois, ni avec un maintien des conditions de travail. On le voit bien avec le redressement d'Iberia, désormais filiale de British Airways : le président de British Airways a imposé des ajustements extrêmement rigoureux dans les conditions salariales et dans les conditions de travail.

Nous rêvons tous de créer des emplois. Ne croyez pas que l'annonce faite ce matin ait été prise à la légère, ni qu'elle soit considérée comme positive par le management d'Air France.

Sur la question de Notre-Dame des Landes, je ne suis pas spécialiste du sujet et il ne me revient pas de prendre position. J'observe simplement que l'aéroport de Nantes est actuellement très proche de l'agglomération. Il m'apparaît que le projet ne vise pas à créer un deuxième hub de dimension internationale pour le marché français mais à déplacer un aéroport existant d'une grande ville française.

Monsieur François-Michel Lambert, nous avons une stratégie d'ensemble en matière de développement durable. Cette année Air France KLM a été de nouveau classé en tête du Dow Jones Sustainability Index dans la catégorie « Transports », et ceci grâce aux méthodes choisies en matière d'investissements, de réparations, de pilotage… Par exemple, l'ajout systématique de winglets au bout des ailes dans la flotte de KLM et le « plan carburant » permettent une baisse conséquente de la consommation de pétrole et des économies importantes. Nous sommes une compagnie qui contribue au développement durable, et nous en sommes fiers. Cela va bien au-delà du recyclage des journaux des passagers – même si je prends note de votre commentaire !

Monsieur Gilles Savary, s'agissant de l'arrivée prochaine d'une ligne ferroviaire à grande vitesse dans le sud-ouest de la France sur la liaison Paris-Bordeaux, son effet est déjà connu : plus de 50 % des passagers passeront de l'avion au train. Ce ne sera bien sûr pas facile pour les salariés d'Air France dans cette région. Le train joue en France un rôle important, il unit les cités entre elles et notamment avec la plus grande d'entre elles. Lorsqu'un TGV permet de faire passer un trajet en train en dessous de 2 heures, le rôle de l'avion s'amenuise, c'est mathématique. Ce sera forcément le cas sur Paris-Bordeaux. Dans le cadre du plan annoncé, ce changement est évidemment anticipé.

Monsieur François-Michel Lambert, nous n'avons en aucun cas changé de stratégie ni de calendrier en ce qui concerne la montée en gamme. Le nouveau siège, dit « Best », commencera à être déployé à compter de l'été 2014 et toute la flotte de 777 en bénéficiera progressivement. À compter de la mi-2015, cette flotte sera totalement équipée soit en sièges Affaires, en version 4 (V4), soit en sièges Best. Un changement de produit n'est pas seulement un changement de sièges : c'est une démarche d'ensemble, qui implique également les PNC et nos prestataires de catering, dont Servair. L'effort d'investissement pour le groupe est substantiel – le projet Best représente un coût de l'ordre de 500 millions d'euros – mais indispensable, car les sièges V2 et V3 de la classe Affaires ne souffrent plus la comparaison avec les offres de nos concurrents. Dans le cadre de ce projet, la classe Economy ne sera pas oubliée : une compagnie comme Air France se doit de rehausser la qualité de son offre non seulement pour les hommes d'affaires, mais également pour les familles qui partent en vacances.

J'en viens aux questions de fiscalité. Le CICE représente 40 millions d'euros d'économies sur le compte d'exploitation en 2013, vraisemblablement un peu plus en 2014. Il y a également un impact sur le compte de résultat : s'il n'y a pas d'effet immédiat sur le cash, puisque la compagnie ne peut imputer immédiatement le CICE sur son impôt sur les bénéfices, il y aura en revanche un reversement fractionné par l'État à l'horizon de 2017.

Inversement, le réajustement de la TVA sur les billets d'avion domestiques a un impact évalué à 50 millions d'euros, certes payés par le consommateur, mais avec le problème de l'effet de ce renchérissement sur les volumes : le produit plus cher est en effet moins acheté par le consommateur. Les effets du CICE et de la TVA vont donc, globalement et par des canaux différents, se neutraliser.

Le système ETS avait un coût, en 2012, avoisinant les 20 millions d'euros pour l'ensemble du groupe. Avec la baisse du cours des droits à émettre, ce coût tend à s'alléger – il devrait être de l'ordre de 9 millions d'euros en 2014. Mais cette baisse est aussi imputable au passage d'un système mondial à un système limité aux seuls vols européens. Nous l'avons, dès l'origine, considéré comme un système intéressant pour autant qu'il demeurait équitable, c'est-à-dire applicable aux compagnies du monde entier. Cet objectif n'ayant pas été atteint, du fait de la vive réaction des compagnies américaines et chinoises, nous sommes aujourd'hui en attente des propositions de l'Organisation de l'aviation civile internationale – OACI. Le maintien du caractère fair and balanced du dispositif nous semble essentiel : il ne doit pas suffire de transiter par la Turquie ou la Tunisie pour être exempté du coût de l'ETS sur la partie long-courrier du vol.

L'augmentation du montant de la taxe de solidarité, dans une proportion comparable à l'inflation cumulée, ne me choque pas dans son principe. En revanche, le constat que ce projet ambitieux ayant vocation à couvrir l'ensemble du transport mondial se trouve en définitive réduit à un dispositif porté, pour l'essentiel, par Air France, suscite un certain nombre d'interrogations. Au regard de l'importance du sujet, le financement des pays en développement dans le domaine de la santé, il faut notamment se demander s'il est parfaitement juste que seuls les billets d'avion soient soumis à taxation.

Si les pouvoirs publics cherchent à aider le secteur aérien, il pourrait être opportun de se pencher sur les taxes et redevances aéroportuaires. Le débat est complexe, mais il faut admettre que les compagnies aériennes se trouvent prises en tenaille entre des fournisseurs de moins en nombreux – qu'il s'agisse des constructeurs d'avions (Airbus, Boeing), des motoristes ou des prestataires informatiques (systèmes de réservation ou Global Distribution Systems) – et les infrastructures d'accueil (aéroports), en nombre également limité et en situation de monopole local. Il faut donc introduire des modes de régulation de ces monopoles : aux États-Unis, par exemple à New York ou à Atlanta, les gros équipements (routes, pistes...) sont fournis par un aéroport propriété des collectivités territoriales avoisinantes, lequel loue ensuite aux compagnies aériennes des espaces où elles peuvent installer leurs terminaux et déployer leur activité commerciale. Ce n'est peut-être pas non plus un hasard si, dans certains États du golfe Persique, l'aéroport et la compagnie aérienne ont le même propriétaire.

Pour ce qui concerne les bases régionales, il faut rappeler que le projet remonte à deux ou trois ans. La question était, d'une part, de faire émerger un nouveau marché et, d'autre part, de faire évoluer la structure des coûts d'Air France et l'organisation du travail. Le coût unitaire des personnels navigants et au sol a été réduit, mais moins qu'il était prévu dans le business plan d'origine. Par ailleurs, les ouvertures de lignes à partir de trois villes de province et à destination de l'Europe se sont révélées moins profitables qu'escompté. La concurrence a été beaucoup plus vive que nous ne le pensions et nous avons peut-être été trop longs dans la mise en place de la nouvelle offre. Quoi qu'il en soit, le déficit économique du réseau au départ de la province s'est accentué et, dans le cadre du plan Transform, il ressort que le redressement des comptes passe par une réduction des capacités opérées à partir la province. Ce réajustement a commencé au début du second semestre de 2013 et se poursuivra, avec l'introduction notamment d'une plus forte saisonnalité : certaines lignes peuvent en effet être rentables, mais uniquement l'été.

Il est exact que KLM a moins de difficultés qu'Air France. Ceci s'explique par le fait que KLM n'a pas de réseau domestique – la ligne Amsterdam–Eindhoven a été fermée – et que la compagnie n'a donc à gérer qu'un seul aéroport et un seul hub. Mais elle a connu une crise au début des années 2000 et s'était imposé, en 2002-2003, un plan de redressement drastique.

S'agissant de la desserte des Antilles et de l'océan Indien, celle-ci est extrêmement concurrentielle : en dépit de prix apparemment élevés, la profitabilité pour la compagnie est loin d'être toujours au rendez-vous. La flotte, sur cette destination, est plutôt moderne puisqu'elle comprend plusieurs 777 et je n'ai pas souvenir d'incidents sur ces destinations au cours de l'été 2013.

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