Intervention de Philippe Martin

Réunion du 17 septembre 2013 à 17h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Je commence moi aussi par vous dire mon plaisir à retrouver cette commission du développement durable, dont j'ai fait partie dès les présidences de Christian Jacob et de Serge Grouard : dans cette commission jeune, les parlementaires de la majorité comme de l'opposition sont souvent, au-delà des clivages politiques, animés d'une même envie de persuader leurs collègues des autres commissions que le développement durable est une cause majeure et juste.

Nous sommes à la veille de la deuxième conférence environnementale et de la présentation du projet de loi de finances pour 2014 : je les évoquerai, bien sûr, mais vous comprendrez que je laisse au Président de la République et au Premier ministre la primeur de certaines annonces.

Je suis ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie pour défendre ce que nous avons souvent porté ici ensemble, et pour rendre possible ce que nous avons souvent imaginé : la transition écologique de notre pays, qui entraînerait l'Europe dans son sillage. Le Président de la République a souhaité, lors de la première conférence environnementale, que notre pays s'engage sur la voie de l'excellence environnementale, et c'est la mission qu'il m'a confiée. Je veux l'accomplir avec vous.

Vous connaissez mes convictions ; vous les savez anciennes. La transition écologique ne constitue pas à mes yeux une possibilité ; c'est pour moi une obligation. Ce n'est pas une punition ; cela doit être une chance. Les résultats ne seront pas visibles à court terme, mais il n'en est pas moins urgent d'engager ce processus : songez qu'en huit mois seulement, nous avons épuisé les ressources de la planète pour une année ! Depuis le 20 août, nous sommes en situation de dette écologique, et nous alourdissons le fardeau que nous transmettrons aux générations futures. Cette transformation est donc impérative et nous devons nous y atteler maintenant plutôt que de la subir plus tard.

Nous devons aussi tenir un discours positif, car il n'y aura pas de transition écologique sans adhésion populaire. Nous devons changer notre manière de produire, de nous loger et d'aménager le territoire, de consommer, de nous déplacer, de gouverner ; et je reste, comme beaucoup d'entre vous, convaincu que la transition écologique peut répondre à une part des difficultés économiques de nos concitoyens. Nous ne sortirons pas durablement de la crise actuelle sans cette transformation globale ! C'est pourquoi je travaille de façon étroite avec Arnaud Montebourg. Le Président de la République a présenté la semaine dernière trente-quatre filières de la France industrielle de demain : la moitié d'entre elles concernent la transition écologique – transports, stockage de l'énergie, rénovation thermique des bâtiments…

Pour être accepté, ce changement devra être progressif, collectif, et concerté. Le Président de la République tient beaucoup à ce que la transition écologique soit un projet partagé, et nous croyons, comme vous, à un dialogue environnemental qui soit l'égal du dialogue social. La première conférence environnementale, en 2012, a mis autour de la table des représentants des ONG, des organisations syndicales, des employeurs, des collectivités locales, des parlementaires. J'insiste sur ces derniers, car je voudrais qu'ils occupent une place plus importante avant même l'examen des lois. MM. Julien Aubert, Denis Baupin et Philippe Plisson font ainsi partie du Conseil national de la transition écologique que j'ai installé la semaine dernière ; je m'en félicite d'autant plus que nous avions été nombreux à regretter que les parlementaires n'aient pas été invités à participer au Grenelle.

La première conférence environnementale a permis de donner au Gouvernement une feuille de route qui met en avant la transition énergétique, la biodiversité, la prévention des risques sanitaires environnementaux, le financement de la transition et la fiscalité écologique et la gouvernance environnementale. Un an après, les trois-quarts des décisions prises en septembre 2012 ont été mises en oeuvre, ou sont en passe de l'être, selon un calendrier connu.

Le Président de la République l'a redit dimanche dernier : notre pays ne comptera dans le monde qu'à la condition de réussir sa transition écologique et énergétique. C'est un enjeu de souveraineté, qui permettra de relancer notre industrie et de créer des emplois. Au cours du débat national sur la transition énergétique qui s'est déroulé de novembre 2012 à juillet 2013, aucun sujet n'a été éludé ; les travaux issus de ce débat nourriront largement le projet de loi à venir. La synthèse des enjeux réalisée à l'issue de ce débat sera d'ailleurs remise demain au Président de la République par Mme Laurence Tubiana.

Dans un autre domaine, et conformément là encore aux engagements du Président de la République, les demandes de permis exclusif de recherche d'hydrocarbures liquides ou gazeux – c'est-à-dire de gaz ou huiles de schiste – ont été rejetées en septembre 2012, en application de la loi du 13 juillet 2011, qui proscrit la fracturation hydraulique sur notre territoire. Sont concernés les permis de Brignoles, de Beaumont-de-Lomagne, de Cahors, de Gréoux-les-Bains, de Lyon-Annecy, l'extension de Montélimar, les permis de Montfalcon et de Valence. La fracturation hydraulique est et restera interdite sur notre territoire.

M. le Premier ministre, Mme Cécile Duflot et moi-même présenterons d'ici à la fin de la semaine la mise en oeuvre du plan de rénovation énergétique de l'habitat, composante essentielle de la transition énergétique : c'est un outil puissant pour lutter contre la précarité énergétique. Nous proposerons des aides nouvelles afin que les travaux d'efficacité énergétique soient accessibles au plus grand nombre.

Nous avons pris des mesures d'urgence pour relancer le développement des énergies renouvelables : le cadre législatif de développement de l'éolien terrestre a été simplifié ; pour faire face à la crise du photovoltaïque, qui nous a fait perdre 14 000 emplois entre 2010 et 2012, nous avons prévu de développer 1 000 mégawatts de projets nouveaux en 2013. Un appel à manifestation d'intérêt a été lancé en mai 2013 afin de consolider les filières des énergies marines renouvelables – énergie hydrolienne, éolien flottant, énergie houlomotrice et énergie thermique des mers. Dans le cadre du plan national « biogaz », la France s'est fixé un objectif : le biogaz doit permettre d'alimenter l'équivalent de 800 000 foyers en électricité renouvelable hors chauffage, et de produire l'équivalent de 555 000 tonnes de pétrole en chaleur renouvelable. La loi de transition énergétique devra notamment stabiliser le cadre juridique applicable aux énergies renouvelables, afin de favoriser leur essor. Le calendrier parlementaire, vous ne l'ignorez pas, est chargé. Des discussions sont en cours avec le ministre chargé des relations avec le Parlement et avec le Premier ministre pour fixer une date d'examen de cette loi : je souhaite pour ma part qu'elle puisse être adoptée avant la fin de l'année prochaine.

La dernière grande loi de protection de la nature remonte à 1976, et le ministre était alors Michel d'Ornano. La préparation d'une nouvelle loi-cadre sur la biodiversité, annoncée par le Président de la République lors de la première conférence environnementale, est aujourd'hui très largement engagée ; la consultation va commencer sur le projet de texte, qui prévoit notamment la création d'une Agence française pour la biodiversité, ainsi que l'instauration d'un régime d'accès aux ressources génétiques et de partage des avantages résultant de leur utilisation, ce qui permettra de mettre en oeuvre le protocole de Nagoya. Le texte comprend également des dispositions sur les espèces naturelles et la protection des espèces, la création de zones de conservation halieutique, la reconnaissance de l'importance des paysages ordinaires, et l'extension de la politique du paysage à la gestion et à l'aménagement.

S'agissant des risques sanitaires environnementaux, l'adoption de la proposition de loi de Gérard Bapt a permis l'interdiction totale du bisphénol A dans les contenants alimentaires. Une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens a été lancée. Vous avez également adopté, à l'initiative des parlementaires écologistes, une loi donnant enfin un véritable statut juridique aux lanceurs d'alerte.

Le Comité permanent pour la fiscalité écologique, présidé par Christian de Perthuis, a remis son rapport d'étape aux trois ministres concernés – Pierre Moscovici, Bernard Cazeneuve et moi-même – le 18 juillet dernier. Les arbitrages sont en cours : je ne peux donc rien en dire, sauf pour me féliciter de la décision d'introduire une composante carbone dans notre fiscalité. Nous préciserons le périmètre et la trajectoire de cette composante carbone lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2014, le 25 septembre prochain.

Je rappelle d'ailleurs que l'objectif de contribution à la transition écologique a été inscrit par la loi du 31 décembre 2012 dans les missions de la Banque publique d'investissement.

La loi du 27 décembre 2012 relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement a créé le Conseil national de la transition écologique (CNTE). Installée la semaine dernière, cette instance de dialogue et de concertation est forte de cinquante membres, dont plusieurs parlementaires ; elle sera consultée par le Gouvernement sur les projets de loi et les grandes décisions en matière de transition écologique, notamment sur la nouvelle stratégie nationale de transition écologique, qui prend la suite de l'actuelle stratégie nationale de développement durable 2010-2013.

Le Président de la République a fait de la simplification des normes une priorité : les états généraux de la modernisation du droit de l'environnement ont été lancés le 16 avril 2013.

En 2013-2014, une attention particulière sera portée à celles des décisions de la première conférence environnementale qui ont pris du retard, ainsi qu'à celles en voie d'être menées à bien : elles figureront dans une partie intitulée « droit de suite » de la feuille de route issue de la conférence environnementale de 2013. Il me paraît fondamental pour la crédibilité de notre démarche que la transparence dans la durée soit absolue : la transition écologique est un projet qui doit s'inscrire dans le temps, avec des rendez-vous d'étape réguliers, des engagements pris ensemble, des ajustements au fur et à mesure, et de nouveaux engagements. Elle exige de la constance et des objectifs clairs.

La deuxième conférence environnementale sera un événement important : nous préciserons et ajusterons certaines décisions prises lors de la première conférence, et nous en prendrons de nouvelles. Je tiens à la méthode – prendre le temps de la concertation ; après le temps des constats et des mots, agir et décider.

Cette conférence sera ouverte vendredi matin par le Président de la République et conclue le lendemain après-midi par le Premier ministre : ces deux temps forts permettront de donner le cap de l'année qui vient. Cinq tables rondes seront organisées – économie circulaire ; emploi et transition écologique ; politique de l'eau ; biodiversité marine, mer et océans ; éducation à l'environnement et au développement durable. Viendra ensuite le temps des lois, qui structureront la transition écologique : dans un premier temps, réforme du code minier, biodiversité et transition énergétique.

Je souhaite vivement que les parlementaires soient associés très en amont à l'élaboration de ces lois, et je prendrai des initiatives en ce sens, car j'ai pu mesurer par le passé combien il était utile que la production législative soit partagée. J'en profite pour souligner tout l'intérêt que je porte aux missions d'information de votre Commission, qu'il s'agisse de la gestion des déchets, de l'affichage environnemental… Ces missions qui portent sur des thèmes majeurs contribueront sans nul doute à la réflexion du Gouvernement.

En 2015 se tiendra à Paris une nouvelle conférence des parties sur le climat : cela sera confirmé à Varsovie à la fin de cette année. C'était le souhait du Président de la République. Notre pays endosse ainsi une responsabilité particulière : celle de présider les négociations qui doivent mener à la conclusion d'un accord universel sur le climat. Nous avons tous suivi les éditions précédentes – certains y ont même participé ; nous avons nourri des espoirs et connu des déceptions. La France devra donc se montrer exemplaire, tout comme l'Union européenne : nous soutenons l'adoption par l'Union d'objectifs ambitieux de réduction de 40 % de nos émissions en 2030 par rapport à 1990, et de 60 % d'ici à 2040.

Notre feuille de route est donc bien remplie. Les conférences environnementales annuelles permettront de vérifier l'avancement de nos travaux en vue d'une transition écologique plus que jamais nécessaire pour nous tous.

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