Intervention de Frédérique Massat

Séance en hémicycle du 9 octobre 2012 à 21h30
Régulation économique outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Massat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, nous avons tous en mémoire les mouvements sociaux de grande ampleur qui ont témoigné de l'exaspération des populations dans les territoires français ultramarins ces dernières années.

La problématique du coût de la vie est récurrente dans ces régions. De rapports en rapports, d'états généraux en états généraux, de lois en lois, aucune réponse satisfaisante ou amorce de réponse n'a pu être apportée à la situation très inégalitaire que subissent les habitants de ces territoires.

Ce soir, nous avons tous compris que sur un échantillon de cent produits importés de l'hexagone dans les quatre DOM, les écarts de prix en magasin avec l'hexagone dépassent 55 % pour plus de 50 % des produits échantillonnés.

Cette réalité qui semble invraisemblable à nous, élus de l'hexagone, est pourtant celle que vivent nos concitoyens aujourd'hui. En cela, lutter contre ce fléau que constitue le coût élevé de la vie est une priorité. Les dispositifs actuels d'encadrement des prix, loin d'être efficaces, constituent plutôt une entrave à la baisse durable des prix. De plus, ils ne traitent pas de l'origine du problème, qui réside dans la structure de formation des prix dans laquelle interviennent de nombreux intermédiaires.

C'est pourquoi ce projet de loi est très attendu. Il représente des mesures innovantes qui permettront de lutter efficacement contre la vie chère, puisqu'il prévoit un véritable changement de stratégie en matière de régulation économique. Il vise en effet à s'attaquer à la source du problème, c'est-à-dire au processus de formation des prix.

Les débats en commission nous ont permis de mieux appréhender le contexte de ces territoires ultramarins et de découvrir le concept de « profitation », ignoré par la plupart d'entre nous, mais qui recouvre une situation bien réelle dans ces territoires.

Inconnue du dictionnaire français, mais bien connue de la langue créole, la profitation est une appropriation décomplexée du profit maximum. C'est une exploitation de type néocolonial qui enferme les pauvres dans leur pauvreté, à jamais. Les profiteurs ne craignent rien de l'opinion qu'ils croient résignée à accepter des injustices rendues naturelles et, en tout cas, qu'ils croient irréversibles.

Mais ce qui s'est passé dans les territoires ultramarins démontre le contraire. Quand le profit n'est pas partagé, la dignité humaine est abolie. Quand profiter s'effectue au détriment de ceux qui ne pourront jamais tirer profit de leurs propres activités, il y a agitation, colère, et émeutes.

C'est en ce sens que ce projet de loi a pour ambition de mettre un terme à la profitation et d'apporter des outils à ces territoires pour agir sur les prix. C'est donc dans une situation économique fragile et un contexte d'urgence sociale que nous étudions ce projet de loi qui suscite de grands espoirs dans les outre-mer. Il illustre la traduction législative d'engagements forts pris au cours de la campagne électorale par le Président de la République.

Enrichi par le Sénat et le travail des députés, il offre à l'État la possibilité de réguler les marchés de gros ; il vise à interdire les exclusivités d'importation lorsqu'elles ne peuvent être justifiées au regard de l'intérêt des consommateurs ; il permet aux régions d'outre-mer de saisir l'Autorité de la concurrence ; il s'attaque aux marges abusives en permettant à l'Autorité de la concurrence de déclencher des mesures d'injonction ; il institue un bouclier qualité-prix ; il donne la faculté de ne pas obliger une collectivité d'outre-mer qui assure la maîtrise d'ouvrage à prendre en charge au moins 20 % du financement ; il transfère la tenue du registre du commerce et des sociétés dans les outre-mer aux chambres de commerce et d'industrie ; il instaure un observatoire des prix, des revenus et des marges dans les territoires d'outre-mer.

Un certain nombre d'amendements adoptés en commission portent sur l'évolution des tarifs bancaires et des liaisons aériennes. Lors de la réunion de la commission sur le fondement de l'article 88 du Règlement, nous avons en effet adopté certains amendements qui, je le pense, apporteront une réponse aux préoccupations que nous avons entendues ce soir.

Ce texte est une première étape vers une politique plus respectueuse des outre-mer, qui constituent des parties intégrantes de la République et d'importants potentiels de développement de notre pays.

L'outre-mer et les personnes qui en sont originaires occupent une place particulière dans l'imaginaire métropolitain. Ces territoires sont perçus comme des régions baignées par le soleil, des plages de sable fin où les palmiers et les cocotiers bordent le rivage, des lagons aux eaux turquoise où il fait bon vivre, les vacances toute l'année, des territoires abondamment pourvus en subventions et dotations.

La réalité du quotidien de ces populations est bien loin de ces images oniriques. Les explosions sociales que nous avons connues dernièrement sont là pour nous le rappeler.

Et notre présence nombreuse ici et en commission des affaires économiques est le signe que nous sommes tous concernés par ces problématiques, élus d'outre-mer et de l'hexagone. L'éclairage apporté par les élus ultramarins nous permet certes de mieux appréhender la spécificité de ces territoires ; mais, même si nos analyses sont parfois moins pertinentes que les leurs, nous serons là pour les soutenir.

Au-delà de l'adoption de ce texte, il faudra continuer à travailler sur des dispositifs plus innovants et plus efficaces, envisager de remettre à plat les dispositifs actuels et surtout ne plus considérer les outres-mer comme des centres de coûts et des poches d'assistanat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

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