Intervention de Jacques Arthaud

Réunion du 17 septembre 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Jacques Arthaud, directeur général de l'EPAG de Guyane :

Monsieur le président, Madame la députée, Mesdames et Messieurs, l'EPAG est un établissement public à caractère industriel et commercial de l'État, qui a été créé en 1996. Il a plusieurs domaines d'activité : l'aménagement en faveur du logement ; l'aménagement en faveur du développement économique ; l'aménagement en faveur du développement de l'économie agricole. En tant qu'établissement public, l'EPAG présente un certain nombre de caractéristiques – personnalité morale, personnalité publique, autonomie administrative et financière, spécialité de l'objet.

Je vous ai décrit ses trois missions principales. En faveur de l'économie agricole, je distinguerai deux volets principaux : d'abord, l'aménagement agricole, et donc l'ouverture de nouveaux espaces agricoles au monde agricole ; ensuite, les interventions foncières qui pourraient être menées sur les espaces agricoles déjà ouverts.

En premier lieu, l'EPAG intervient en tant que propriétaire, aménageur et ensuite vendeur ou bailleur de surfaces agricoles.

Je vous donne un exemple concret : la dernière opération en date, l'opération de Wayabo, a été menée sur la commune de Kourou. L'EPAG s'est rendu propriétaire de 42 km2, soit de 4 200 hectares de foncier. Il ne s'agissait pas d'une acquisition à titre onéreux, mais d'une acquisition à titre gracieux ; l'État a en effet librement rétrocédé ce foncier à son établissement public. L'EPAG a aménagé ce terrain : procédure administrative sous forme de lotissements, travaux (création de 25 km de route), division foncière, et mise à disposition de foncier auprès d'agriculteurs. Dans un premier temps, cette mise à disposition s'est faite par des baux précaires. À leur issue, au terme de cinq années, on a pu vérifier la réalité de la mise en valeur agricole des parcelles. Pour les agriculteurs qui ont réussi à mettre en valeur leurs terrains, cela se traduit aujourd'hui par des cessions à un prix très en deçà de la valeur vénale estimée par l'administration des Domaines. Pour ceux qui ne les ont pas mis en valeur, deux situations ont été prises en compte : si les terres n'ont quasiment pas été mises en valeur, l'EPAG les reprend pour les réattribuer à de nouveaux agriculteurs ; si la mise en valeur est en cours, on passe à des titres qui permettent de sécuriser juridiquement l'installation – avec des baux emphytéotiques.

Comme vous pouvez le constater, l'EPAG joue un rôle d'aménageur foncier, mais aussi de gestionnaire, et fait en sorte que les terres qui sont affectées aux agriculteurs soient véritablement mises en valeur. Je précise que les cessions qui sont en cours comportent des clauses anti-spéculatives draconiennes, garantissant que, pendant au moins une quinzaine d'années, les terres resteront bien affectées au profit de l'économie agricole. Au-delà, bien évidemment, il nous faudra disposer d'autres outils.

Je pense utile de vous livrer quelques chiffres pour caractériser le poids de notre activité agricole par rapport à nos autres activités en faveur du logement et de l'économie. Au 31 décembre 2012, l'EPAG disposait de 14 523 000 euros de fonds propres. Dans cette masse budgétaire, la dotation en capital qu'avait apportée le ministère de l'Agriculture, non pas à la création de l'EPAG, mais plus tard, en 2007, était de 400 000 euros. Cela vous donne une idée des moyens qui ont été mis à la disposition du ministère de l'Agriculture pour ce type de mission.

Le second rôle de l'EPAG serait de sécuriser l'ensemble du foncier agricole de la Guyane. Pour cela, la loi d'orientation agricole de 1999 a créé le droit de préemption pour les SAFER en métropole et en outre-mer. Comme il n'y a pas de SAFER en Guyane (le seul département de France et d'outre-mer avec Mayotte), le législateur a corrigé ce manque par la loi de 2006 qui a attribué ce droit de préemption à l'EPAG.

En 2006, la situation budgétaire de l'établissement était délicate. Ses fonds propres étaient négatifs. Il lui était donc difficile de remplir les nouvelles missions que lui donnait le législateur, d'autant plus qu'il était confronté à d'autres enjeux très importants. Voilà pourquoi, jusqu'en 2010, l'EPAG s'est essentiellement consacré à ses missions d'aménagement en faveur de l'habitat et de l'agriculture.

À partir de 2010, l'EPAG a retrouvé une situation financière saine et la capacité de mettre en oeuvre ces nouveaux dispositifs. Un vote de son conseil d'administration a approuvé la mise en oeuvre de son droit de préemption et a demandé au préfet de préparer la concertation nécessaire, en amont de la procédure d'établissement du décret par le ministre de l'Agriculture, procédure indispensable pour la mise en oeuvre de ce dispositif. Force est de constater que, depuis deux ans, la concertation n'a pas été engagée. Donc, l'EPAG est doté de cette compétence mais ne la met pas en oeuvre.

Aujourd'hui, le ministère de l'Agriculture indique que l'EPAG n'est pas forcément le meilleur outil pour mettre en oeuvre ce droit de préemption. Sauf qu'il n'y a pas d'autre organisme compétent pour le faire. Voilà pourquoi, malheureusement, le mitage des espaces périurbains se poursuit.

Il arrive que de grands propriétaires, possédant par exemple une centaine d'hectares, fassent venir un géomètre qui découpe des lots d'un, 2 ou 3 hectares. Ils les vendent à des personnes qui ne sont pas agriculteurs, qui construisent, le plus souvent en toute illégalité, une maison – en général une résidence d'habitation principale. Comme ces personnes sont propriétaires et que les constats de constructions illégales en Guyane sont relativement nombreux, au bout de quelques années, des pans entiers d'espaces périurbains basculent du monde agricole en zone semi-denses. Ces zones feront ensuite l'objet de grandes opérations d'aménagement, avec toutes les difficultés que cela suppose lorsque les terrains sont déjà occupés.

Je vous ai ainsi décrit les deux champs d'action de l'EPAG : le premier, en faveur de l'aménagement et de l'augmentation de la surface agricole utile ; le second, en faveur de la préservation des terres, qui n'est pas mis encore en oeuvre mais qui pourrait l'être – il manque un décret d'application, sur simple décision gouvernementale.

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