Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi qui vient en discussion ce soir est une réponse aux conditions manifestes de vie chère qui caractérisent nos territoires ultramarins. Ce projet de loi est un texte de progrès et de justice : à son origine, il y a quelques constats simples, ressentis et vécus durement et douloureusement par nos compatriotes des outre-mer comme une injustice flagrante.
Les problèmes de vie chère ont conduit en 2009 à des crises sociales sans précédent en Guadeloupe comme dans les autres territoires. Si ces crises ont permis de mettre en exergue ces problèmes, force est de constater que les conséquences sociales sont encore visibles et que la vie reste globalement toujours beaucoup plus chère dans nos régions que dans l'hexagone. Sur nos territoires, les prix demeurent bien supérieurs à ceux de l'hexagone : un écart de 22 à 38,5 % a été mesuré en 2010 par l'INSEE pour les produits alimentaires. Cette injustice est d'autant plus grande que les revenus sont notoirement plus faibles en outre-mer : le revenu médian y est inférieur de 38 % par rapport à l'hexagone.
Aussi souhaiterais-je tout d'abord féliciter le Gouvernement, et en particulier M. le ministre des outre-mer, de s'être emparé avec courage et promptitude de ce sujet. En effet, monsieur le ministre, en tant que président du conseil régional de la Guadeloupe, vous avez été le premier en 2008 à dénoncer le système opaque de fixation du prix de l'essence. Vous avez, par ailleurs, innové en créant en 2010 la SEM patrimoniale Région Guadeloupe qui a pour vocation d'accompagner et de soutenir le développement économique du territoire. Cette initiative a conduit au rachat par la SEM des locaux d'un supermarché, et à la signature par les sociétés exploitantes de « chartes de consommateurs » visant à proposer une offre de prix concurrentielle. Pendant que certains observaient et s'agitaient, vous avez agi ! Je ne doutais donc pas que la vie chère serait votre premier cheval de bataille en tant que ministre des outre-mer. Pour cela, au nom des Guadeloupéens et plus largement des ultramarins, je vous remercie.
Fort de cette expérience, vous avez décidé de vous attaquer non plus aux conséquences, mais bien aux causes identifiées de cette situation particulière aux outre-mer ; non plus aux prix de détail, partie émergée de l'iceberg, mais aux prix de gros, en amont de la chaîne, là où se situent les mécanismes de formation des prix excessifs.
Certains pourraient assimiler ce qui précède à de la flagornerie : qu'ils se détrompent ! S'attaquer aux causes de la vie chère dans nos territoires relève véritablement du courage politique, tant les pratiques et les habitudes limitant l'existence d'une concurrence saine sont ancrées et favorisées par les situations monopolistiques et oligopolistiques.
Les réactions virulentes de certains acteurs économiques locaux face à cette volonté de légiférer prouvent, s'il le fallait, que l'application du texte dont nous débattons aujourd'hui devrait mettre un terme à nombre de modi operandi qui, pendant longtemps, leur ont profité injustement. En effet, la clarification des chaînes d'approvisionnement prévue à l'article 1er, la prohibition des droits exclusifs d'importation prévue à l'article 2 et l'abaissement à cinq millions d'euros de chiffre d'affaires du seuil de concentration dans le secteur du commerce de détail sont autant de mesures qui contraindront les acteurs en place à tirer leurs prix vers le bas. Elles permettront par ailleurs de créer des conditions favorables à l'entrée de nouveaux acteurs sur des marchés jusque là biaisés par des pratiques anticoncurrentielles. Au-delà de l'intérêt évident pour le consommateur final, le marché de l'emploi outre-mer, ô combien sinistré, pourrait clairement bénéficier de cette nouvelle donne.
Chers collègues, la nouvelle majorité fera ce que la LODEOM votée en 2009 n'a pas réussi à faire. Le blocage des prix tel que le prévoyait la LODEOM n'a jamais été appliqué, faute, précisément, d'être applicable à l'ensemble des outre-mer, mais aussi faute de véritable volonté politique. Aujourd'hui, le texte qui nous est présenté a le courage d'instaurer un véritable bouclier qualité-prix par la négociation avec les organisations professionnelles, dans les collectivités d'outre-mer, d'un accord de modération du prix d'une liste de produits de grande consommation.
Ceci étant, si ce texte constitue, comme le dit M. le ministre, une véritable boîte à outils permettant à l'État et aux collectivités territoriales de mieux contrôler les prix et les pratiques commerciales outre-mer, vous devrez veiller à ce que la DGCCRF, les DIRECCTE ainsi que les observatoires des prix et des revenus disposent effectivement des moyens nécessaires à son application sur chaque territoire.
Pour conclure, je souhaite vous préciser que j'aurai l'occasion de défendre un amendement visant à permettre l'organisation, sur nos chaînes locales, d'émissions grand public sur la consommation en outre-mer. L'objectif de cette démarche, que j'assume, est de renforcer le rôle déterminant des associations de consommateurs, qui détiennent une réelle expertise, dans la lutte contre la vie chère. Cette démarche vers plus de visibilité des associations de consommateurs n'est qu'une première étape vers le renforcement de leur structuration au niveau local. Par la suite, je crois qu'il faudra réfléchir à l'optimisation des dispositifs d'aide financière et d'assistance juridique aux associations de consommateurs présentes dans les outre-mer.
En adoptant ce texte et en s'assurant de son application par l'affectation des moyens nécessaires, la puissance publique enverra un signal fort aux populations ultramarines en leur garantissant à terme un système de consommation juste et durable. En ces temps de crise, il y va de notre lien social et de la stabilité économique des outre-mer.
Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur mon soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)