Permettez-moi de rappeler brièvement à nos collègues, qui ne sont pas tous des spécialistes de la Nouvelle-Calédonie, quelques caractéristiques de ce territoire situé à 20 000 kilomètres de la métropole et qui a tant fait parler de lui.
Plusieurs des dispositions applicables en Nouvelle-Calédonie dérogent sensiblement au droit commun, au point que ces dérogations ont nécessité, en 1998, une réforme de la Constitution, qui réserve désormais un titre particulier à l'archipel. Le congrès de la Nouvelle-Calédonie est une émanation des trois provinces, puisqu'un certain nombre de membres des assemblées des provinces – deux sont détenues par les indépendantistes et une par les non-indépendantistes – en sont membres de droit. Ce congrès a un pouvoir législatif : il peut voter dans certains domaines des « lois du pays », qui, en Nouvelle-Calédonie, ont la même valeur que celles votées par le Parlement et peuvent être soumises au contrôle de constitutionnalité du Conseil constitutionnel. La Nouvelle-Calédonie est la seule collectivité d'outre-mer à s'être vu conférer un tel pouvoir législatif.
Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est collégial et « proportionnel », ce qui signifie qu'il est obligatoirement composé d'indépendantistes et de non-indépendantistes. Son fonctionnement doit obéir autant qu'il est possible au consensus et à la collégialité.
L'exercice du droit électoral des Français de métropole résidant en Nouvelle-Calédonie est limité s'agissant des élections provinciales – qui sont les plus importantes : ne peuvent y voter que ceux d'entre eux qui étaient présents en 1998, au moment où les Calédoniens ont approuvé l'accord de Nouméa. Le corps électoral est donc figé. Ainsi, quelque 10 000 personnes ont aujourd'hui le droit de vote aux élections municipales, législatives et présidentielles, mais non aux élections provinciales.
Par ailleurs, les transferts de compétences exercés au profit de la Nouvelle-Calédonie sont irréversibles.
Toutes ces dispositions étaient prévues par l'accord de Nouméa de 1998, consacré à l'article 76 de la Constitution.
Les électeurs calédoniens, qu'ils soient d'origine européenne ou kanake, jouissent non seulement du droit de vote aux élections provinciales, mais aussi d'une citoyenneté calédonienne qui leur donne, à compétence égale, une priorité dans l'accès à l'emploi privé. La liste des professions concernées a fait l'objet d'un accord entre les partenaires sociaux calédoniens.
L'histoire, le fonctionnement et l'évolution de ce territoire sont donc tout à fait particuliers. À l'issue de cette période transitoire, c'est-à-dire à partir de 2014, après les élections provinciales du mois de mars, le nouveau congrès aura la possibilité de lancer la phase finale de l'accord de Nouméa en demandant un référendum sur l'accession à la souveraineté, afin d'envisager le transfert des pouvoirs régaliens restés aux mains de l'État.
Dans ce contexte, les élections provinciales de 2014 sont un enjeu important, étant entendu que ce référendum ne pourra être décidé qu'à une majorité qualifiée des trois cinquièmes du congrès. Il faudra donc que les deux camps se mettent d'accord. S'ils n'y parviennent pas, il appartiendra au gouvernement français d'enclencher la procédure à partir de 2018.
Pour être tout à fait complet, je dois ajouter que la situation politique locale est assez compliquée. Notre collègue Philippe Gomes, qui est venu assister aux travaux de notre Commission, pourrait vous en dire bien davantage à cet égard. Mais l'Assemblée nationale doit s'efforcer de rester à l'écart de ces querelles locales, surtout à la veille d'une campagne électorale.
Le projet de loi organique qui nous est soumis est un texte technique, qui répond à une demande unanime des Calédoniens. Le comité des signataires de l'accord de Nouméa, qui se réunit tous les ans, avait proposé l'an dernier diverses améliorations de la loi organique. Le projet rédigé par le Gouvernement a été soumis au congrès de la Nouvelle-Calédonie, qui a rendu un avis très complet et fait quelques propositions complémentaires.
J'ai travaillé étroitement en amont avec Mme Catherine Tasca, rapporteure du texte au Sénat. Sachant que le projet a été adopté à l'unanimité par la Haute Assemblée, j'aurai à coeur d'éviter de supprimer des dispositions qui ont été acceptées par nos collègues.
Je m'en tiendrai donc, pour me déterminer sur les amendements, aux demandes du comité des signataires et aux textes ayant fait l'objet d'un accord unanime du congrès. Les dispositions qui iraient au-delà ne devront susciter aucune difficulté locale pour recueillir un avis favorable du rapporteur. Le projet de loi organique n'est pas le lieu pour ouvrir un débat sur les problèmes de fond de la société calédonienne : il s'agit simplement d'assurer un meilleur fonctionnement des dispositions actuelles.
Le texte autorise la Nouvelle-Calédonie à créer des autorités administratives indépendantes locales, et en particulier une autorité de la concurrence. Il traite aussi des règles budgétaires. Enfin, il comporte quelques dispositions techniques réclamées par les élus, principalement sur les sociétés publiques locales.