Intervention de Jean-Marc Ayrault

Séance en hémicycle du 10 octobre 2012 à 15h00
Éloge funèbre d'olivier ferrand

Jean-Marc Ayrault, Premier ministre :

Madame, chère Carole, chère Ariane, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les députés, la disparition brutale d'Olivier Ferrand, le 30 juin 2012, à Velaux, dans le mas familial, nous a tous bouleversés. C'est une perte immense pour sa femme, Carole, pour sa fille, Ariane, pour sa famille, pour ses proches, pour ses amis, ses amis socialistes, et aussi pour le débat démocratique.

Il a été fauché en pleine jeunesse, à l'âge de quarante-deux ans, lui qui était animé d'une énergie peu commune.

Il est mort dans sa circonscription, celle qu'il venait de conquérir de haute lutte. Il aimait cette magnifique région. Il était particulièrement attaché à la ville de Marseille, qui l'a vu naître en 1969.

Son parcours brillant force le respect. C'est le parcours d'un responsable politique, mais aussi d'un intellectuel qui aimait par-dessus tout le débat d'idées. Diplômé d'HEC, de Sciences Po Paris et de l'ENA, il a toujours pris plaisir par la suite à enseigner, à transmettre, dans ces écoles prestigieuses où il avait été lui-même étudiant, l'économie, les finances publiques – il est l'auteur d'un manuel connu de tous les spécialistes – ou encore les questions européennes qui le passionnaient.

Olivier Ferrand était un Européen convaincu. Conseiller pour les affaires européennes auprès de Lionel Jospin de 1999 à 2002, délégué général à partir de 2004 du club de réflexion « À gauche en Europe », il fut aussi le rapporteur général de la mission « l'Europe dans la mondialisation ». Il s'est constamment engagé pour la construction d'une Europe politique, pour une Europe capable de défendre son modèle et qui puisse jouer pleinement son rôle sur le plan international.

Passionné par l'action politique, il a très vite voulu se frotter au suffrage universel. D'abord élu dans le 3e arrondissement de Paris de 2001 à 2007, il impulse avec son maire, Pierre Aidenbaum, des pratiques démocratiques innovantes, par exemple dans le cadre du projet de rénovation du Carreau du Temple. En 2007, il échoue à se faire élire député dans la quatrième circonscription des Pyrénées-Orientales, mais il démontre, dans ce premier combat électoral particulièrement difficile, une ténacité et un courage remarquables. Et en 2008, il est élu dans la commune de Thuir où il devient maire adjoint.

En juin 2012, il y a quelques mois, c'est au terme d'une campagne particulièrement rude qu'il est élu député de la huitième circonscription des Bouches-du-Rhône. Cette victoire, il est allé la chercher par une campagne de terrain déterminée, mais aussi en suscitant des débats de fond très appréciés des électeurs, en donnant en quelque sorte une image rénovée de la politique.

Nous avons tous la conviction qu'il aurait été un député actif, un député respecté dont la parole aurait compté. Il était devenu un symbole du renouvellement de la classe politique et de la volonté de concilier l'engagement politique et le débat intellectuel.

Olivier Ferrand était un intellectuel social-démocrate, qui s'assumait comme tel. Il creusait son sillon, produisait des idées innovantes, poursuivait un objectif clair : dépasser les vieilles recettes, chercher de nouvelles solutions pour surmonter la crise et repartir de l'avant.

Le laboratoire d'idées qu'il a créé en 2008 et dont il était le président, Terra Nova, s'est imposé très vite comme l'un des plus productifs et des plus écoutés. Terra Nova, c'est plus de 60 rapports publiés depuis 2008 sur des sujets essentiels comme l'avenir des retraites, la lutte contre la pauvreté, la maîtrise de l'énergie, les services publics, la compétitivité, la santé, ainsi que des centaines de notes d'analyse couvrant l'intégralité des politiques publiques. C'est un réseau remarquable d'un millier de chercheurs, d'intellectuels et d'experts. Son indépendance à l'égard de tout appareil, sa capacité à susciter le débat sans tabou, en refusant tout carcan idéologique, en ont fait une référence incontournable.

C'est dans ce cadre qu'Olivier Ferrand a contribué à faire avancer le projet de primaire ouverte en vue de la désignation du candidat socialiste à l'élection présidentielle. Ce n'était pas gagné d'avance tant il y avait de scepticisme. Il a mené sans relâche un travail de conviction, publié des essais qui ont rencontré un très large écho : Pour une primaire à la française, en 2008, avec Olivier Duhamel ; Primaire : comment sauver la gauche ?, en 2009, avec Arnault Montebourg. Le succès populaire incontestable des primaires citoyennes, en octobre 2011, lui a donné raison, à lui comme à tous ceux qui ont été les précurseurs de cette révolution démocratique.

Nous gardons le souvenir d'un homme débordant d'énergie et de projets, d'un homme rigoureux et capable de déployer une force de travail exceptionnelle. Il était un grand sportif aussi, un homme épanoui dans sa vie personnelle et familiale. Il était un homme heureux d'entamer une nouvelle vie d'élu de la nation. Il faisait honneur à l'Assemblée nationale tout entière.

À son épouse Carole, à sa fille Ariane, à ses parents, à sa famille, à ses proches, et aussi aux élus du groupe socialiste, j'exprime, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, mes sincères condoléances.

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