Intervention de Yannick Moreau

Réunion du 18 septembre 2013 à 18h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Yannick Moreau, présidente de la commission pour l'avenir des retraites :

Je dois dire en introduction que le débat sur les retraites a beaucoup évolué. Je reconnais que la question des femmes, qui n'a pas été ignorée par le passé – il y avait en effet la prise en compte de la situation des « veuves pauvres » – mais qui était traitée comme une question un peu cantonnée, a pris aujourd'hui la place qu'elle devait avoir, et notamment au regard des inégalités entre les sexes. Mais il faut garder beaucoup de réalisme et de précision dans l'analyse des dossiers à traiter. Une plus grande présence des femmes au sein du COR serait bien sûr souhaitable pour que les travaux de ce conseil soient plus sensibles à la question des inégalités.

Le sujet de l'égalité homme-femmes est bien traité dans les rapports du Conseil d'orientation des retraites. Il y a encore d'autres travaux bien documentés, comme ceux de la DREES, ou ceux de Mme Carole Bonnet par exemple.

Au moment de la liquidation de la retraite, il existe un écart important d'environ 30 % au détriment des femmes. Si l'écart de situation était plus important dans le passé, il entrait toutefois en jeu un élément sociologique plus prégnant : il y avait plus de mariages et moins de divorces. Non seulement les femmes bénéficiaient donc indirectement des revenus de la retraite de leur mari, mais les droits de réversion étaient également dus à la mort de ce dernier.

Aujourd'hui, on constate que les droits propres des femmes s'améliorent et que les durées d'assurance convergent. En projection, elles pourraient devenir identiques, voire même un peu surcompensées, avec le jeu des majorations de durée d'assurance et de l'assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF). Mais les niveaux de salaires ne sont pas encore égaux, et les enfants sont souvent à l'origine, pour les femmes, de périodes de travail à temps partiel. Il y a donc à la fois un problème au niveau du marché du travail, et un problème dans la répartition des rôles dans le couple en ce qui concerne les tâches accomplies au foyer.

Si les femmes mariées bénéficient d'une bonne couverture sociale par les pensions de réversion, à terme, il peut y avoir une inquiétude pour les femmes célibataires et les femmes divorcées. Le problème des femmes se modifie donc au cours du temps dans les deux sens, positif et négatif. Il faut considérer tous les aspects de la question.

Il faut en effet regarder plus franchement certaines évolutions de la société. Les femmes se considèrent aujourd'hui plus libres, mais les situations de couples qui résultent de cette liberté ne leur sont pas favorables. L'éventualité du mariage est souvent aujourd'hui considérée comme « pas digne » ; pour certaines, ce n'est guère envisageable. On parle beaucoup de la liberté du couple ; il y a donc davantage de choix de vies, mais qui ne favorisent pas les femmes. Au-delà du court terme, il faudrait donc réfléchir à ce que les droits familiaux et les pensions de réversion soient équitables et que les couples soient bien informés.

L'exemple des pensions de réversion est typique : dans une espèce d'inconscience collective, le taux de mariage a considérablement baissé, en conséquence c'est le droit à la réversion et la protection des femmes, qui diminuent. Il y a en outre beaucoup de séparations : les couples ont donc de fortes chances d'être séparés au moment du décès de l'époux.

Pour réfléchir d'une manière plus précise et consciente à l'accompagnement de cette évolution, les femmes devraient être beaucoup plus présentes dans les instances qui traitent ces problèmes comme le COR.

Je vais préciser quelle a été notre logique en traitant la question des avantages familiaux.

Nous avons d'abord constaté que l'on ne pouvait toucher ni au marché du travail, ni lancer une politique d'information des couples pour orienter leurs choix !

Le sujet du rapprochement des régimes est une question d'intérêt national, et très difficile, car chacun est attaché à sa particularité, et les catégories sont persuadées de bénéficier du meilleur régime.

En revanche, d'autres sujets ne font pas l'objet de blocages a priori : la question des droits familiaux et celle des réversions. Pour ces deux éléments, le rapprochement est souhaité par les citoyens et les syndicats. La culture « prestations familiales », égalitaire, prédomine et la compréhension du rapprochement comme progrès de justice et de lisibilité existe. Nous avons considéré préférable de commencer par ce qui apporte de la cohésion, ce qui peut remporter une large adhésion. C'est pourquoi nous avons ouvert cette piste de travail et conçu une réforme, qui ne touchait cependant pas tous les avantages familiaux. Nous avons beaucoup travaillé mais la complexité intrinsèque de ces dossiers a fait que le Gouvernement a préféré prendre plus de temps pour commencer ces réformes.

La réforme des droits familiaux nous paraissait être la seule mesure qui nous permettrait de donner spécifiquement un avantage aux femmes à raison de la maternité. L'avantage obtenu selon notre projection aurait pu être d'environ 70 euros et non 15 euros. Ce chantier sera rouvert, et il faut que des femmes y soient présentes.

Je souhaiterais qu'on procède à une réforme des pensions de réversion sans trop tarder, car les jeunes aujourd'hui ne connaissent pas bien les conséquences des choix qu'ils font. Tout est très compliqué. S'il y avait un régime unique de réversion, les jeunes couples connaîtraient les conséquences de leurs choix : il faut une lisibilité.

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