Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 25 septembre 2013 à 12h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président :

Le Haut Conseil des finances publiques juge plausibles les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fonde ce budget, notamment la prévision d'une croissance de 0,9 %. Je m'interroge toutefois sur la prévision d'évolution du pouvoir d'achat des ménages et, par suite, de la consommation, compte tenu de l'importance de la ponction fiscale que ceux-ci subiront en 2014.

Je souhaiterais à cet égard que vous confirmiez ou que vous infirmiez l'évaluation suivante : si l'on additionne l'augmentation des prélèvements de 6 milliards d'euros au titre de la TVA ; l'augmentation de 1,8 milliard d'euros au titre de la réforme des retraites, se répartissant entre une hausse des cotisations salariales de 0,15 point et l'assujettissement à l'impôt sur le revenu de la majoration de 10 % pour les personnes ayant élevé trois enfants ou plus ; l'augmentation d'environ 3,5 milliards de l'impôt sur le revenu du fait de l'abaissement du plafond du quotient familial, de la suppression de l'exonération sur une partie des versements aux complémentaires santé, de la suppression de la réduction d'impôt pour les enfants scolarisés et de la refiscalisation des heures supplémentaires – qui, il est vrai, résulte de textes antérieurs mais qui fera désormais sentir ses effets en année pleine – ; enfin, l'augmentation que l'on peut évaluer à 1 milliard d'euros au titre de la marge de manoeuvre supplémentaire donnée aux départements en matière de droits de mutation à titre onéreux, n'arrive-t-on pas à un total de 12 milliards d'euros, soit une augmentation supérieure à celle de 2013, qui était de 10 milliards ?

D'autre part, pouvez-vous indiquer le nombre de ménages qui paient l'impôt sur le revenu en 2013 alors qu'ils ne le payaient pas en 2012 et faire d'ores et déjà une évaluation pour 2014 ? Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut s'attendre à ce qu'un nombre considérable de foyers entre dans l'impôt l'année prochaine, et ce en dépit de la majoration de la décote.

En matière de fiscalité des entreprises, la nouvelle taxe sur l'excédent brut d'exploitation, qui devrait rapporter 2,5 milliards d'euros, est assise sur le résultat majoré des amortissements et des frais financiers. Elle affectera donc directement l'investissement et touchera au premier chef les entreprises qui investissent beaucoup, c'est-à-dire les entreprises industrielles, alors même que ce sont celles qui bénéficient le moins du CICE. Ne craignez-vous pas qu'elle aille à l'encontre de l'objectif de renforcement de la compétitivité assigné au CICE dans la ligne du rapport Gallois ?

S'agissant des dépenses, une partie des économies que vous venez de détailler, monsieur le ministre délégué, ne sont-elles pas en trompe-l'oeil ? Par exemple, il se trouve que la diminution nominale de 1,5 milliard d'euros des dépenses hors dette et pensions que vous annoncez correspond exactement au montant de la diminution des dotations aux collectivités locales. Au Comité des finances locales qui vous en faisait hier la remarque, vous avez objecté que l'État rendait 827 millions d'euros aux départements dans le cadre du pacte de confiance et de solidarité – puisqu'il abandonne une partie des frais d'assiette et de recouvrement – et que la baisse des dotations n'était donc en réalité que de 700 millions. Le problème est que l'on ne trouve pas trace, dans le projet de loi de finances, de ces 827 millions de dépenses supplémentaires pour l'État et qu'ils ne sont pas dans la norme de dépense.

Autre exemple : celui de l'ONDAM, dont la progression en exécution ces dernières années est descendue à 2,4 ou 2,5 %. Vous prévoyez du reste une hausse de 2,4 % pour 2014, mais l'économie de 2,5 milliards d'euros dont vous vous prévalez est calculée par rapport à une tendance de progression de 4,1 % totalement artificielle. Plus la tendance de référence est élevée, plus l'économie présentée est virtuelle. Pourquoi, tant qu'on y est, ne pas se référer aux progressions de dépenses d'assurance maladie de 7 ou 8 % par an que nous avons connues lorsque la ministre chargée des affaires sociales s'appelait Martine Aubry ?

En ce qui concerne maintenant l'exécution de la loi de finances pour 2013, le 25 juin dernier, je tenais avec mes collègues de l'UMP et de l'UDI une conférence de presse pour indiquer que, faute de projet de loi de finances rectificative, nous étions conduits à estimer le déficit pour 2013 à 4 points de PIB au moins. Cela nous a valu l'après-midi même des attaques violentes de votre part, monsieur le ministre de l'Économie et des finances, et de la part du rapporteur général. Or, le Gouvernement a annoncé il y a quinze jours un déficit pour 2013 de 4,1 % ! Pourriez-vous nous donner aujourd'hui vos prévisions de recettes fiscales d'ici à la fin de l'année ?

Vous avez beaucoup insisté, dans votre exposé liminaire, sur la notion de solde structurel. Mais c'est le solde nominal qui nous préoccupe car en dépend notre capacité d'emprunt, et avec ce solde le problème de la dette, que vous n'avez évoqué à aucun moment. Vous vous êtes ainsi bien gardé de fournir un tableau de l'évolution de l'endettement, qui devrait atteindre 95 % du PIB à la fin de 2014. Je souhaite donc que vous nous indiquiez comment vous envisagez de mieux maîtriser cette évolution.

Je constate enfin que l'exécutif n'applique pas la loi fiscale que nous avons votée. Cette remise en cause des prérogatives du Parlement et, singulièrement, de la commission des finances est inquiétante. Par exemple, l'administration a publié début août au Bulletin officiel des finances publiques une instruction fiscale qui modifie radicalement le régime des plus-values immobilières et met en place un système complexe d'exonération fiscale au bout de vingt-deux ans et d'exonération sociale au bout de trente ans. Ce dispositif est contraire à la loi votée. J'estime que le Parlement aurait dû en être saisi.

On se souvient aussi qu'à la suite de l'affaire dite des « pigeons », le rapporteur général avait dû réécrire complètement l'article relatif aux plus-values mobilières du projet de loi de finances pour 2013 et que le Parlement avait adopté cette rédaction. Or, le Président de la République a annoncé en avril dernier, lors des assises de l'entrepreneuriat, qu'un autre système s'appliquerait. Depuis lors, les services fiscaux répondent aux entreprises qui les interrogent à ce sujet que ce n'est pas le dispositif résultant de la loi de finances qui s'applique, mais cet autre système – qui a d'ailleurs été introduit dans le présent projet de loi de finances.

D'autre part, comme le relève le rapporteur général dans son rapport d'information sur l'application des mesures fiscales contenues dans les lois de finances, l'exécutif a publié le 14 juin dernier une instruction fiscale contraire, selon de nombreux juristes, à la décision du Conseil constitutionnel censurant la réforme des modalités de calcul du plafonnement de l'impôt sur la fortune. Le rapporteur général estime à juste titre qu'il est curieux, et même anormal, de publier une telle instruction la veille de la date limite fixée pour la déclaration de l'ISF.

J'espère, messieurs les ministres, que vous montrerez un plus grand souci de transparence et un plus grand respect de nos prérogatives lors de l'exercice 2014, en nous tenant informés de l'évolution des comptes et en appliquant effectivement les dispositions fiscales votées par le Parlement.

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