Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 25 septembre 2013 à 12h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances :

La mesure a été « ciblée » pour avoir un effet favorable à la fois à l'emploi et à la compétitivité.

À l'égard des ménages, notre préoccupation de justice est constante et nous a conduits à revenir sur la hausse généralisée de TVA précédemment prévue.

Les entreprises font toutefois l'objet de mesures nouvelles. La nouvelle contribution de 1 % assise sur l'EBE – soit la valeur ajoutée, déduction faite des salaires et des impôts – constitue une réforme structurelle qui a vocation à s'étendre. À la différence de l'IFA et de la C3S, qui souffre du même biais et à laquelle nous n'ajoutons donc pas, l'EBE reflète en effet le résultat des entreprises. Celles qui ont les taux de marge les plus élevés seront le plus fortement sollicitées ; les autres seront ménagées. En tout état de cause, cette assiette est beaucoup plus favorable à l'industrie que celles qui prennent en compte le chiffre d'affaires et reviennent à taxer les matières premières et les salaires. Cette mesure devrait permettre d'amorcer une baisse significative de la fiscalité sur le chiffre d'affaires, qui ne tient pas compte des réalités économiques.

Combien d'entreprises y gagneront et combien y perdront, avez-vous demandé, monsieur le rapporteur général. Nous estimons que 8 000 grandes entreprises seront redevables de cette nouvelle contribution tandis qu'y échapperont 18 000 PME et ETI alors même qu'elles cesseront de payer l'IFA – celles-ci seront donc pleinement gagnantes.

Je ne reprends pas ici toutes les mesures prises en matière de fiscalité des entreprises ; je n'évoquerai ni les gagnants du CICE – qui bénéficie à l'ensemble des entreprises qui ont des salariés, avec un seuil à 2,5 SMIC, soit 80 % des salariés – ni les gagnants de la baisse de la fiscalité sur le chiffre d'affaires que nous entendons mener dans les prochaines années. Mais, vous le voyez, progressivement, nous adaptons nettement la fiscalité des entreprises – au bénéfice de l'emploi. De ce point de vue, je suis toujours mal à l'aise lorsque j'entends opposer fiscalité des entreprises et fiscalité des ménages : en définitive, la principale source de pouvoir d'achat, c'est l'emploi ! Lorsque nous prenons des mesures en faveur des entreprises, c'est pour qu'elles investissent et qu'elles embauchent.

Monsieur le président, non, notre scénario macro-économique n'est en rien biaisé. L'amélioration du pouvoir d'achat que nous prévoyons pour 2014 s'explique principalement par la hausse attendue des revenus d'activité et par la modération de l'inflation, en dépit de la réforme de la TVA, grâce au CICE. L'évolution de la fiscalité directe sur les ménages contribue certes, vous avez raison, à réduire le pouvoir d'achat agrégé ; vous reconnaîtrez toutefois que ces prélèvements ne sont pas répartis de façon uniforme : ils contribuent à renforcer la justice sociale et les deux premiers éléments que j'ai cités l'emportent sur celui-ci. Notre prévision d'une hausse de 0,8 % du pouvoir d'achat en 2014, s'ajoutant à celle de 0,3 % enregistrée en 2013, me paraît donc tout à fait réaliste.

Le rapporteur général m'a interrogé sur le dérapage du déficit observé en 2013, malgré une prévision de croissance inchangée par rapport au programme de stabilité. À ce propos d'ailleurs, monsieur le président, je relève dans votre propos une petite erreur de méthode : plutôt qu'avec le déficit voté en loi de finances initiale alors que la zone euro entrait en récession, notre prévision de 4,1 % doit être comparée avec celle qui figure dans le programme de stabilité, c'est-à-dire 3,7 %, ce d'autant que le débat sur ces matières a beaucoup évolué en un an. Mais, pour répondre à la question du rapporteur général, je dirai que l'écart s'explique essentiellement – pour les trois quarts – par des moins-values de recettes fiscales au cours du premier semestre : la faible inflation a des conséquences sur la TVA et l'impôt sur les sociétés réagit fortement lors des phases de ralentissement économique.

S'agissant des prélèvements sur les ménages, je trouve paradoxal que ceux-là même qui avaient voté un taux de TVA à 21,2 % viennent nous reprendre ! Il n'est nul besoin d'un grand effort d'imagination pour comprendre quels auraient été les effets sur les ménages d'une telle hausse.

La dette publique s'est établie en 2012 à 90,2 % du PIB, après une augmentation de 4,4 points ; en 2013 et 2014, ce ratio continue à augmenter, mais à un rythme qui se ralentit progressivement : il atteindra 93,4 % en 2013 et 95,1 % en 2014, la progression tombant à 3,2 points, puis à 1,7 point. Cette évolution s'explique par le niveau de déficit nominal, qui demeure incontestablement élevé, et par la faiblesse de la croissance, qui joue sur le dénominateur. Mais la poursuite de nos efforts permettra de ramener le déficit en deçà de 3 % et, en 2015, la courbe de la dette devrait s'inverser. Nous ferons évidemment preuve de transparence et de vigilance sur ces questions importantes. Je souligne également que le soutien financier aux États de la zone euro pèse sur ce ratio ; si on l'exclut du calcul, le poids de la dette rapporté au PIB descend à 90,4 % pour 2013 et à 91,8 % pour 2014.

Enfin, monsieur le rapporteur général, ce budget reflète, et je voudrais que chacun en convienne, des efforts considérables en faveur de la transition énergétique, qui bénéficie d'une réelle priorité. Je n'hésite pas à dire qu'il comporte des mesures de portée historique, notamment avec la contribution énergie-climat, c'est-à-dire avec l'introduction d'une composante carbone dans notre fiscalité, à la suite des travaux du comité présidé par M. de Perthuis. Le programme d'investissements d'avenir est d'ailleurs axé sur la transition écologique. De ce point de vue, ce budget est plus qu'irréprochable : il est remarquable !

Monsieur Lefebvre, la trajectoire pluriannuelle a été très légèrement ajustée depuis le programme de stabilité, pour tenir compte des effets de la moindre croissance mais aussi pour tirer les bénéfices des nouvelles recommandations de la Commission européenne. Il ne faut surtout pas pénaliser la croissance ! Certains, à droite, nous demandaient un collectif budgétaire : nous n'en avons pas fait, refusant comme je l'ai dit d'ajouter l'austérité à la stagnation, et nous avons eu raison comme l'a montré notre niveau de croissance par la suite. Nous nous sommes engagés à maintenir une trajectoire pluriannuelle de réduction du déficit structurel qui est connue : c'est cohérent avec nos objectifs – stabilisation des prélèvements obligatoires et économies sur les dépenses publiques – et se fait au service de nos priorités qui sont la croissance et l'emploi.

Monsieur Mariton, l'écart que vous soulignez avec le niveau de solde structurel prévu par la loi de programmation des finances publiques est dû, d'une part, à la révision des comptes nationaux par l'INSEE pour l'année 2011 et, d'autre part, à la sur-réaction des recettes fiscales à une conjoncture défavorable. Nous avons abondamment débattu de ces points avec le Haut Conseil des finances publiques, qui reconnaît ces facteurs. Nous avons fait le choix de ne pas prendre de mesures additionnelles pour combler cet écart, mais nous avons renforcé l'effort en 2014 par rapport à ce qui était inscrit dans la loi de programmation des finances publiques. L'écart se résorbe donc progressivement : de 1 point en 2013, il ne sera plus que de 0,6 point l'an prochain. Cette convergence continuera.

Pour ce qui est du Haut Conseil, je retiens d'abord l'existence de cette autorité indépendante exigée par les traités. Je retiens ensuite qu'il travaille avec notre ministère dans des conditions satisfaisantes et reconnaît la qualité des échanges, même s'il souhaite quelques améliorations, dont nous sommes naturellement disposés à débattre. Je retiens enfin et surtout qu'il juge le scénario macro-économique que nous présentons « plausible » et conforme au consensus des principales organisations internationales. Évidemment, la prévision économique n'est pas une science exacte – le Haut Conseil lui-même en a fait l'expérience l'an dernier puisqu'il avait jugé très peu probable une croissance positive en 2013. Les aléas existent, mais les derniers indicateurs me rendent plutôt optimiste.

S'agissant des lois de programmation, je voudrais seulement souligner que, quels que soient les ajustements que nous pouvons être amenés à faire par rapport à la loi de programmation des finances publiques, il s'est passé quelque chose depuis l'adoption de celle-ci, qui est d'une grande importance politique, mais aussi technique et juridique : c'est la recommandation de la Commission européenne, qui nous a donné deux années supplémentaires et sur laquelle nous nous calons. Il faut la prendre en considération.

Nous respectons donc l'avis du Haut Conseil et poursuivons notre dialogue, parfois de façon critique, avec cette institution.

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