Sur les alliances, vous avez rappelé ce que j'avais dit lors d'une précédente audition. Or, ce que je voudrais préciser est que depuis cette dernière audition, les tendances sur les marchés internationaux n'ont fait que se renforcer. Les Américains sont toujours aussi « libéraux » en matière de fourniture d'armes ; si vous n'êtes pas américain produisant aux États-Unis vous ne pouvez pas vendre ! Le marché européen baisse encore plus vite que lorsque je suis venu la dernière fois. En revanche, les marchés exports, eux, se développent de plus en plus vite. L'apparition de nouveaux concurrents se fait donc plus rapidement que ce que l'on craignait, ce qui est encore plus dangereux.
Donc, je maintiens cette nécessité que se crée l'Europe de la défense, en tout cas l'Europe de l'industrie de la défense, à deux conditions essentielles. Tout d'abord, il ne peut y avoir une Europe de la défense en matière de fourniture de matériel que s'il y a une demande commune. Pour l'instant, en Europe, nous avons des marines nationales aux missions assez similaires, mais qui n'expriment pas leurs besoins de la même façon. Ainsi, un programme commun ne peut actuellement se développer qu'en englobant toutes les demandes dans une enveloppe commune, ou bien en s'adaptant aux spécificités de chaque marine nationale, ce qui pose de certains problèmes d'efficacité. Ensuite, la deuxième condition indispensable à la construction d'une véritable Europe de la défense en matière industrielle est qu'il y ait une offre commune, puisque si même avec une demande commune il y a des fournisseurs nationaux en concurrence, chacun voudra préserver sa base nationale, ce qui n'amènera pas à converger.
Pour moi, le meilleur exemple est celui du porte-avions : il y a quelques années on parlait d'un PA2, de plusieurs porte-avions sous forme britannique, on avait commencé à regarder ce que l'on pouvait faire ensemble et ceci s'est terminé comme vous le savez. Ce que je peux vous dire est qu'à l'époque, si chaque pays avait accepté de s'engager dans la définition d'un besoin commun, au prix de l'abandon de quelques spécificités dans chaque marine pour avoir un design commun, puis de réaliser ces porte-avions en commun en fonction de la qualité des capacités industrielles dans chaque État, ce qui aurait peut-être permis de produire un porte-avions tous les six mois pendant 18 mois sur les chantiers de Loire-Atlantique, en y mettant des moteurs Rolls Royce, aujourd'hui nous aurions ces trois porte-avions pour un coût beaucoup moins important que ce qu'engendrera la production strictement nationale. Il me semble que c'est le meilleur exemple de l'inefficacité de la façon dont nous travaillons en Europe. Il faut que nous arrivions à faire en sorte de changer cela. Le rôle des industriels dans cette démarche est alors de se regrouper, de définir une offre commune, ce qui dépend d'une part de l'amélioration des performances de chaque entreprise, et d'autre part de la volonté de s'allier.
En ce qui concerne les PME, qu'elles soient sous-traitantes ou fournisseurs, elles sont aujourd'hui totalement indispensables à DCNS. En effet, DCNS n'est que le pivot d'une entreprise élargie, seule à même de construire les navires destinés à la marine française ou à l'exportation. DCNS souhaite donc poursuivre le développement de partenariats avec ces entreprises. On choisit les meilleures entreprises pour que chaque partie y trouve son intérêt. Nous avons déjà ratifié des chartes de partenariats au sein de l'entreprise ; notamment celle du ministère de la Défense en présence du ministre. Nous travaillons également avec les PME à l'exportation puisque nos marchés internationaux sont aussi l'occasion pour elles de développer des partenariats locaux, et ainsi de s'implanter à l'étranger. Nous avons aujourd'hui de nombreux exemples de PME qui se développent en Malaisie, en Inde, au Brésil, etc.
Concernant le surcoût du MCO pour les SNA de la classe Rubis, je ne sais pas répondre à cette question ; cependant il y aura un surcoût annuel.
S'agissant de l'innovation, il faut que DCNS continue d'innover parce qu'elle en a besoin pour se développer et pour perfectionner les produits à destination de la marine nationale. Je vais d'ailleurs en profiter pour faire passer un message. Nous dépensons annuellement environ 10 % de notre chiffre d'affaires en recherche et développement, en fonction de trois sources : le développement de programmes, les plans d'études amont (PEA) et la recherche autofinancée. DCNS a décidé d'augmenter considérablement ses efforts en termes de recherche autofinancée afin d'atteindre 4 % de son chiffre d'affaires, alors qu'elle était à 2,7 %. Comme en même temps le chiffre d'affaires augmente, DCNS va faire tripler son effort de recherche autofinancée sur dix ans. Cependant, il faut ensuite que les PEA suivent ; or, la part des PEA consacrée au secteur naval est extrêmement faible, bien inférieure au poids que représentent les équipements navals acquis par la DGA, et ce chiffre ne cesse de baisser. Je salue la décision du ministre de réaugmenter les crédits de R&T, et j'espère que ceci profitera au naval.