Intervention de Didier Migaud

Réunion du 25 septembre 2013 à 15h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques :

La loi organique dispose que le Haut Conseil donne un avis – fondé sur les éléments portés à sa connaissance – sur les hypothèses de croissance et le scénario macroéconomique retenus par le Gouvernement, mais elle ne confie pas au Haut Comité la mission d'élaborer lui-même des prévisions. Chacun doit rester dans le cadre de la tâche que lui confère la loi.

Nous estimons les hypothèses de croissance plausibles et nous les distinguons du scénario macroéconomique ; en effet, ce dernier repose sur un rebond d'une croissance qui serait plutôt riche en emplois, alors que celle-ci pourrait être nourrie par une augmentation des exportations ou par une reprise plus marquée de l'investissement des entreprises qui ne se traduiraient pas forcément pas une augmentation substantielle de la création d'emplois.

Le CICE constitue-t-il un allégement de charges ? Qu'il puisse y être assimilé ou non, il ne générera pas forcément d'importantes créations d'emplois, compte tenu de la faiblesse des marges des entreprises. Celles-ci pourraient en effet êtres tentées de les reconstituer plutôt que d'embaucher. La contribution du CICE sera néanmoins positive, car il soutiendra la profitabilité des entreprises et évitera des faillites.

La crise affecte négativement la croissance potentielle, car des entreprises ont disparu, des emplois ont été détruits et des dépenses de recherche et développement ont été gelées ; le potentiel doit donc se trouver aujourd'hui à un niveau inférieur à celui affiché il y a cinq ans. Les notions de croissance potentielle et d'écart de production s'avèrent intéressantes pour s'abstraire de la conjoncture, mais leur définition varie souvent.

La faible inflation possède un impact neutre sur le solde structurel ou nominal, mais la révision à la baisse de la prévision de la progression des prix en 2013 gonfle mécaniquement la dépense en volume, puisque les normes de l'État et de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie – ONDAM – sont fixées en valeur dans la loi de finances initiale. La revalorisation des prestations sociales en avril a tenu compte de la plus faible inflation, qui induit par ailleurs des économies sur la charge de la dette indexée : l'effet haussier sur les dépenses sera donc atténué.

La prévision d'évolution de l'emploi dans le secteur non marchand repose sur une hypothèse volontariste, mais tout dépendra du montant des crédits que vous voterez, mesdames et messieurs les députés, et de leur déploiement sur le terrain.

Nous avons identifié des aléas pouvant améliorer ou dégrader le scénario macroéconomique ; sur le plan international, les aléas sont plutôt baissiers, mais de bonnes surprises peuvent, comme cette année, intervenir. Dans l'avis exprimé sur les années 2013 et 2014, le Haut Conseil ne s'était d'ailleurs pas autant trompé que le ministre de l'Économie et des finances l'a affirmé ce matin ; le Gouvernement a ainsi retenu une hypothèse de croissance inférieure à 1,2 %, prévision privilégiée par le Haut Conseil. Monsieur le rapporteur général de la commission des Finances, les instituts qui tablent sur une croissance de 1,3 % sont peu nombreux, à l'exception de l'OFCE qui gèle les effets récessifs – très forts dans son modèle – dus aux mesures de restriction budgétaire du fait de leur étalement dans le temps.

Monsieur Mariton, le Haut Conseil ne propose pas de modification de la loi de programmation des finances publiques, mais il constate des écarts entre la prévision contenue dans cette loi et la réalisation. Ainsi, si la loi n'est pas mise à jour pour prendre en compte le desserrement du calendrier de redressement des finances publiques françaises accepté par l'Union européenne, nous serons conduits à relever que le mécanisme de correction doit jouer. Par ailleurs, l'Union n'a pas renoncé à son objectif de voir les administrations publiques atteindre l'équilibre structurel en 2016. Cela nous obligera à fournir le même effort structurel en 2015 et en 2016 que celui prévu par le projet de loi de finances pour 2014, sachant que ce niveau – situé à 0,85 point d'ajustement – excède celui affiché par la loi de programmation – établi à 0,6 point en 2015 et à 0,5 point en 2016 –, puisque le projet de loi de finances pour 2014 prévoit un déficit structurel de 1,7 % l'année prochaine quand la loi de programmation ne l'évaluait qu'à 1,1 % du PIB potentiel.

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