Je remercie vos deux Commissions de m'accueillir aujourd'hui et de me donner ainsi la possibilité à la fois de m'exprimer et de répondre aux questions des députés. Cette audition survient à moment particulier pour la SNCF : le drame de Brétigny-sur-Orge est survenu il y a seulement deux mois, la SNCF vient de publier ses résultats pour le deuxième semestre de l'année 2013, nous préparons la réforme ferroviaire et le « quatrième paquet » est en cours à Bruxelles.
L'accident de Brétigny-sur-Orge a constitué pour chacun d'entre nous un choc terrible. La SNCF fait tout, conjointement avec RFF, pour faire face à cette situation aux côtés des familles des victimes – une réunion avec l'État, en présence de celles-ci, est d'ailleurs prévue d'ici la fin du mois. Des enquêtes, confiées à trois juges d'instruction et au Bureau Enquête Accident, sont actuellement en cours : il convient donc de se garder de toute conclusion hâtive, mais nous sommes attachés à ce que la vérité soit parfaitement claire pour les victimes de cette catastrophe et pour leurs proches, et à ce que toutes les leçons en soit tirées pour les voyageurs et pour les salariés des deux entreprises concernées. RFF et la SNCF sont responsables de la vie de leurs clients, c'est pourquoi nous avons, avec M. Jacques Rapoport, indiqué que notre responsabilité dans cet accident ne saurait être discutée.
S'agissant des résultats obtenus par la SNCF en termes de qualité de service, ils sont plutôt encourageants actuellement, puisque le premier semestre 2013 est légèrement meilleur que le premier semestre 2012, en dépit d'un volume de travaux beaucoup plus important sur le réseau. Les travaux ont connu, en deux ans, une augmentation de 30 %, ce qui entraîne inévitablement des perturbations et des ralentissements pour les usagers. En Île-de-France, les travaux ont même été multipliés par quatre en l'espace de cinq ans, ce qui a créé une situation très difficile pour les voyageurs, notamment pendant les mois de juillet et août dans le RER.
En termes de ponctualité, les résultats obtenus sont en progression pour les TER (92,3 %), les TGV (91 %), les trains Intercités (90,7 %), mais restent insuffisants pour les Transiliens et RER – 89 % –, ainsi que pour le fret – 85 % –. L'amélioration de la ponctualité des trains constitue un chantier de longue haleine, mais la remise à niveau du réseau ferroviaire commence à produire de premiers résultats. S'agissant du RER par exemple, le RER B, emprunté par 900 000 passagers chaque jour, a été entièrement rénové, et les autres lignes le seront bientôt.
Les résultats comptables ont été affectés par le ralentissement économique, mais se sont néanmoins élevés, au premier semestre de cette année, à 300 millions d'euros, ce qui est un peu mieux qu'au premier semestre 2012. La priorité demeure de maintenir l'effort d'investissement de la SNCF, qui atteint cette année un niveau sans précédent de 2,5 milliards d'euros, ce qui constitue une performance sans précédent pour un groupe dont le chiffre d'affaires s'élève à environ 33 milliards d'euros. Le ralentissement économique a conduit à une diminution du transport de marchandises, ainsi qu'à une croissance presque nulle du transport de proximité. La réaction de la SNCF a consisté à adapter ses charges afin de préserver ses marges pour financer ses investissements.
La dette de la SNCF, qui atteignait 7,5 milliards d'euros à la fin de l'année 2012, doit encore demeurer à ce niveau d'ici la fin de l'année 2013, ce qui demande beaucoup d'efforts car nous investissons beaucoup. Il nous faut en effet investir davantage sans augmenter notre endettement. Lors des Assises du ferroviaire et des États généraux du transport régional, les participants s'étaient accordés pour dire qu'il manquait 1,5 milliard d'euros par an pour assurer le financement du système ferroviaire. En outre, selon le rapport de M. Rapoport, la dette de RFF a augmenté de 3 milliards d'euros en 2012. Nous continuons donc à travailler avec l'État sur la façon dont la réforme permettra de trouver les 1,5 milliard d'euros manquant chaque année pour « boucler » notre financement.
S'agissant du gestionnaire des infrastructures ferroviaires, nous pensons pouvoir faire progresser de 10 % l'efficacité de la gestion et du fonctionnement du réseau ferroviaire, notamment grâce à de meilleurs achats en partenariat avec l'industrie ferroviaire, qui devraient nous permettre de faire face plus facilement aux pics de charge. Nous avons identifié d'autres sources de progrès. Ainsi, une simplification drastique de nos règles de fonctionnement devrait nous permettre d'économiser environ 150 millions d'euros par an, en réduisant le nombre de redondances et la complexité administrative résultant, par exemple, des multiples annulations ou reports de chantiers. Il serait aussi possible d'alléger les frais de support et les frais administratifs. Globalement, l'objectif est de doubler ses les gains d'efficacité du gestionnaire d'infrastructures, en les portant de 1 à 2 % par an.
Les gains attendus de la réforme ferroviaire sont multiples. Ainsi, s'agissant du futur opérateur de mobilité, la mise en place d'un plan de performance a pour objectif d'économiser 700 millions d'euros sur trois ans, en frais de fonctionnement – dépenses requises pour l'immobilier, les achats et les fonctions support notamment. En 2013 nous aurons ainsi économisé environ 170 millions d'euros. L'objectif de la réforme est d'assurer une production de meilleure qualité avec moins de moyens : nous espérons ainsi pouvoir économiser 1,3 milliard d'euros en cinq ans. Les gains d'efficacité obtenus tant en ce qui concerne les fonctions support que le volet industriel de l'activité ferroviaire permettront de proposer un transport moins cher pour la collectivité, ainsi que pour les voyageurs et les chargeurs. Nous offrirons ainsi le meilleur système ferroviaire possible, tout en ajustant son coût pour ceux qui le financent.
L'avant-projet de loi sur la réforme ferroviaire prévoit la possibilité, pour SNCF Mobilité de verser des dividendes à l'établissement public mère, dans une logique de groupe intégré. Cette nouvelle architecture devrait permettre d'améliorer l'efficacité de l'organisation du système ferroviaire selon des mécanismes que l'État arrêtera.
Même s'il existe parfois un certain scepticisme quant à l'efficacité du système ferroviaire, la réforme prévue, qui est systémique et européenne, et dont la logique industrielle est affirmée, reflète l'engagement pris envers le pays d'obtenir des gains d'efficacité industrielle : il s'agit d'une forme de contrat d'engagement avec les Français, que les établissements concernés entendent bien tenir.