Intervention de Guillaume Pepy

Réunion du 18 septembre 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Guillaume Pepy, président-directeur général de la SNCF :

Pour répondre à M. Rémi Pauvros, même si j'ai beaucoup parlé des enjeux financiers, il est clair pour moi que la modernisation sociale doit faire partie de nos ambitions. Il y a, plus précisément, deux sujets à négocier avec les organisations syndicales : d'abord, un pacte social pour le nouveau groupe. Un autre intervenant a évoqué le fait que les personnels de RFF et de SNCF n'ont pas les mêmes types de contrat. Il faut donc négocier leur harmonisation. Ensuite, plus généralement, l'ambition de notre pays est de disposer d'un cadre social unique pour l'ensemble du secteur. En cela, on ne fait que copier ce qu'ont déjà réalisé les Allemands il y a quinze ans et ce que les Italiens et les Néerlandais viennent de faire : négocier une convention collective pour tout le secteur ferroviaire. Cette perspective me semble, aujourd'hui, faire l'objet d'un large assentiment. Elle est nécessaire pour moderniser le cadre social et je suis très confiant dans le fait que nous y arriverons, à l'instar de nos voisins. Si on ne le faisait pas, avec le développement de la concurrence, on aboutirait à un double cadre social ; le cadre public pourrait sembler meilleur, mais, année après année, la charge disparaîtrait au profit du privé. Je pense qu'il y a une prise de conscience de la nécessité d'un cadre social harmonisé et nous allons engager ces négociations avec les organisations syndicales.

Quant aux objectifs de la SNCF, dans la lignée des préconisations du rapport de M. Philippe Duron validées par le Gouvernement, les priorités absolues sont le réseau existant et les transports de la vie quotidienne. Sur ce second champ, l'Île-de-France est une priorité nationale car les retards de modernisation y sont les plus importants. Je rappelle que les voyages du quotidien représentent 90 % des voyageurs des transports collectifs publics. S'agissant de la relation avec les régions, une page se tourne, une nouvelle s'ouvre : les régions veulent refonder leurs rapports avec le système ferroviaire – avec raison. Elles veulent une transparence leur permettant de véritables choix dans l'allocation des ressources ; elles veulent un service public de qualité, mais moins cher car leurs moyens ne progressent plus, et un service qui intègre non seulement les trains, mais aussi les bus et tramways – les « modes doux ». Demain, au congrès de l'Assemblée des régions de France, nous ferons des propositions en ce sens.

Enfin, sur le fret, cet après-midi, le ministre préside une table ronde avec toutes les parties prenantes. Il me semble que la presse a déjà évoqué l'annonce d'une nouvelle autoroute ferroviaire. C'est la voie qui nous paraît la plus prometteuse, à savoir le modèle du tunnel sous la Manche : les autoroutes ferroviaires fonctionnent ; elles assurent réellement du transfert modal ; et c'est un système d'avenir qui s'est déjà développé un peu partout en Suisse et en Autriche. L'avenir du fret se joue beaucoup autour de l'innovation et du transport de longue distance qui se substitue aux autoroutes et permet de rejoindre les ports – une dimension très importante.

Certaines des questions de M. Alain Gest s'adressent plutôt au Gouvernement et au ministre, notamment sur les choix de l'avant-projet de réforme. Je ne peux m'exprimer que du point de vue d'un opérateur. Avec M. Jacques Rapoport, nous avions fait des propositions très simples au Gouvernement : il faut aussi bien un gestionnaire du réseau de plein exercice qu'une entreprise de transport de plein exercice. Mais si on les place en face à face avec des intérêts financiers et stratégiques désalignés, on aboutit à la situation de ces dernières années, celle de deux entreprises publiques en conflit permanent. Pour aligner leurs intérêts, il faut un État stratège et, généralement, un établissement public de tête, comme à France Télévisions et dans d'autres secteurs de l'économie, afin que les deux entités – le réseau et les services – travaillent constamment ensemble. Cet alignement des intérêts nous paraît être une source importante d'efficacité économique et d'efficacité du service public.

S'agissant des questions posées par MM. Alain Gest et Yannick Favennec sur la régulation, je n'ai pas à me prononcer sur ce que prévoit l'avant-projet de loi. Nous savons, M. Jacques Rapoport et moi-même, qu'au fur et à mesure que le secteur ferroviaire s'ouvrira à la concurrence et deviendra plus européen, il y aura besoin d'un régulateur fort. Son existence est aussi dans notre intérêt car il jouera le rôle d'un « juge de paix » en nous disant comment cela fonctionne d'un point de vue économique et technique ainsi qu'en termes de sécurité, et réagira en temps réel, contrairement à la justice, qui met du temps à trancher les différends.

À propos des enjeux européens, la lutte est vive, aujourd'hui, à Bruxelles et à Strasbourg sur le quatrième « paquet ferroviaire ». Je souligne devant la représentation nationale qu'il nous paraît important que notre pays puisse peser dans ces discussions sur la législation européenne. Si la France n'a pas pris ses propres options, elle aura peu d'influence dans ce futur débat. En revanche, si le Parlement français a examiné, voire adopté, le projet de loi, la France aura défini une vision du système ferroviaire et pourra défendre ses positions sur des questions-clefs telles que l'Europe des trains, la concurrence, le financement… Le plus inquiétant serait que la réforme française soit faite par l'Europe. Il est important que l'énergie collectivement mobilisée pour préparer cette réforme se concrétise.

J'en viens aux autres questions de M. Yannick Favennec. Je me suis déjà exprimé sur le calendrier de la réforme. S'agissant ensuite de l'endettement, avec M. Jacques Rapoport, nous sommes convaincus que le système ferroviaire français est en danger de mort si nous ne nous donnons pas, un objectif de stabilisation absolu de sa dette. Celle-ci agit un peu comme une drogue sur le système ferroviaire : les projets se rajoutent, avec la conviction que le suivant est meilleur. Mais le résultat est qu'on a accumulé 32 milliards d'euros de dette pour le gestionnaire du réseau et 7 milliards pour l'entreprise de service ferroviaire, soit près de 40 milliards d'euros.

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