Intervention de Monique Orphé

Séance en hémicycle du 9 octobre 2012 à 21h30
Régulation économique outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Orphé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame et monsieur les rapporteurs, monsieur le président de la délégation aux outre-mer, mesdames et messieurs les députés, nos territoires d'outre-mer ont, par leur histoire, leur population et leur culture, toujours occupé une place particulière au sein de la République. Confrontés à de nombreux enjeux du fait de notre situation insulaire, nous avons, depuis 1946, surmonté de multiples défis grâce à la solidarité nationale.

Le projet de loi sur la régulation économique en outre-mer s'inscrit dans cette continuité en s'attaquant au défi majeur de la vie chère. Comme l'ont rappelé mes collègues, en citant les chiffres les plus révélateurs, c'est un problème grave et urgent qui se pose aujourd'hui. Le coût élevé de la vie en outre-mer a un très fort impact sur le budget de nos concitoyens. Ce coût de la vie élevé est trop souvent justifié par l'étroitesse du marché et l'éloignement.

Comment expliquer, voire accepter avec fatalisme des prix représentant le double, voire le triple de ceux affichés dans l'hexagone alors que ces mêmes produits sont parfois exonérés de l'octroi de mer ?

Ce coût élevé de la vie pèse sur le niveau de vie déjà trop bas des populations d'outre-mer. À La Réunion, près de la moitié de la population vit avec moins de 800 euros par mois. La précarité gagne chaque jour du terrain dans nos territoires et s'est accentuée avec la crise.

Les grèves massives en Guadeloupe et en Martinique en 2009, puis à Mayotte en 2011, et plus récemment à La Réunion, ont illustré le malaise social qui règne dans nos territoires, des mouvements sociaux qui se sont inscrits dans un contexte d'accroissement des inégalités.

En effet, selon une étude de l'INSEE, ce sont les villes réunionnaises et martiniquaises qui occupent neuf des dix premières places des communes de France les plus touchées par les inégalités. À La Réunion, un ménage sur dix ne perçoit aucun revenu avant de toucher les minima sociaux. Pire, si l'on se réfère au coefficient de Gini qui mesure les inégalités de revenus dans une société donnée, on constate que La Réunion avec un taux de 0,42 est plus proche de la France de 1900 que de celle de 2008. Ces inégalités génèrent des frustrations et provoquent des ressentiments contre un État jugé impuissant. Elles développent aussi un sentiment de défiance vis-à-vis des politiques accusés souvent d'être complices de l'aggravation de ces inégalités.

La loi que nous examinons aujourd'hui est donc un signal fort envoyé à toutes ces populations ultramarines durement touchées par l'inflation et la vie chère. Elle marque une volonté courageuse d'agir contre les monopoles, les ententes illicites et les abus de position dominante qui imposent des prix abusifs pour satisfaire des marges excessives et injustifiées.

Après la loi sur les emplois d'avenir et celle sur le logement social, celle-ci montre de nouveau la volonté de ce Gouvernement de respecter les engagements pris par le Président de la République vis-à-vis de l'outre-mer.

Elle devrait, à terme, permettre d'agir sur la formation des prix et avoir un effet favorable sur le budget des ménages, notamment celui consacré aux dépenses d'alimentation courante. Elle devrait également permettre à de nouveaux acteurs économiques, notamment des jeunes entrepreneurs, de s'implanter et de développer plus facilement leurs activités. Elle devrait enfin contribuer à mieux répartir la richesse et favoriser ainsi un développement plus harmonieux et moins inégalitaire.

Néanmoins, cette loi ne produira des effets que si nous la faisons vivre et si la lutte contre les monopoles ne reste pas qu'un objectif théorique. La Haute autorité de la concurrence, ainsi que les lanceurs d'alertes comme les collectivités territoriales, devront, à ce titre, assumer pleinement leur rôle. Ils devront faire preuve d'une grande fermeté. Je souhaite aussi qu'à terme, les associations de consommateurs agréées jouent un plus grand rôle dans l'alerte de l'Autorité de la concurrence. Les consommateurs sont les premiers concernés par la vie chère et doivent donc être les premiers à se mobiliser pour les dénoncer. La vigilance de tous les acteurs de notre société est nécessaire afin de lutter efficacement contre ces monopoles.

Cela dit, monsieur le ministre, si cette loi s'attaque à un aspect essentiel de la crise de nos territoires, elle ne constitue qu'un premier pas vers une politique plus globale de lutte contre la vie chère. En effet, ce dont nous avons besoin aujourd'hui est une réflexion plus approfondie sur ce sujet, notamment sur les autres causes qui grèvent lourdement le pouvoir d'achat des ménages ultramarins. Je veux parler du prix des loyers, des frais bancaires, des coûts des transports notamment aériens, et des coûts des télécommunications.

Je conclurai, monsieur le ministre, en vous disant que nous ne pouvons nous exonérer d'une réflexion plus profonde sur un nouveau modèle de développement économique en outre-mer, mais aussi sur notre modèle de consommation qui est de plus en plus calqué sur le modèle européen. Nous devons certainement consommer mieux ou, comme le préconise le rapport Sueur sur les services publics, la vie chère et l'emploi des jeunes, nous tourner davantage vers la consommation de produits locaux ou issus de notre environnement régional.

Cela permettrait d'une part de stimuler nos industries locales et, d'autre part, de diminuer le coût des produits de première nécessité. Des amendements seront présentés en ce sens. J'espère qu'ils seront votés à l'unanimité.

En tout état de cause, vous pouvez compter sur mon soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion